Faut-il supprimer les tickets de caisse ?
Les associations de consommateurs s'inquiètent de la suppression des tickets de caisse version papier, prévue par la loi Anti-gaspillage (Agec), à partir de 2023.
L'écologie est-elle compatible avec les droits des consommateurs ? Un collectif d'associations de défense des consommateurs s'oppose à la fin de l'impression automatique des tickets de caisse en magasin, prévue à partir du 1er janvier 2023. La mesure découle de la loi Anti-gaspillage et en faveur de l’ économie circulaire (Agec) du 10 février 2020.
Déjà, depuis 2022, le dispositif s'applique pour les transactions inférieures à 30 euros. Aujourd'hui, le nouveau décret contesté prévoit que tickets de caisse et de carte bancaire ne soient imprimés qu'à la demande explicite du consommateur, quel que soit le montant dépensé. Le client sera informé de cette possibilité par un affichage en caisse. Des exceptions sont prévues pour certains biens durables comme l'électroménager, l'informatique, la téléphonie ou encore les meubles, notamment.
C'est un souci environnemental qui est à l'origine de cette mesure : pour l'Assemblée nationale, l'impact négatif des tickets « n’est malheureusement plus à démontrer ». Par exemple, un hypermarché a recours annuellement à 10 600 rouleaux de papier thermique, l’équivalent en distance d’un Paris-Montpellier. Et, d'après les calculs de la start-up Green Ticket, en moyenne, les 30 milliards de tickets distribués, chaque année, en France impliquent l’abattage de 2,5 millions d’arbres et l’utilisation de 950 millions de litres d’eau...
Mais l'argument ne convainc pas l’UFC-Que Choisir, l'une des associations de défense des consommateurs qui conteste la mesure. Pour elle, « les consommateurs (sont) privés d’un véritable choix pour un bénéfice environnemental très incertain ». En effet, la suppression du ticket papier stimulerait l'envoi par mail de ceux dématérialisés. Or, les émissions de gaz à effet de serre de ces derniers seraient supérieures à ceux de leur version matérielle... En revanche, les droits des consommateurs risquent d'être lésés à plusieurs titres, redoute l'association. Pour elle, l'affichage de la mesure en boutique risque de passer inaperçue, perdue entre des annonces de promotion ou le descriptif des moyens de paiement acceptés... D'autant que le texte ne prévoit pas de sanction du commerçant qui ne respecte pas cette règle.
Une démarche déjà appliquée chez des distributeurs
Pour l’UFC-Que Choisir, la dématérialisation du ticket est riche en conséquences néfastes. La mesure est « susceptible de faciliter, via des techniques marketing, la création de base de données par les commerçants, et notamment, d’entraîner l’essor de publicités intrusives ou non désirées ». De plus, elle « porte les germes d’une explosion des situations où le consommateur sera privé de la possibilité de faire valoir ses droits ». Le client est, en effet, tenu d'apporter la preuve de son achat pour se prévaloir des garanties légales ou commerciales, obtenir un remboursement en cas de rappel d’un produit alimentaire, échanger d’un vêtement... En outre, il ne sera plus possible de vérifier l’exactitude du montant de la transaction, par exemple lors d'un paiement sans contact. Et enfin, « le ticket de caisse constitue un outil de gestion du budget familial », rappelle l'association.
A contrario, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui représente la plupart des enseignes de la grande distribution, se veut rassurante. « Le décret n’entre pas dans le détail. Mais c’est une mesure dont on parle depuis plus de deux ans et, dans nos magasins, les terminaux de paiement vont être reconfigurés par nos prestataires », explique Philippe Joguet, directeur de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) à la FCD, dans le quotidien Le Monde du 20 avril dernier. Le nouveau terminal prévoira un affichage sur l’écran destiné à permettre au client qui paie par carte bancaire de choisir d'obtenir ou pas un ticket (dématérialisé). Cette même possibilité sera proposée par oral à ceux qui paient en espèces.
De fait, d'après une enquête OpinionWay (2020), une large majorité de consommateurs (60%) préfèrent encore disposer d'un ticket de caisse papier après leur passage en caisse.
Mais la pratique existe déjà, mise en œuvre dans plusieurs enseignes, à l'image de Système U, Carrefour ou encore Décathlon, par exemple. Au niveau international, des tendances contradictoires coexistent : Anglais et Danois ont opté pour la dématérialisation, quand l'Allemagne a rendu obligatoire l’impression des tickets en 2020...