Saint-Saëns : la Maison Lefèvre rebondit grâce au Covid
Entreprise familiale implantée à Saint-Saëns depuis 1956, la Maison Lefèvre élève et transforme 700 tonnes de truites par an. Le premier confinement lui a donné l’occasion de repenser ses produits, élargir sa gamme et conquérir des marchés.
Comme un poisson dans l’eau, nageant à contre-courant... Les métaphores poissonnières ne manquent pas pour évoquer l’atypique parcours de la Maison Lefèvre. L’entreprise piscicole familiale, basée à Saint-Saëns depuis 1956, traverse en effet la crise sanitaire avec le sourire. « Nous étions sur des rails et l’entreprise ronronnait un peu... Finalement, la crise sanitaire aura été plutôt positive pour nous », décrit Catherine Lefèvre, co-gérante de l’entreprise. Un mal pour un bien en quelque sorte, tant l’entreprise s’est, en quelques jours seulement, réinventée.
Pourtant, au 16 mars 2020, le ciel leur est tombé sur la tête comme dans toute la Gaule. L’entreprise, qui élève 700 tonnes de truites arc-en-ciel transformées en 350 tonnes de filets surgelés, dépend alors à 85 % de la restauration collective. Toutes les commandes ont été stoppées du jour au lendemain. Après cinq jours de chômage partiel et une petite panique bien naturelle - pas facile en effet de stopper du jour au lendemain une production, basée sur du vivant, et qui se planifie sur dix à quinze mois - l’entreprise s’est remise en ordre de marche.
Un virage pris en trois mois
« Nous avons tout de suite cherché un nouveau marché », se souvient Catherine Lefèvre. La grande distribution se présente alors comme la solution. « Nous avions déjà eu des contacts sur ce marché, mais notre produit, uniquement du filet et non du pavé, n’avait pas convaincu. » Profitant d’un vent de solidarité de la part du distributeur de surgelés Picard, qui s’engage pour 20 tonnes de filets, l’entreprise se relève rapidement les manches. « Nous avons beaucoup travaillé le produit, en particulier sur l’extraction des arêtes, et revu complètement notre packaging. Et, finalement, nous avons commencé à livrer en juillet. »
Très vite, le consommateur est au rendez-vous. Et le groupe Picard porte sa commande à 60 tonnes pour 2020... puis 80 tonnes pour 2021. Et en parallèle, un autre client historique, Toupargel, voit aussi ses commandes augmenter. Galvanisée par ces bons résultats, Lefèvre Surgelés passe de 13 équivalents temps plein avant la crise, à 20 aujourd’hui... Les embauches ont touché à tous les échelons : secrétariat, maintenance, élevage, production... et bien sûr R&D. Ce dernier poste emmène aussi l’entreprise un peu plus loin dans la diversification avec la création d’une gamme de rillettes de truites. Bientôt mises sur le marché, elles vont valoriser les filets jugés non conformes pour être vendus entiers.
150 000 € d’investissements
Bien sûr, tous ces changements ont supposé d’importants investissements. Au total, hors main d’œuvre, l’entreprise Saint-Saennaise aura investi 150 000 €. Rien d’anodin pour une PME générant 2 millions de chiffre d’affaires annuel, qui a heureusement été soutenue conséquemment par l’Agence de développement de la Normandie (ADN) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
Reste à savoir désormais, si la clientèle historique de l’entreprise, la restauration collective, reviendra dans des niveaux comparables à "l’avant Covid"... La Maison est, en tout cas, prête à assumer une hausse de production. Les trois sites piscicoles de Saint-Saëns, Touffreville-sur-Eu et Rosay sont opérationnels et l’atelier de transformation est en cours de modernisation. « Nous sommes en pleins travaux et nous mettons tout en œuvre pour gagner en productivité », dévoile Xavier Lefèvre.
En attendant, l’entreprise surfe sur la vague de changement. De nouveaux marchés sont déjà en prospection et l’élargissement de la gamme pourrait se poursuivre... de quoi aussi donner envie à au couple d’ouvrir un magasin d’entreprise, et profiter ainsi du sublime cadre offert par l’ancienne abbaye bordant la Varenne...
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre