Formalités
La Cour de comptes épingle les ratés du lancement du Guichet unique
La Cour des comptes a publié son audit sur la création du Guichet unique, dans lequel elle pointe les dysfonctionnements et les défaillances dans la conduite de ce projet par le gouvernement.
Depuis le 1er janvier 2024, toutes les formalités des entreprises – créations, modifications, cessations, pour les personnes physiques et personnes morales – doivent être effectuées via le Guichet unique des entreprises (www.formalites.entreprises.gouv.fr), quels que soient la forme juridique et le domaine d’activité de l’entreprise. En cas de dysfonctionnement, le gouvernement a prévu une nouvelle procédure de secours pour les formalités de modifications et de cessations de personne morale, ainsi que les dépôts d’actes isolés au RCS et les dépôts de compte. Cette procédure dérogatoire est mise en œuvre du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024. La saga du Guichet unique n’est donc pas encore arrivée à son terme.
Un fiasco annoncé
Alors que tous les professionnels des formalités d’entreprise avaient alerté le gouvernement sur les failles du dispositif, le lancement du Guichet unique des entreprises et du Registre national des entreprise, le 1er janvier 2023, a donné lieu à de tels dysfonctionnements qu’il a fallu activer une procédure de secours. Initialement prévue jusqu’en fin juin, elle a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023. Une procédure de secours qui a elle aussi donné lieu à de sérieux dysfonctionnements.
C’est sur ce fiasco annoncé que la Cour des comptes a décidé de conduire un audit flash* pour identifier les causes de ces difficultés et de cette situation qui « a fortement pénalisé les entreprises, d’autant plus que le dispositif d’assistance aux utilisateurs s’est révélé insuffisant », souligne la Cour dans son rapport d’audit. Bouclé en novembre, ce dernier a été publié le 20 décembre 2023, peu après l’annonce de la mise en œuvre d’une nouvelle procédure de continuité par le gouvernement.
Un calendrier initial irréaliste et maintenu coûte que coûte
La première cause identifiée par les magistrats financiers est que l’échéance initiale était « irréaliste » compte tenu de l’ambition de ce projet. Ils soulignent notamment que la loi PACTE de 2019, qui a introduit cette réforme, n’a pas été accompagnée « d’une analyse suffisamment approfondie » des impacts et des modalités de mise en œuvre. D’autant plus que le gouvernement a choisi de développer un système d’information entièrement nouveau. « Dans ces conditions, dès 2020, l’objectif d’une ouverture du Guichet unique des entreprises au 1er janvier 2023 n’apparaissait pas réaliste. » Or, en dépit des difficultés rencontrées et des nombreuses alertes émises par les professionnels des formalités des entreprises, « les arbitrages ministériels ont toujours privilégié le respect du calendrier initial ».
Un pilotage inadapté, sans prise en compte des utilisateurs
Autre principale cause de ce fiasco, selon la Cour des comptes : la gouvernance et le pilotage de ce projet étaient inadaptés aux besoins. Le pilotage stratégique du projet a été confié à une mission interministérielle placée sous l’autorité du ministre de la Justice et des ministres de l’Économie et du Budget. Et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) a été désigné comme opérateur du Guichet unique et chargé de tenir le Registre national des entreprises. Or, « la gouvernance et le pilotage du projet reposant sur une mission interministérielle pour la maîtrise d’ouvrage stratégique et sur l’INPI pour la maîtrise d’œuvre se sont avérés insuffisants pour un projet d’une telle ampleur qui aurait nécessité la mise en place d’une véritable maîtrise d’ouvrage opérationnelle ».
Le rapport précise notamment qu’il aurait fallu désigner un directeur de projet « pour animer des groupes de travail réunissant les représentants des différents partenaires et utilisateurs, définir les besoins et les fonctionnalités, assurer le pilotage de l’INPI et procéder, quand cela était nécessaire, aux arbitrages techniques ». Ce principe d’intégration de l’ensemble des acteurs au projet n’a été véritablement déployé qu’à partir de l’été 2023.
Des difficultés prévisibles en 2024
Si la situation du Guichet unique a commencé à s’améliorer depuis l’automne dernier, il restait encore de nombreux dysfonctionnements à résoudre fin 2023. Et le fait que le gouvernement prévoit une nouvelle procédure de secours pour 2024 laisse présager la persistance d’importants dysfonctionnements dans les mois à venir. Cette procédure dérogatoire peut ainsi être activée en cas d’indisponibilité générale du service informatique ou de blocage répétitif sur un type particulier de formalités et que l’impossibilité de déposer le dossier n’est pas de nature à être résolue dans un délai de 48 heures. « Au final, compte tenu de ce nouveau délai annoncé, le projet aboutirait au 1er janvier 2025 », relève la Cour des comptes, soit « une échéance qui aurait pu être raisonnablement fixée au départ, compte tenu de la complexité du projet, et aurait épargné des difficultés ».
*« Le guichet unique électronique des formalités des entreprises : un projet à sécuriser », Cour des comptes, décembre 2023
Miren LARTIGUE