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Robotisation : comment la France rattrape son retard

La robotisation des entreprises a bien progressé en France, ces dernières années. Le pays revient de loin. Car faute de très grands industriels, c’est la réindustrialisation et la modernisation des sites et entrepôts qui redonnent un élan.

© Adobe Stock
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La robotisation se porte mieux en France. Le rattrapage se confirme. La dernière enquête de Xerfi (nov. 2023), montre que les achats de robots industriels (en usine) ont bien résisté en 2023, malgré une pression sur les capacités d’investissement des entreprises. Ils devraient se maintenir en 2024 et 2025, à + 6% par an, si l’automobile et l’aéronautique ne ralentissent pas.

S’agissant de la robotique industrielle, l’organisation d’entrepreneurs Evolis (biens d’équipement et machines de production industrielle) a constaté une bonne progression post-Covid en 2022 (+15,3%), mais anticipe une croissance moindre pour 2023, sauf pour les robots collaboratifs (ou « cobots ») en plein essor (cf. le japonais Omron).

Selon les chiffres IFR (International Federation of Robotics), la France devrait conserver sa 8ème place dans le monde en achats de robots industriels et sa troisième place en Europe, derrière l’Allemagne et l’Italie. Mais l’Hexagone n’est qu’au 18ème rang mondial en nombre de robots installés.

Les autres branches de la robotique (logistique, inspection/surveillance, secteur médical et agriculture) se redynamisent grâce à la poussée de la concurrence, à l’adoption de nouveaux usages et aux traitements des données (dont l’IA - intelligence artificielle).

La distinction entre la robotique industrielle et la robotique de service s’estompe, beaucoup de développements étant communs à ces deux domaines, car la tendance est aux robots mobiles et collaboratifs.

En revanche, le marché des robots ‘compagnons’ (à forme humanoïdes ou non) n’a pas encore réellement décollé, «faute de technologies capables d’apporter une véritable plus-value à ces produits », constate l’étude Xerfi. En attendant, les fonctions d’assistant personnel se répandent, grâce à l’IA, dans des objets d’utilisation courante.

Un retard à combler

La France ne manque pas de grands équipementiers ou experts en matière de robotique (Actenium, Cimlec Industrie, Clemessy, Siléane, Sepro…), à côté de leaders comme le franco-suisse Staübli.

Le pays accuse cependant un retard par rapport à l’Allemagne ; on compte trois fois moins de robots industriels en France - ce qui s’explique, en grande partie par la contraction des industries de l’automobile et des composants électroniques dans l’Hexagone.

Le plan France Robots Initiatives, lancé en 2013, a pourtant porté des fruits. De vraies filières ont émergé. Le transfert technologique entre chercheurs - universités, grandes écoles - et industriels a fonctionné, accompagné d’investissements conjoints publics et privés. On voit des rapprochements entre équipementiers historiques et de jeunes pousses (partenariats, prise de participation, comme Agreenculture et Pellenc), ou encore les ouvertures faites par l’américain Medtronic, dans le domaine des systèmes de chirurgie robotique. Les initiatives récentes de réindustrialisation ou « néo-industrialisation » avec relocalisation contribuent aussi à cette nouvelle dynamique dans les territoires.

La percée des start-up françaises

L’enquête de Xerfi constate la belle percée des start-up hexagonales. Citons Exotec, eCential Robotics, Naïo Technologies, Scallog… qui viennent s’ajouter à des acteurs référents comme Effidence (Romagnat, Auvergne) ou Balyo (chariots autonomes, à Arcueil, Ile-deFrance) ou Meanwhile (robot mobile médical à Villeurbanne), etc.

Exotec (200 M€ en 2022, 600 personnes, en France), qui avaient doublé ses ventes en 2022, n’est plus une start-up : c’est aujourd’hui une vraie « licorne », valorisée à 2 Mrds de dollars. Elle a été créée en 2015, à Croix, près de Lille, par Romain Moulin et Renaud Heitz (deux anciens de Telecom Paris). Ayant levé 335 millions d’euros autour de Goldman Sachs et la BPI, elle est en train de déménager sur son nouveau site « Imaginarium » de 25 000 m2 à Wasquehal (Lille), où elle pourra accueillir jusqu’à un millier de salariés. Ses robots Skypod répondent exactement aux besoins des entrepôts logistiques où se préparent les commandes sur des racks qui peuvent être stockés jusqu'à une hauteur de 10 mètres, sans intervention humaine. La société a également développé un bras articulé pour déplacer des pièces ou paquets, un convoyeur dit « intelligent » et un logiciel gestionnaire d’entrepôts. Elle s’apprête à ouvrir un pôle de recherche (25 personnes) à Lyon.

Priorité au logiciel

Le point fort de ces réussites est, pour sûr, le logiciel. C’est le cas pour Scallog : ce concurrent d’Exotec à plus petite échelle (12 M€, 60 salariés), basé à Nanterre, fabrique des robots baptisés Boby, capables de soulever des palettes de 600 kg. Ils sont déjà vendus sur 80 sites en France et à l’international. Autres exemples, Sepro Robotique (créé en 1994 à la Roche-sur-Yon, en Vendée) : grâce à l’intelligence artificielle, son système optimise les déplacements des robots, ce qui se traduit par des gains en énergie, en usure de pièces et en temps. A Paris, Ganymed Robotics (qui a levé 21 M€, en 2022) réussit dans la chirurgie orthopédique, tandis que Naïo Technologies, près de Toulouse, s’est spécialisée dans le maraîchage et la viticulture.
Preuve est ainsi faite que la course à l’innovation peut se gagner, en embrassant ici, parfaitement, le concept d’« industrie 4.0 ».

Pierre MANGIN