Vélo : le palmarès du guidon
Parmi les classements qui départagent les villes figure le « Baromètre des villes cyclables », réalisé à partir des notes attribuées par les usagers du vélo. Les résultats de l’édition 2022 traduisent la désirabilité des territoires, métropole et villes balnéaires d’un côté, villes moyennes de l’intérieur et banlieues de l’autre.
Pour la photo de famille, ils ont remisé le masque et sourient, présentant aux photographes leur trophée, une réplique de dynamo en métal, de couleur dorée, argentée ou rouille, surmontant un socle. Sur la scène du palais des congrès de Tours, ce 10 février, la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) a dévoilé les lauréats de la troisième édition du « Baromètre des villes cyclables » (barometre.parlons-velo.fr/2021), qui récompense les villes les mieux aménagées pour les déplacements à vélo. Parmi les grandes villes, ce sont Grenoble, Strasbourg et Rennes qui montent sur le podium. Dans la catégorie des villes moyennes, La Rochelle, Bourg-en-Bresse et Chambéry sont en tête.
Le « Baromètre » est une enquête en ligne qui a enregistré, à l’automne 2021, 277000 réponses, 90 000 de plus que lors de la précédente édition, deux ans plus tôt. Chaque contributeur devait répondre à plusieurs dizaines de questions et décrire, sur une carte de la ville, les itinéraires sur lesquels l’usage du vélo avait récemment été facilité, ou ceux qui demeurent les plus anxiogènes.
Le palmarès ne surprend pas les observateurs. Cela fait des décennies, par-delà les changements de majorité, que les municipalités lauréates créent des aménagements cyclables, régulent la circulation automobile, communiquent sur les bienfaits du vélo. Les grandes villes primées ont toutes lancé, depuis les dernières élections municipales, un « plan vélo », doté de plusieurs dizaines de millions d’euros. Ces dernières années, Grenoble a créé des axes larges et efficaces, Strasbourg a développé des itinéraires au-delà du centre-ville, Rennes a pérennisé les pistes temporaires créées après le premier confinement. La Rochelle, qui proposa en 1976 les premiers « vélos jaunes » en libre-service, continue de piétonniser son cœur historique et ses quais.
Le « Baromètre », très commenté par les élus concernés et les médias régionaux, friands de palmarès, ne fait pas que des heureux. Nantes, troisième en 2020, chute à la cinquième place. « Nantes s’est reposée sur ses lauriers », a réagi l’association locale Place au Vélo. L’examen des réponses, critère par critère, permet de déterminer les raisons de cette détérioration, en l’occurrence le mauvais entretien des itinéraires ou le stationnement sauvage des véhicules motorisés sur les pistes cyclables. Dans le top 10 des grandes villes, Lyon progresse et Le Havre fait une percée. En revanche, Paris ne figure plus parmi les dix premières villes. Les usagers considèrent que la matérialisation des pistes, promise par la maire Anne Hidalgo (PS) tarde à se manifester.
Lille sous la moyenne
La note attribuée à Lille s’est légèrement améliorée depuis 2020, mais demeure inférieure à la moyenne des grandes villes. Les 1800 contributeurs Lillois déplorent, en particulier, l’absence d’itinéraire alternatif en cas de travaux, les vols de vélo ou la difficulté à traverser un carrefour. Dans la métropole lilloise, Villeneuve d’Ascq, Marcq-en-Barœul ou Bondues obtiennent de meilleures notes, au contraire de Tourcoing, Faches-Thumesnil ou Wasquehal. Dans la région Hauts-de-France, Amiens, Valenciennes, Saint-Quentin ou Cambrai sont considérées par leurs usagers comme peu propices à la pratique du vélo, tandis que les cyclistes du littoral se montrent plus enthousiastes. Dunkerque, Le Touquet, Bray-Dunes et, dans une moindre mesure, Calais, obtiennent des notes plus satisfaisantes.
C’est, dans toute la France, sur les littoraux qu’il est le plus facile de se déplacer à vélo, assurent les répondants au « Baromètre ». Parmi les lauréates des « bourgs et villages », des « petites villes » ou même des « communes de banlieue », on compte de nombreuses localités bordant la Manche ou l’Atlantique. A Tours, plusieurs élus de ces communes sont montés sur la scène, pour recevoir leur prix. « Je ne m’y attendais pas », ont-ils déclaré, l’un après l’autre, avant d’expliquer que leur commune, rurale l’essentiel de l’année, se transformait en station balnéaire l’été venu. « Nous avons 3 000 habitants l’hiver, et 125 000 l’été. Pour protéger les piétons et les cyclistes, nous avons dû aménager la voirie », a expliqué une élue de La Tranche-sur-Mer (Vendée), en tête du classement des « bourgs et villages ».
Ainsi se dessine une « France désirable », celle des métropoles et des cités balnéaires, appréciée par les touristes et dotée de pistes cyclables, tandis que la France des villes moyennes et des banlieues populaires, moins cotée, serait abandonnée à l’emprise de la voiture et des autoroutes urbaines. Ce décalage entre territoires apparaît de manière flagrante dans le Midi méditerranéen. Marseille obtient la plus mauvaise note de toutes les grandes villes, et sa situation se dégrade d’année en année. Dans le même département des Bouches-du-Rhône, La Roque d’Anthéron (5 400 habitants), où se déroule chaque été un festival de piano très couru, est mieux notée que Rennes.
Mais que les lauréats ne se réjouissent pas trop vite. Dans l’ensemble, les usagers sont sévères. 64% d’entre eux considèrent les conditions de déplacement à vélo comme « mauvaises ». Voici qui laisse des marges de progression pour les prochaines éditions du « Baromètre ».