L’Union européenne en dégradé
Après la pandémie de Covid-19, l’Union européenne est en prise avec l’inflation et la guerre en Ukraine. Autant de facteurs qui dégradent l’état économique et social d’une UE marquée par de grandes disparités entre les pays…
Près de trois ans après le début de la pandémie de Covid-19, à laquelle les États européens ont trop souvent répondu de manière désordonnée sur le plan sanitaire, voilà que s’ouvrent de nouveaux fronts. L’un physique à l’Est - la guerre en Ukraine -, dont les coûts humains et économiques deviennent de plus en plus lourds ; l’autre, plus insaisissable – l’inflation- , mais avec des conséquences pourtant clairement perceptibles sur l’économie. Ces tensions et incertitudes nombreuses au sein de l’UE n’ont cependant pas empêché la Croatie de devenir, le 1er janvier dernier, le vingtième État de l’UE à adopter la monnaie unique.
Vingt États dans la zone euro et 27 dans l’UE, c’est autant de situations socio-économiques différentes. Qu’il suffise de penser à l’Italie, souvent vue comme l’homme malade de l’UE ; à l’Allemagne, qui fait face au retournement des forces de son modèle économique ; à la France, empêtrée dans le « quoi qu’il en coûte » et la contestation sociale. D’emblée, le constat d’une forte hétérogénéité au sein de l’UE s’impose, qui complique sérieusement la mise en œuvre des politiques économiques communes.
L’UE et la zone euro au bord de la récession
Dans ses prévisions de janvier, le Fonds Monétaire International (FMI) table sur un ralentissement généralisé et important de l’activité économique en 2023. Au sein de la zone euro, le taux de croissance ne serait plus que de 0,7 %, contre 3,5 % en 2022. La zone euro et l’UE échapperaient donc de justesse à la récession, malgré une productivité par tête en berne, mais les nuages noirs seront difficiles à dissiper. Le taux d’inflation annuel de l’UE s’est ainsi établi à 10 % en janvier 2023, contre 5,6 % un an auparavant. Certes, le chiffre est en baisse en raison du reflux temporaire des prix de l’énergie, mais l’inflation s’est désormais répandue aux autres consommations (alimentation, services…), amputant le pouvoir d’achat des ménages. De fortes disparités sont d’ailleurs à noter, entre d’un côté les Pays baltes, où le taux d’inflation atteint en moyenne 20 %, et de l’autre, le Luxembourg, l’Espagne et la France, où celui-ci ne dépasse guère les 7 % pour l’instant.
Le relèvement des taux d’intérêt directeurs des Banques centrales pour tenter de juguler l’inflation pèse dès lors sur la capacité des ménages à s’endetter pour consommer ou investir, ce qui peut déboucher sur un ralentissement durable de la demande adressée aux entreprises. Ces dernières subissent, en outre, la hausse des coûts d’emprunt, la volatilité des coûts énergétiques, les incertitudes liées à la guerre en Ukraine, les difficultés d’approvisionnement et le fractionnement du commerce international. En effet, malgré la volonté originelle de l’UE de devenir une grande zone productive intégrée, la tendance à la délocalisation/localisation des unités productives hors de l’UE demeure forte auprès des multinationales européennes. Les politiques de relocalisation relèvent pour l’heure du vœu pieux. Bref, l’industrie subit un choc, tandis que le spectre de la stagflation rôde toujours sur l’Europe…
Et sur le front de l’emploi, c’est un vent de revendication qui souffle, malgré un taux de chômage (corrigé des variations saisonnières) redescendu à 6,1 % dans l’UE en janvier 2023. En effet, un tel chiffre ne dit rien du taux d’activité des jeunes et des seniors, de la qualité des emplois, du niveau de rémunération…
Le poids lourd de la dette
Stagflation, stagnation ou récession ? Quelle que soit l’ampleur du phénomène, il constitue un danger pour la stabilité financière des États. Faut-il en effet rappeler que les aides publiques en tout genre pour surmonter la crise économique liée à la Covid-19, et maintenant l’inflation, ont été d’une ampleur inégalée en temps de paix ? À moins, bien sûr, qu’il ne faille admettre qu’en raison du climat social parfois très dégradé dans certains pays, ces aides sont devenues un moyen d’acheter la paix sociale…Toujours est-il que les dépenses publiques ont crû de manière vertigineuse et ont creusé le déficit public.
Quant à la dette publique, à la fin du troisième trimestre 2022, elle atteignait 93 % du PIB dans la zone euro et 86,4 % dans l’UE, en léger recul sur un an, à la faveur d’un reliquat de croissance en 2022. Là encore, les situations sont contrastées, entre la Grèce qui affiche un taux d’endettement public de près de 180 % du PIB et l’Estonie inférieur à 20 %. Et que dire de l’endettement privé, qui atteint des niveaux inquiétants dans de nombreux pays de l’UE, sans que cela effraie outre mesure, malgré la hausse des taux d’intérêt ?
En définitive, la situation économique et sociale s’est passablement dégradée au sein de l’Union européenne depuis trois ans, avec de fortes disparités selon les pays. Cette hétérogénéité structurelle, qui devrait être traitée par une solidarité interétatique permanente (fédéralisme), ne donne hélas lieu qu’à quelques velléités d’endettement en commun, et encore, sous la pression de crises toujours plus rapprochées…