Un salarié protégé reconnu inapte ne peut, en principe, être licencié que pour ce motif
L’employeur qui souhaite procéder au licenciement d’un salarié protégé doit adresser une demande en ce sens à l'inspection du travail. Le Conseil d’État vient de poser le principe selon lequel lorsque ce salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, l'inspecteur du travail ne peut, en principe, autoriser le licenciement pour un motif autre que l'inaptitude.
La protection particulière des salariés investis de fonctions représentatives
En vertu des dispositions du Code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est accordée après une procédure contradictoire au cours de laquelle tant l’employeur que le salarié peuvent faire valoir leurs observations.
Les motifs de licenciement sont classiques : faute, motif économique, inaptitude …Dans tous les cas, pour d’évidentes raisons tenant au principe de non-discrimination syndicale, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.
Le licenciement pour inaptitude conditionné par des exigences supplémentaires
Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l’inspecteur du travail de s’assurer que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 du Code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités. Ce reclassement peut même résulter de mutations, transformations de postes de travail ou d’aménagement du temps de travail.
Le licenciement pour inaptitude ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités, au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elle, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel (entreprise appartenant à un groupe).
L’inaptitude du salarié protégé : principe et exception du motif
Certains salariés déclarés inaptes ont pu, avec une certaine mauvaise foi, exercer des manœuvres dilatoires, dans le but d’empêcher leur licenciement. La pratique courante consiste tout simplement à ne pas se présenter aux convocations ni aux entretiens. La procédure menée par l’employeur est, dans ce cas, grandement fragilisée : alors qu’il avait entamé une procédure de licenciement pour inaptitude, celui-ci se retrouve dans l’obligation de licencier le salarié pour motif disciplinaire, ce qui peut faire peser un soupçon de discrimination syndicale.
Une récente décision du Conseil d’État met fin aux incertitudes. La Haute Juridiction pose le principe selon lequel « lorsqu'un salarié est déclaré inapte à son poste de travail par un avis du médecin du travail, l'inspecteur du travail ne peut, en principe, postérieurement à cet avis, autoriser le licenciement pour un motif autre que l'inaptitude ». En cela, cette décision rejoint la jurisprudence stricte de la Cour de cassation à l’égard des salariés non protégés (Soc., 20 décembre 2017, pourvoi n° 16-14.983, Bull. 2017, V, n° 223 ; Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 21-16.258, Bull.).
L’exposé de ce principe permet de mieux en poser les limites. En effet, le Conseil d’État énonce que la société concernée « soutenait que la salariée avait refusé de se rendre aux convocations qu'elle lui avait adressées en vue de son reclassement. En omettant de rechercher si, par un tel comportement, la salariée n'avait pas mis son employeur dans l'impossibilité de s'acquitter de son obligation de reclassement, de sorte que, dans ces circonstances particulières, il avait pu légalement envisager de licencier la salariée pour un autre motif que l'inaptitude tel un motif disciplinaire, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit ». Là encore, cette exception, développée pour la première fois, rejoint la position de la Cour de cassation à l’égard des salariés non protégés (Soc., 22 juin 2011, Polyclinique de Grande Synthe, 10-30.415 ; Soc., 16 mars 2016, OPH montreuillois, n° 14-21.304).
En clair, dès lors que qu’un salarié déclaré inapte démontre, par son comportement, une résistance particulière à son reclassement, l’employeur pourra changer le motif de sa demande de licenciement. L’inspection du travail sera alors amenée à se demander si le comportement du salarié révélait effectivement une entrave à la procédure de reclassement.
* CE, 12 avril 2023, n° 458974, B