Comment mieux prévenir et lutter contre les feux de forêt ?
Un rapport d’information du Sénat, publié en août, émet de nombreuses préconisations pour prévenir le risque incendie de forêt et de végétation. Éclairage sur quelques propositions phares pour un chantier à venir.
Les auditions avaient démarré dès le printemps et le rapport a été rendu public au cœur de l’été, alors que les épisodes de canicule et les incendies se multipliaient dans l’Hexagone. Intitulé « Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement », le rapport d’information établi par la commission des Affaires économiques et la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat formule 70 recommandations pour améliorer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.
Bien que très efficace, la stratégie française s’avère insuffisante
Le premier constat dressé par les sénateurs dans leur rapport est que la stratégie française de lutte contre les incendies, particulièrement efficace, et qui fait figure de modèle pour les autres pays, ne suffit plus pour faire face à l’intensification et l’extension du risque incendie et, en particulier, le développement de feux hors normes (affectant plus de 5 000 hectares). C’est pourquoi les rapporteurs, « convaincus que la guerre contre le feu ne sera gagnée qu’en activant plusieurs leviers », émettent plusieurs propositions qui relèvent à la fois de la prévention et de la lutte contre les incendies.
Le premier axe relève de l’anticipation. Il vise à élaborer une stratégie nationale interministérielle articulant prévention et sécurité civile. Les sénateurs estiment qu’il faut redonner toute latitude et étendre le périmètre d’intervention de l’Office national des forêts – et donc renoncer aux 500 suppressions de postes prévues à l’ONF d’ici 2025 – et élaborer un plan de protection des forêts, dans les territoires classés à risque.
Mieux gérer la forêt et l’interface entre les forêts et les zones urbaines
Un autre axe vise l’aménagement du territoire. Objectif : mieux réguler l’interface forêt/zones urbaines pour réduire les départs de feux, en adaptant les obligations de débroussaillement en fonction des territoires et de la nature du risque. Ces obligations légales de débroussaillement étant insuffisamment appliquées, les rapporteurs estiment nécessaire de mobiliser « une palette large de leviers allant de la sensibilisation à la sanction, en passant par l’incitation », et notamment de rendre obligatoire la franchise dans les contrats d’assurance habitation – voire d’augmenter son montant au-delà de la limite actuelle – en cas de non-respect de ces obligations.
Autres leviers : intégrer la prévention du risque incendie dans les objectifs des chartes forestières de territoire et des plans de massifs, abaisser de 25 hectares à 20 hectares le seuil d’obligation de fournir un plan de gestion durable pour les forêts privées (qui représentent les trois quarts de la forêt française) et instaurer un droit de préemption au profit des communes sur les parcelles de forêt sans document de gestion durable, dès lors que ces dernières présentent un intérêt en matière de prévention des incendies.
Sensibiliser davantage les usagers et le monde agricole
Partant du constat que 90% des départs de feux sont d’origine humaine, les sénateurs suggèrent de lancer cet automne et cet hiver une campagne de communication sur la prévention – et notamment sur le débroussaillement – à destination des préfets et des élus locaux, et de recruter et former des jeunes du Service national universel à la prévention et la sensibilisation des usagers en forêt, lors des périodes et dans les zones à risque. Ils préconisent également de donner la possibilité aux préfets d’interdire des travaux agricoles la nuit en cas de risque incendie « très sévère » et, le cas échéant, d’indemniser les agriculteurs pour les coûts et pertes induits.
Renforcer les capacités de lutte contre les incendies
Un autre axe d’action est le renforcement des capacités d’intervention contre les incendies déclarés. Le rapport propose, notamment, d’augmenter le budget de la protection civile « pour permettre l’acquisition de moyens aériens (avions et hélicoptères) » et pouvoir « s’appuyer, en tant que besoin, sur la location d’appareils », et d’augmenter significativement le soutien financier de l’État aux services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) « pour permettre, notamment, l’acquisition de véhicules et leur renouvellement ».
Reboiser avec des espèces plus résilientes
Enfin, une autre des très nombreuses propositions de la mission d’information du Sénat concerne le reboisement après un feu de forêt. Outre l’aide financière de l’État, cette étape nécessiterait d’engager une réflexion sur les essences à planter, qui doivent être adaptées au milieu forestier tout en offrant une résistance aux incendies. Les sénateurs suggèrent alors « de conditionner l’aide de l’État à des choix d’essences et de gestion adaptées au risque incendie », par exemple « en maintenant des pare-feux, en expérimentant des corridors de feuillus ou une moindre densité de peuplement ».