Economie
Colmatage d’urgence du déficit public : les pistes du gouvernement
Le gouvernement passe actuellement en revue l’ensemble des dépenses publiques dans le but de trouver en urgence 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires l’année prochaine…
Le gouvernement avait misé sur la croissance et le plein-emploi pour assainir ses finances publiques. Hélas, le coup a été manqué : les impôts sont moins bien rentrés que l’année écoulée, car l’activité est en berne, et le marché de l’emploi se dégrade, le tout conduisant à un déficit de 5,5 % du PIB en 2023 ! Pis, les dernières prévisions de Bercy ont réévalué à 5,1 % du PIB le déficit prévu pour 2024, contre 4,4 % il y a encore quelques semaines.
Bref, après les 10 milliards d’euros de coupes dans les dépenses de l’État en février, l’effort devra encore être très soutenu jusqu’en 2027 pour espérer réduire le déficit sous la barre des 3 % du PIB. Il est ainsi question de trouver 10 milliards d’euros « d’économies supplémentaires » en 2024 et « 12 à 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour l’année 2025 », selon le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave. De son côté, la Cour des comptes estime plutôt à 50 milliards d’euros les coupes nécessaires sur les trois prochaines années. Et encore faut-il que ces dernières soient pérennes : les crises, les groupes de pression et le clientélisme politique constituant autant de raisons de créer de nouvelles dépenses…
Sécurité sociale et aides publiques dans le collimateur
Les aides aux entreprises (crédits d’impôt, allègements de cotisations, subventions…) font l’objet d’une réflexion intense, dans la mesure où elles représenteraient, selon les estimations, entre 110 milliards d’euros et 160 milliards d’euros, par an. En particulier, il faudra bien s’atteler à l’effet d’aubaine des aides à l’apprentissage pour les étudiants de l’enseignement supérieur. Les ménages ne seront pas en reste, puisque le crédit d’impôt pour les services à la personne serait également en ligne de mire, à l’instar des dispositifs d’aide (boucliers tarifaires, remises de taxes…).
Quant à la Sécurité sociale, à tout le moins sa branche assurance-chômage, elle ferait à nouveau les frais d’une réforme. Pourtant, la précédente — censée conduire au plein-emploi — n’a pas encore été entièrement mise en œuvre et évaluée, mais le marché de l’emploi s’est déjà dégradé. Il est aussi question de mieux cibler les remboursements pour les affections longue durée (ALD) et de réduire les coûts de transport sanitaire.
Le gouvernement envisage également de faire contribuer les collectivités territoriales à l’effort de colmatage, en exigeant que la hausse de leurs dépenses de fonctionnement ne dépasse pas la valeur de l’inflation moins 0,5 % ( soit 2,5 milliards d’euros cette année !).
En complément, des pistes d’économies sont recherchées un peu partout (aides à la culture, absentéisme dans la fonction publique…), sans que l’on sache réellement si cela dépassera le stade des annonces politiques.
Les impôts à la rescousse ?
Eu égard à l’ampleur de la tâche, nul ne sait pour l’heure si les objectifs de réduction des dépenses publiques seront atteints, et encore moins s’ils seront suffisants. Ce, d’autant plus qu’Emmanuel Macron a catégoriquement refusé de soumettre au Parlement un budget rectificatif, qui aurait permis de réduire plus massivement les dépenses publiques, dès cette année. Le chef de l’État ne voulait certainement pas transformer la probable déroute électorale aux européennes en bérézina !
C’est pourquoi des voix de plus en plus nombreuses et autorisées réclament des hausses d’impôts. François Bayrou appelle ainsi à une discussion sur des hausses ciblées d’impôts, que Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, justifie au nom des difficultés économiques actuelles. Bien entendu, Bruno Le Maire se montre inflexible sur cette question, autant par idéologie que par sens politique. Il est vrai qu’une telle hausse porterait inévitablement l’estocade à toute la politique économique d’Emmanuel Macron, dont la baisse des prélèvements obligatoires est l’étendard depuis 2017. Politiquement, il sera bien plus simple d’augmenter, en 2025, la taxe sur les superprofits des énergéticiens — qui a rapporté si peu ! — et de revenir sur des promesses de baisse d’impôts.
L’on reste néanmoins perplexe devant la proposition du ministre de l’Économie, dans son nouveau livre, consistant à basculer cinq points de cotisations sociales par exemple sur la TVA. En somme, il plaide pour une TVA sociale, dont l’efficacité est pourtant très incertaine, mais les défauts très documentés (effets anti-redistributifs, fiscalisation grandissante du financement de la Sécurité sociale, hausse des prix…).
Assurément, il ne sera pas simple de rentrer dans les clous des règles européennes, d’autant que la France — comme une dizaine d’autres États — devrait vraisemblablement être placée en procédure pour déficit excessif. Ce faisant, le gouvernement serait contraint, en théorie, de réduire de 0,5 % du PIB par an son déficit primaire structurel.
Le problème est que cette politique d’austérité tous azimuts affectera inévitablement le taux de croissance de la fin du quinquennat, compliquant encore un peu plus l’équation économique, et surtout politique.