Arnold Puech d'Alissac, un Normand à la présidence de l'Organisation mondiale des agriculteurs
Arnold Puech d'Alissac, polyculteur-éleveur à Pissy-Pôville, est devenu cet été le président de l'Organisation mondiale des agriculteurs (OMA). Ce syndicat représente les producteurs « en lien avec les marchés mondiaux ». Il fédère 78 organisations issues de 54 pays.
Comment, en étant agriculteur à Pissy-Pôville, en arrive-t-on à un engagement international et à devenir président de l'OMA ?
Il faut penser global pour agir local. Quand je défends les circuits courts chez nous, ou quand je défends la grande exportation, ça a toujours été dans une réflexion globale. Qu'on le veuille ou non, l’économie et le climat sont mondiaux. Les choses ne s'arrêtent pas aux portes de nos fermes. Il vaut mieux aller voir au-delà. C'est comme ça que je me suis intéressé au syndicalisme, d'abord localement, et puis on va de plus en plus en loin. Dès 1997 j'ai commencé à suivre les travaux du CEJA (Conseil européen des Jeunes agriculteurs, dont il a été président, ndlr). Puis en 2014 j'ai rejoint le Copa (Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne) et le Conseil économique et social européen. A partir de là, j'ai suivi les travaux de l'OMA.
Pourquoi est-ce important d'avoir des représentations agricoles internationales ?
Les anglophones, disent : « Si vous n'êtes pas autour de la table, vous serez au menu ». A la FAO, au comité de sécurité alimentaire, les agriculteurs n'étaient pas représentés. Il y avait les industriels - Unilever, McDo, PepsiCo... - et les tout petits producteurs défenseurs de l'autonomie alimentaire, la Via Campesina (une ONG agricole altermondialiste à laquelle adhère notamment la Confédération paysanne, ndlr). C'est pour cela qu'on a fondé l'OMA en 2011 : pour être autour de la table et que les agriculteurs ne soient pas représentés que par des gens qui ne représentent pas la masse des agriculteurs qui sont en lien avec les marchés mondiaux. Nous sommes reconnus désormais comme la voix des agriculteurs, dans ce comité de sécurité alimentaire. D'un tout petit secrétariat en 2011, aujourd'hui on a 15 personnes à Rome, et on fédère 78 organisations membres, issues de 54 pays.
Mais que pèse la voix des agriculteurs, même de 54 pays ?
L'agriculture représente 2 à 3 % du PIB mondial. Mais c'est presque 10 % du commerce mondial. C'est une valeur qu'on s'échange, car elle est inégalement répartie dans le monde. C'est un sujet qui compte, et il est important que les agriculteurs puissent se positionner sur cette question. Tout le monde réfléchit à plus d'autosuffisance. Mais même l'Egypte qui a réussi à porter son autosuffisance alimentaire à 54 %, tout en gérant une forte augmentation de sa population et son eau, a toujours besoin de 46 % d'import. Donc, il faut un commerce international régulé. Nous sommes favorables à des accords mondiaux qui sont en général des accords équilibrés.
Et sur le changement climatique, quelle est la position de l'OMA ?
On participe aux travaux de la COP. On sait que l'agriculture sera toujours un secteur émetteur de gaz à effet de serre, même si on peut être plus efficace. Sinon, on travaille sur le partage d'expériences entre agriculteurs du monde. Pour que chacun puisse expliquer comment il vit le changement climatique chez lui, et comment il trouve des solutions. Ce n'est pas une fois qu'il ne pleut pas, qu'il faut se mettre à stocker l'eau.
Avec des agricultures si différentes, vous arrivez à trouver des positions communes ?
On discute beaucoup. Entre les Australiens et les Norvégiens, il y a bien sûr de grandes différences. Mais on arrive à trouver des arbitrages. Les évolutions du monde comme la COP 21, le Covid ou la guerre en Ukraine, nous poussent à nous écouter et à nous repositionner. J'étais candidat à la présidence de l'OMA, face à un Canadien et une Néo-Zélandaise, avec une approche beaucoup plus libérale. Je sais que j'ai été élu en opposition à cette politique. Mais on fait un travail d'équipe. Et le président n'est que le capitaine de l'équipe. Je suis très content de ce que chaque continent apporte. Mon prédécesseur était sud-africain. On a eu un néo-zélandais pendant 9 mois, auparavant... et on fait tout pour que cela tourne entre les continents. On ne peut pas faire plus de 4 ans avec un représentant d'un même continent à la présidence.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre