Les notaires prêts à faire face aux défis de demain
Le 119e congrès des notaires de France a réuni plus de 4 000 des 17 000 notaires de l'Hexagone, à Deauville, venus aborder le sujet central du logement. L'occasion également de faire le point sur l'actualité de la profession avec l'allocution de Sophie Sabot-Barcet, première femme présidente de l'instance nationale.
Du 27 au 29 septembre, Deauville était la « capitale du notariat français ».
Une profession qui a vu son accès modifié par la reforme de la
formation. Alors que deux voies, une universitaire et une
professionnelle, permettaient jusqu'à il y a peu d'accéder à la
profession, elles sont désormais fusionnées. Alors que le contenu
de la formation est paru au Journal officiel en octobre 2022, ses
modalités ont finalement été annoncées le 5 juillet 2023 par
décret. Une des belles réussites selon Sophie Sabot-Barcet, présidente du
Conseil supérieur du notariat (CSN) depuis octobre 2022. « Cinquante
ans, jour pour jour, après le décret fondateur de juillet 1973,
quel beau clin d’œil », s'est-elle exclamée.
Une nouvelle formation
C'est donc une formation de 24 mois,
répartie sur trois périodes, que vont suivre dès la rentrée
prochaine les futurs notaires, qui sont à la fois « officier
public », « expert juridique » et « chef
d'entreprise » a rappelé Sophie Sabot-Barcet. Ce nouveau
diplôme mêle « apprentissages académiques et doctrinaux »
et « une part essentielle de pratique, la marque de fabrique
du notariat français depuis toujours ». Un
diplôme « modernisé »,
« en adéquation avec les
aspects essentiels du métier »,
« simplifié mais d'un haut
niveau d'exigence », a souligné le
Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.
Néanmoins, la présidente du CSN met en garde : « Pour
autant, le réforme de la formation initiale est-elle finie ? Je
ne le pense pas. » Des amélioration sur la « gouvernance
stratégique et opérationnelle » sont encore à apporter
selon Sophie Sabot-Barcet.
Autre réforme,
celle de la discipline. Elle a abouti, durant cette année
2023, à la mise en place de dix chambres disciplinaires régionales
et une cour nationale de discipline des notaires. Cette dernière a
été installée le 23 juin 2023, « au cours d'une séance
qui fera date dans l'histoire du notariat » selon la
présidente du CSN. Mais, la profession attend toujours son Code de
déontologie, dont le projet de décret à l'initiative du CSN a été
soumis dès juillet 2022 au ministre de la Justice. « En
janvier 2023, vous m'aviez confié, Monsieur le ministre, que le
texte serait validé par arrêté au cours du premier semestre »,
a interpellé Sophie Sabot-Barcet, qui regrette le
temps d'étude de l'Autorité de la concurrence (ADLC).
« Soyez-en assurés, nous partageons cette attente et avons
fait part à nos interlocuteurs de notre souhait de voir aboutir très
rapidement les travaux de l'ADLC », a ajouté le Garde des
Sceaux.
Autre réalisation, achevée cette
fois, l'accès des notaires au fichier immobilier. Un chantier qui a
abouti à une convention-cadre entre le CSN et l’État signée en
juin 2016 et à la prise en main de nouveaux outils pour l'ensemble
de la profession. « C'est un moment historique dans nos
liens avec la Direction générale des finances publiques, avec
laquelle nous poursuivons des chantiers très porteurs, comme le
chantier E-enregistrement », a souligné Sophie
Sabot-Barcet.
Acteurs de la médiation
« Le notaire a pour ADN la
prévention des conflits », a lancé la présidente du CSN,
qui a rappelé l'ambition de la profession, depuis 2018, de donner
une vraie place aux notaires dans la médiation. Une ambition
soutenue par le ministre de la Justice, qui a rappelé la priorité
donnée au développement des modes amiables. « Il est
indéniable que les notaires sont d'excellents médiateurs puisqu'ils
le sont déjà au quotidien dans leurs études. C'est pour quoi j'ai
souhaité que deux de vos confrères notaires représentent la
profession au sein du conseil national de la médiation, que j'ai
installé en juin. […] Ce changement de paradigme, de culture, ne
pourra pas se faire sans vous ! » a-t-il déclaré.
L'accompagnement des ménages étant au
cœur des missions de la profession, le CSN se dit prêt à « aider
les Français à relever le défi de la rénovation énergétique »,
sujet central du congrès sur le thème du logement, afin de l'
intégrer « dans leur cycle de vie, dans l'enchaînement de
leurs projets ». Sophie Sabot-Barcet a annoncé le
déploiement, à partir de l'an prochain, d'un plan d'action « pour
que le conseil en rénovation ne soit plus seulement le fait de
spécialistes titulaires de labels, mais pour qu'il s'intègre dans
la pratique quotidienne du plus grand nombre d'études possibles. »
Lutte contre la cybercriminalité
Alors que la profession notariale,
comme beaucoup d'autres, a accéléré dans la dématérialisation,
celle-ci est, par la nature de son activité,
encore plus exposée à la cybercriminalité. « Le
notariat a été confronté depuis l'été 2021 à une vague
d'attaques multiformes », a constaté Sophie Sabot-Barcet,
avec un pic d'attaques sans précédent en 2022-2023. Afin d'assurer
la sécurité informatique, « le CSN va relever le niveau
d'exigence pour la délivrance des agréments, et donc des
renouvellements d'agréments, pour les opérateurs qui contribuent à
l'élaboration, la transmission et la conservation des actes sur
support électronique », a annoncé la présidente de
l'instance, qui a demandé à ce que les notaires aient accès au
fichier des titres d'identité perdus ou volés. Concernant la lutte
contre le blanchiment (LCBFT), la profession s'est félicitée d'être
« le premier déclarant de déclaration de soupçons de la
sphère non financière » (+45% en un an).
Autre axe de progrès pour la
profession : la révision, tous les deux ans, de la carte
d'installation voulue par la loi Croissance de 2015. « Un
point urticant, voire une source d'exaspération », a lancé
Sophie Sabot-Barcet. Et d'ajouter : « Le processus
actuel semble frustrer absolument toutes les parties prenantes. »
Alors que le dernier avis de l'Autorité de la concurrence a été
rendu en juillet dernier pour la période 2023-2025, la profession
interpelle sur la méthode. « On ne peut pas établir des
projections à six ans, sur un horizon 2029 par exemple, en se
fondant sur des éléments d'activité des notaires des exercices
2017 à 2021. 2017-2021 versus 2029 ! », s'est
exclamée la présidente du CSN, qui note une
régression du chiffre d'affaires des études de France de 10%
par rapport en 2022. « Cet avis (de l'ADLC, ndlr) a été,
en réalité, perçu par beaucoup comme déconnecté de la situation
économique actuelle », a précisé Eric Dupond-Moretti. Et
d'ajouter : « L'avis étant
désormais rendu, il incombe au gouvernement de prendre ses
responsabilités et de se positionner sur la suite à y réserver. »
« Avec
le changement d'ère économique et politique que nous connaissons,
le passé démarre en janvier 2022 »,
a appuyé Sophie Sabot-Barcet. Une façon d'affirmer que les notaires
sont bien ancrés dans le présent et prêts pour les défis futurs.