Les grands chantiers économiques de Macron II
Dans l’entre-deux-tours, le président candidat, Emmanuel Macron, avait présenté les grands chantiers économiques qu’il souhaitait lancer dès l’été. Au programme : plein emploi, équilibre des finances publiques, pouvoir d’achat, transition écologique…
S’il est un constat partagé par tous, c’est que les chantiers économiques sont nombreux et les urgences aussi. L’enjeu de ce quinquennat sera, dès lors, de réussir à concilier des objectifs de long terme, parfois contradictoires en apparence, comme la réindustrialisation et la transition écologique, tout en répondant aux impératifs de court terme.
Des mesures pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages
Durant la campagne présidentielle, les candidats se sont livrés à une surenchère d’annonces en faveur du pouvoir d’achat des ménages, l’inflation actuelle touchant principalement l’énergie, et de plus en plus les produits alimentaires. Cette envolée des prix menace donc la consommation, qui demeure un pilier important de la croissance française. Inflation en hausse, pouvoir d’achat en baisse et croissance en berne, voilà un cocktail explosif qui pourrait déboucher sur une stagflation. Le nouveau président de la République devra donc concomitamment lutter contre l’érosion du pouvoir d’achat et la stagnation de l’activité économique.
Pour ce faire, il a été annoncé une revalorisation des minima sociaux, du point d’indice dans la fonction publique et des pensions de retraite. Quant au SMIC horaire brut et à certaines allocations (RSA, prime d’activité…), ils ont automatiquement été revalorisés au 1er mai, en raison de l’inflation. L’actuel dispositif d’aide à la pompe pour les automobilistes, qui devrait rester en vigueur jusqu’à la fin du mois de juillet, sera réaménagé, afin d’être plus ciblé sur ceux qui ne peuvent se passer de la voiture pour se rendre au travail. À cela s’ajouterait le versement d’un chèque alimentaire mensuel à destination de 8 millions de ménages.
Il n’est cependant pas certain que ces mesures, plus ou moins ciblées, soient véritablement à même d’enrayer les conséquences négatives de l’inflation pour les ménages et le ressentiment grandissant : trop peu pour les uns, pas assez pour les autres… Et l’immobilier, qui n’entre dans l’indice des prix à la consommation que par la petite porte des loyers et des charges, pèsera de plus en plus lourd avec l’évolution actuelle des taux d’intérêt à long terme.
Le redressement du taux d’emploi
Quant à la hausse du taux d’emploi voulue par Emmanuel Macron, afin de soutenir le pouvoir d’achat, elle relève, dans les conditions actuelles, du vœu pieux. Un emploi précaire dans la logistique ou la livraison à domicile est-il réellement une réponse durable au pouvoir d’achat ? Certes, une telle politique peut permettre d’embellir le taux de chômage, mais en mettant sous le boisseau la réalité sociale du travail, liée à sa qualité, son sens, ses perspectives… La réforme des retraites butera nécessairement sur le même problème, puisqu’à peine la moitié des 55-64 ans sont en emploi. En tout état de cause, il n’est pas certain que l’augmentation de l’âge de départ à la retraite à 65 ans s’accompagne nécessairement d’une hausse du taux d’emploi des seniors.
Derrière les chiffres de l’emploi et du pouvoir d’achat se cache aussi la désindustrialisation, qui depuis trois décennies s’est traduite par la réduction tout à la fois de la production industrielle, de l’emploi productif et de la souveraineté économique. Emmanuel Macron devra en conséquence s’attaquer plus vigoureusement à la réindustrialisation du pays, dans un contexte de tensions sur les chaînes d’approvisionnement, même si le plan France Relance de son précédent quinquennat fut un premier pas. C’est à ce prix que la France renouera avec une véritable politique industrielle, pas seulement dans le secteur du numérique, qui pense l’innovation, tant dans le secteur public que privé.
Réduire le déficit public et contenir la dette
Lors du dernier projet de loi de Finances du quinquennat, le gouvernement avait insisté sur la fin du « quoi qu’il en coûte » et la nécessité de retrouver une « maîtrise des finances publiques ». Il est vrai que le quinquennat se sera soldé par un surcroît de dettes publiques de 600 milliards d’euros (116 % du PIB) et un déficit public de 6,5 % du PIB. Si pour l’instant les niveaux très bas des taux d’intérêt ont permis au gouvernement de s’endetter sans difficulté, cela pourrait changer à l’avenir. Face à ce risque, et afin de donner des gages de son sérieux budgétaire à ses partenaires européens, Emmanuel Macron s’est engagé à réduire le déficit public sous la barre des 3 % du PIB d’ici à 2027, mais sans hausses d’impôts. Au vu des prévisions de croissance en berne, il faut donc s’attendre à des réductions draconiennes de dépenses publiques, austérité qui sera d’autant plus mal acceptée qu’elle entrera en contradiction avec les mesures de soutien au pouvoir d’achat.
Cependant, eu égard à la fracture politique et sociale du pays, la difficulté de faire accepter certaines réformes s’accompagnera inévitablement d’un procès en légitimité et de possibles mouvements de contestations de type gilets jaunes. Bref, il est peu probable que le président de la République bénéficie du traditionnel état de grâce…