Un maire peut-il imposer le port du masque à ses administrés ?
De nouveaux lieux viennent compléter la liste des espaces publics où le port du masque était déjà imposé depuis le 10 juillet (salles de spectacles, cinéma, musées, lieux de culte, bibliothèques, établissements de plein air…). Depuis le décret n°2020-884 du 17 juillet 2020, l’obligation est étendue aux « catégories M et, à l’exception des bureaux, W », soit à tous les magasins, centres commerciaux, et (sauf pour leurs bureaux), à toutes les banques et administrations. Toutefois, plusieurs maires ont généralisé cette obligation dans l’espace public communal par arrêté. Le peuvent-ils ?
Le pouvoir de police général du Maire
Au titre de l’article L. 2212-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), «Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs». L’article L. 2212-5 du même code précise que : «La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : […] 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires […], les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure». Ce «pouvoir de police général du maire» est un pouvoir propre, et non un pouvoir détenu par délégation du Conseil municipal.
Les conditions à l’extension de l’obligation du port du masque
La mise en œuvre de ce pouvoir par voie d’arrêté municipal est toutefois conditionnée.
Sur le fond d’abord, il est de jurisprudence constante que le maire d’une commune peut édicter une réglementation plus contraignante que celle imposée par le gouvernement ou le préfet, mais à l’unique condition toutefois, qu’il existe des «circonstances particulières de temps et de lieu» le justifiant. En d’autres termes, et en ce qui concerne l’épidémie de Covid-19, cela signifie qu’un maire ne peut élargir l’obligation du port du masque que si des circonstances locales particulières le justifient. C’est notamment ce qu’a rappelé le Conseil d’État, dans une ordonnance du 17 avril dernier, suspendant un arrêté en ce sens du maire de Sceaux (Ile-de-France). Ces circonstances peuvent, par exemple, tenir dans le nombre élevé de «clusters» dans une même commune, dans une importante concentration de la population ou encore dans une hausse importante de la fréquentation touristique d’une commune.
Le juge administratif peut être amené à examiner la légalité d’un tel arrêté, éventuellement même en référé. Dans ce cadre, il opère un contrôle dit de «proportionnalité» de la mesure : il cherche à savoir si la mesure prescrite par arrêté municipal est proportionnelle au risque évoqué pour la justifier. A cet égard, il est de jurisprudence constante qu’une mesure de police ne peut être de portée générale. Ainsi, lorsque l’obligation du port du masque est étendue par arrêté municipal, cette obligation ne peut être valable que dans un périmètre délimité de la commune (éventuellement fixé par une carte en annexe de l’arrêté) et que pour une période définie.
En ce qui concerne la forme de l’arrêté, il doit être spécialement motivé. En particulier, doivent impérativement apparaître dans les considérants, les «circonstances particulières de temps et de lieu », justifiant l’édiction de l’arrêté.
En cas de carence du maire
Notons que, lorsque de telles circonstances existent, la mise en œuvre de ce pouvoir de police générale du maire n’est pas une simple faculté, mais une réelle obligation.
En cas de carence du maire, non seulement le préfet peut «reprendre la main» sur la réglementation, en instaurant lui-même un arrêté préfectoral pour la commune, en vertu de l’article L. 2215-1 du CGCT, mais plus encore, celle-ci engage théoriquement sa responsabilité administrative, si cette carence cause un préjudice à un administré. Toutefois,- ne soyons pas alarmistes- une telle responsabilité financière semble délicate, voire impossible à engager dès lors qu’il appartiendrait à un administré victime du Covid-19 ou à ses ayants droits, de prouver devant le tribunal administratif que son ou ses préjudices trouvent, directement et de manière certaine, leur cause dans la carence du maire à imposer le port du masque sur tout le territoire municipal. Une telle hypothèse semble pouvoir être écartée.
La sanction de l’absence de masque
Au titre de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique, modifié par les lois successives sur l’Etat d’urgence sanitaire, l’absence de masque dans les établissements visés par le décret n°2020-884 du 17 juillet 2020 est punie d’une contravention de 4ème classe, soit 135 euros. Cette contravention peut faire l’objet d’une amende forfaitaire (dont le montant est minoré- le plus souvent de 30%), lorsqu’elle est réglée immédiatement. La récidive dans les 15 jours d’une précédente contravention est punie d’une amende de 5ème classe, soit 1 500 euros.
La situation n’est pas la même lorsque le maire édicte l’obligation générale du port du masque sur le territoire communal. En effet, au titre de l’article R. 610-5 du Code pénal, la violation d’un arrêté de police municipale n’est sanctionnée que d’une contravention de la 1ère classe, soit 38 euros.
Amende : quel montant ?
Il est nécessaire de distinguer deux zones. Lorsque l’absence de masque est constatée dans une zone où le port du masque est obligatoire, en vertu du décret n°2020-884 du 17 juillet 2020, c’est l’amende de 135 euros qui prévaut, alors que si elle est constatée dans une zone pour laquelle c’est un arrêté municipal qui oblige le port du masque, l’amende ne peut être que de 38 euros.
Nicolas TAQUET, juriste