L’euro faible face au dollar au pire moment !
Depuis le début de l’année, l’euro a perdu 12 % face au dollar créant, au pire moment, de nouvelles pressions sur les prix au sein de l’Union européenne…
À la mi-juillet 2022, il n’aura jamais été aussi simple de convertir ses euros en dollars ou en francs suisses, puisque ces devises sont désormais quasiment à parité entre elles ! Au silence gêné de la Banque centrale européenne (BCE) répondent les inquiétudes des entreprises confrontées au commerce international. D’après le traité de fonctionnement de l’Union européenne, l’Eurosystème conduit les opérations de change sans compromettre l’objectif principal de la BCE, qui est de maintenir la stabilité des prix. Or, force est de constater que le prix intérieur de l’euro (inflation) et son prix extérieur (taux de change) varient beaucoup ces dernières semaines, dans un sens qui est loin d’être favorable à l’économie de la zone euro…
Un taux de change cahoteux
L’euro s’échange contre de nombreuses autres devises, mais eu égard au statut de monnaie internationale du dollar, c’est le taux de change euro-dollar qui attire toutes les attentions. Lors de son introduction en 1999, la monnaie unique s’échangeait à 1,1789 dollar avant de se déprécier très fortement dans les mois qui suivirent, pour atteindre 0,9882 dollar le 27 janvier 2000 et son plus bas le 26 octobre suivant (0,8230 dollar). Il est vrai que des incertitudes majeures existaient alors quant à la pérennité d’une telle construction monétaire à l’échelle européenne. D’où des interventions de change coordonnées entre l’Eurosystème et les autres pays du G7, afin de redonner des couleurs à l’euro.
Après l’introduction des pièces et billets en 2002, l’affaiblissement de l’économie américaine et les espoirs suscités par cette nouvelle monnaie unique jouèrent en faveur de l’euro, qui retrouva sa parité avec le dollar, dès l’été. La hausse se poursuivit jusqu’à la fin de l’année 2004 ; puis après une année 2005 en repli, l’euro repartit vers les sommets (>1,50 dollar) à la veille de la crise des subprimes en 2008. La crise financière mondiale qui suivit l’éclatement de la bulle des subprimes aux États-Unis, conjuguée à la crise grecque à partir de 2009 et à celle de la zone euro dès 2010, provoquèrent de véritablement montagnes russes sur le taux de change euro-dollar : 1,58 en juillet 2008, 1,26 en novembre 2008, 1,51 un an après, 1,19 en juin 2010, 1,48 en mai 2011… Puis vint Mario Draghi aux commandes de la BCE, qui, avec ses politiques monétaires non conventionnelles, fit considérablement baisser le niveau moyen du taux de change euro-dollar, ce qui provoqua l’ire du président Trump, dès 2017. Et depuis le début de l’année 2022, l’euro a chuté de 12 % dans un climat de grande volatilité sur le marché des changes !
Des causes multiples
La guerre en Ukraine fait assurément peser des risques sur le commerce international de l’UE, le maître du Kremlin semblant décidé à poursuivre son invasion, quel qu’en soit le coût humain, politique et économique. De là découlent aussi les incertitudes grandissantes sur l’approvisionnement de l’UE en gaz et en céréales, d’autant que ces dernières semaines, de nombreux pays ont été privés partiellement ou totalement de gaz russe (Italie, Allemagne, France…). Par ailleurs, les récents travaux de maintenance du gazoduc Nord Stream 1 ont accrédité le scénario d’un arrêt des livraisons de gaz. Déjà, de nouvelles réductions ont été annoncées. Certes, pendant l’été, les citoyens européens font la cigale et ne se préoccupent pas vraiment de ce risque, mais les industriels et opérateurs de marché l’ont, eux, parfaitement pris en compte. Quant à l’unité politique de façade des 27, elle sera très vite mise à l’épreuve lorsque l’hiver viendra.
Dans ces conditions, les investisseurs peuvent hésiter à investir au sein de l’UE. Et dans une logique purement financière, l’euro attire moins que le dollar, puisque les taux d’intérêt à court terme aux États-Unis sont désormais bien plus élevés qu’au sein de la zone euro, la Fed ayant pris le taureau de l’inflation par les cornes beaucoup plus tôt, en remontant fortement ses taux directeurs.
Des conséquences négatives sur l’export et l’inflation
Cette dépréciation de l’euro face au dollar arrive au pire moment, puisque toutes choses égales par ailleurs, elle conduit à renchérir les importations. Cela au moment où la BCE cherche la parade à la spirale inflationniste et où les États dégradent leurs finances publiques pour venir en aide aux ménages et entreprises étranglés par la hausse des prix. Si l’agroalimentaire, le luxe, le tourisme et l’aéronautique vont très certainement profiter d’un euro faible, la plupart des autres secteurs perdront du côté de la hausse du coût des matières premières payées en dollar (pétrole, aluminium, cuivre…) ce qu’ils pourraient gagner à l’export. Ce d’autant plus que l’économie chinoise peine à se remettre de la Covid-19. Au fond, seuls de très grands groupes peuvent tenter de se couvrir, un temps, contre le risque d’inflation énergétique et de taux de change.
Et si finalement, au lieu de voir seulement l’affaiblissement de l’euro, il fallait aussi voir l’appréciation du dollar recherché comme valeur refuge en ces temps d’incertitudes majeures ?