Vers un travail hybride et nomade
Avec le développement massif du télétravail, les Français se déclarent majoritairement pour sa généralisation à l’avenir. C’est l’un des enseignements de l’étude de l’Observatoire Cetelem.
« Le télétravail constitue un grand défi pour les entreprises, étant à la fois une source d’opportunités et de risques », affirme Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem en présentant les principaux résultats de l’Observatoire Cetelem 2021*. A l’avenir sa généralisation est souhaitée par plus de sept Français sur dix, en alternance avec des phases de présentiel, soit une moyenne de 2,3 jours de télétravail par semaine.
Concernant le lieu de travail, près de la moitié des personnes interrogées apprécieraient, au moins de temps en temps, de pouvoir travailler dans un tiers lieu comme un espace de coworking. Le droit au télétravail va devenir une revendication légitime chez les salariés (78%) et une attente forte des candidats lors des recrutements (77%). Ainsi, les entreprises devront donc le proposer si elles souhaitent rester attractives. « Il y a un vrai enjeu pour l’avenir, avec une notion du travail à distance qui est d’ores et déjà intégrée et fera partie de la normalité. Ce n’est plus seulement une attente, mais une exigence des candidats », relève Flavien Neuvy. « Le monde du travail ne sera plus jamais le même », abonde Caroline Diard, professeur associée en management des RH et droit à l’EDC Paris Business School.
Manque d’interactions sociales
Si la crise n’a pas fondamentalement bousculé la place du travail dans leur vie –la majorité des actifs (56%) estimant n’accorder ni plus ni moins d’importance à son travail qu’avant– le quotidien au travail serait toutefois vécu comme plus morose. Ainsi près de six actifs sur dix se sentent épanouis dans leur travail, mais seuls 17% vont jusqu’à s’estimer « très épanouis » et 20% « pas du tout ». De manière générale, la période est source de fragilités pour les actifs, challengés à plusieurs niveaux dans le quotidien de leur vie professionnelle. En cause, l’affaiblissement des liens sociaux (46%) et un découragement face à une situation sanitaire qui s’éternise (45%). Le manque d’interactions sociales au travail (plus de 6 actifs sur 10), que ce soit les discussions entre collègues (73%), les déjeuners (68%) et les événements festifs ponctuels, comme les pots de départ ou autres soirées (63%) constituent les manques les plus importants. Ce sont essentiellement les plus jeunes qui déclarent le plus pâtir de cette privation, avec près de trois quarts des actifs de moins de 35 ans qui estiment que déjeuner entre collègues (75%) ou boire un verre à la sortie du travail (77%) leur manque.
Horizon d’évolution réduit
La crise a également eu un effet délétère sur les perspectives d’avenir professionnel. Un tiers des actifs jugent qu’elle a réduit leurs possibilités de recevoir une promotion ou des primes et un autre tiers leurs opportunités sur le marché de l’emploi. Concernant leur quotidien, 31% affirment que la crise a eu un effet nuisible sur leur charge de travail et ce davantage encore au sein des catégories aisées (37%). « La crise apporte des difficultés certaines, particulièrement ressenties par les actifs exerçant des fonctions de management, plus sensibles à la dégradation de leur charge de travail et à l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée », analyse Flavien Neuvy. Néanmoins, avec près d’un actif sur deux qui n’indique pas de changement particulier au quotidien sur les différents aspects de sa vie professionnelle, la crise ne représente pas un important bouleversement.
Gain de temps et flexibilité
En termes d’organisation du travail, le télétravail subi et contraint depuis maintenant un an présente des inconvénients tels que l’isolement, cité par 52% des Français, la perte de convivialité (37%) et la sédentarité (32%). Au rayon des bonnes nouvelles, le travail à distance a eu cependant quelques effets positifs notoires : les Français mentionnent en premier lieu le gain de temps (77%) et la flexibilité (75%), que ce soit dans l’organisation du travail ou de la vie quotidienne, et une réduction des dépenses (48%). Conjointement, ils en perçoivent déjà certaines limites sur les individus, et notamment, sur les risques d’accroissement des inégalités sociales entre les salariés pour 74% d’entre eux. Des risques accrus selon la catégorie socio-professionnelle, le logement, l’âge et le sexe des salariés.
Charlotte DE SAINTIGNON
*Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne, les 16 et 17 février 2021, auprès d’un échantillon de 1 068 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.