Un budget de relance et d’investissement... avant les élections ?
Présenté le 22 septembre dernier en Conseil des ministres avec pour ambition de soutenir l’investissement et la croissance, tout en maîtrisant les finances publiques, le dernier projet de loi de Finances du quinquennat, a entamé son parcours devant les députés, ce 11 octobre.
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et son homologue aux Comptes publics, Olivier Dussopt, ont présenté le projet de loi de Finances pour l’année 2022, en insistant sur la fin du « quoi qu’il en coûte » et la nécessité de retrouver une « maîtrise des finances publiques ». Mais à quelques encablures de l’élection présidentielle, ils ne pouvaient manquer d’ajouter que ce budget servirait bien sûr à la relance et à l’investissement, ce qui a soulevé des critiques acerbes de toute part, pour des raisons tant électorales que réellement économiques…
Une baisse des dépenses publiques en trompe-l’œil
Sur les 33 missions de ce budget, nombre d’entre elles ont vu les montants qui leur sont alloués augmenter en 2022. C’est le cas, en particulier, de la Défense (+1,7 milliard), de l’enseignement scolaire (+1,7 milliard), de la solidarité, insertion et égalité des chances (+1,4 milliard), de la recherche et de l’enseignement supérieur (+0,8 milliard), de la sécurité (+0,8 milliard) et de la Justice (+0,7 milliard), même si ces hausses ne représenteront parfois qu’une goutte d’eau, au vu du nombre de chantiers ouverts. Bien entendu, dans un contexte préélectoral, le ministre du Budget a saisi l’occasion de rappeler toutes les promesses tenues par Emmanuel Macron, durant le quinquennat.
Au total, les dépenses nettes de l’État pour 2022 s’élèveraient à 454,6 milliards d’euros : 385 milliards d’euros pour les dépenses du budget général, 43,2 milliards pour les collectivités territoriales et 26,4 milliards pour l’Union européenne. Quant aux dépenses publiques, elles devraient représenter 55,6 % du PIB en 2022, contre 59,9 % en 2021. Mais cette baisse est en trompe-l’œil, dans la mesure où ce budget tient compte de la diminution des dépenses de soutien d’urgence et de relance (34,5 milliards d’euros), tandis que les dépenses des ministères - appelées dépenses pilotables - devraient augmenter de près de 12 milliards d’euros.
La critique sévère du HCFP
Entre les 2 milliards d’euros annuels prévus pour le revenu d’engagement des jeunes et les 30 milliards du plan d’investissement répartis sur plusieurs années, certains chiffrent les nouvelles dépenses annoncées au fil de l’eau par Emmanuel Macron à plusieurs dizaines de milliards d’euros ! Autant de dépenses qui laissent accroire que la reprise de l’activité (6 % en 2021 et 4 % en 2022) serait suffisamment forte et durable pour augmenter les recettes de l’État.
Cela n’a pas manqué de susciter l’émoi du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) — organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes qui, fait rarissime, a estimé dans son avis que le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 dont il a été saisi « est incomplet. En effet, il n’intègre pas l’impact de mesures d’ampleur qui ont pourtant déjà été annoncées par le Gouvernement (grand plan d’investissement, revenu d’engagement, notamment) et que celui-ci prévoit de faire adopter par voie d’amendement, au cours du débat parlementaire ». En conséquence, le HCPF « regrette ces conditions de saisine qui ne lui permettent pas de rendre un avis pleinement éclairé sur les prévisions de finances publiques pour 2022, à l’intention du Parlement et des citoyens, en application de son mandat ».
Déficit public et dette
Ce budget anticipe une hausse de presque toutes les recettes fiscales, conséquence de la reprise de l’activité, qui permettra de dégager des marges de manœuvre pour valoriser politiquement une baisse du taux de prélèvements obligatoires (43,5 %, en 2022), au travers notamment de l’abaissement à 25 % du taux de l’impôt sur les sociétés et de l’exonération de la taxe d’habitation. Au total, les recettes nettes devraient s’élever à 310,9 milliards d’euros en 2022, d’où un déficit budgétaire de 143,4 milliards d’euros, contre 197,4 milliards en 2021. En ajoutant les soldes de toutes les administrations publiques, dont celui de la Sécurité sociale qui est dans le rouge, l’on obtient un déficit public de 4,8 % du PIB pour 2022, qui sera financé par de la dette publique dont le niveau atteindrait 114 % du PIB en 2022, après 115,6 % en 2021. Pour l’instant, au vu des niveaux très bas des taux d’intérêt, le gouvernement n’a aucune inquiétude à avoir. Mais pour donner des gages de son sérieux budgétaire à ses partenaires européens, il a finalement décidé de mettre en place un mécanisme de cantonnement de la dette liée à la covid-19 (165 milliards pour l’État et 65 milliards pour la Sécurité sociale). Cela le contraindra à affecter, chaque année, une partie des recettes à ce désendettement... au détriment, hélas, d’autres priorités.