Série été
Au parc et jardin du château d’Eu, une autre marque de l'histoire
Au fil des siècles, les comtes et comtesses d’Eu ont marqué de leur empreinte la ville et ses alentours. Le parc et le jardin du château en sont un témoignage verdoyant.
Pièce magnifique du patrimoine normand, le château d’Eu attire chaque année une foule de touristes en provenance de toute l’Europe. Résidence de la Grande Mademoiselle, cousine de Louis XIV, puis de Louis-Philippe, le "roi des Français", ce bâtiment est mis en valeur par un magnifique parc de 116 hectares inscrits à l’inventaire des sites pittoresques du département depuis 1980. Un parc dont l’histoire est étroitement liée au château et à ses propriétaires successifs, et qui faisait partie du domaine du château, qui incluait autrefois la forêt d’Eu, jusqu'à Aumale.
D’abord, il y a le jardin-terrasse à la française. Somptueux, il rehausse la majesté du château, et offre un espace de promenade romantique accessible à tous, gratuitement. « Il y avait déjà un jardin à l’époque de la création du château par Henri de Guise en 1578 », explique Alban Duparc, attaché de conservation du musée Louis-Philippe. Pourtant, c’est Anne-Marie-Louise d'Orléans, dite la Grande Mademoiselle, cousine de Louis XIV, qui le fait en premier lieu réellement aménager.
Point de vue et paysage
En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, « les murs de soutènement du jardin ne sont pas du tout les anciennes fortifications de la ville », raconte Alban Duparc. D’une hauteur de 10 mètres à certains endroits, ces murs sont uniquement le fruit de la volonté de la Grande Mademoiselle, devenue propriétaire du domaine en 1660, de disposer d’un belvédère surplombant le fleuve et la campagne environnante. Celui-ci donne, notamment, sur la partie basse du parc, plus sauvage, une pièce d’eau longue, un long étang pointant vers la mer et l’ancien canal de Penthièvre.
« A l'époque, les arbres étaient moins hauts, et la pièce d’eau était plus visible depuis le belvédère, poursuit Alban Duparc. On dit même qu’on voyait la mer. » Ce sont les propos de la Grande Mademoiselle elle-même, rapportés par Louis Estancelin dans son Histoire des comtes d’Eu, qui le disent : « Le château me parut assez beau. (…) La situation en est très belle ; on voit la mer de tous ses appartements. »
Le passage de Louis-Philippe
Néanmoins, c’est bien au XIXème que le jardin a subi le plus de modifications, sous le règne de Louis-Philippe. Le jardin à la française actuel s’approche beaucoup de celui de l’époque. Même les statues d’Apollon et de Diane sont des reproductions de commandes passées par le roi. Par ailleurs, Louis-Philippe, qui avait fait de Eu sa résidence d’été, rachète plusieurs parcelles adjacentes à la partie basse du parc. Pas de jardin à la française toutefois sur ces nouveaux espaces. La mode est passée, et c’est une gestion à l’anglaise qui y est pratiquée, avec une approche de parc paysager.
Aux alentours du parc aussi, le roi fait des aménagements avec la création de glacières (où était stockée la glace en provenance de Norvège pour la conservation des produits et la réalisation de sorbets), de ponts et de dépendances, notamment pour loger les employés. Il appose aussi la table des Guise, à l’emplacement où, pensait-il, les Ducs de Guise tenaient autrefois conseil.
Un jardin moderne
Mis sous séquestres après l’abdication de Louis-Philippe, le château poursuit sa vie, et se retrouve dans le giron de la famille d’Orléans après la commune. Le comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe, charge alors le célèbre architecte Eugène Viollet-le-Duc de l’aménagement et de la décoration de l’ensemble du domaine. Y compris de la modernisation du parc. Apparaissent alors successivement des dépendances techniques comme des turbines, une usine à gaz, un puits artésien, un émissaire des sources...
Aujourd'hui, le parc poursuit sa vie. Devenu en grande partie la propriété de la ville d’Eu, il reste vivant, spécialement parce qu’il est ouvert gratuitement au public. Il abrite aussi depuis quelques années des œuvres d’artistes qui exposent à la chapelle du collège. Il accueille aussi des ateliers de dessins.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre