Sobriété énergétique : le pouvoir du maire en matière d’éclairage public
Dès son interview du 14 juillet, le président de la République a affirmé son intention de lancer un « plan de sobriété et de délestage » incluant entreprises et administrations, visant à « consommer moins ». Juridiquement, ces entreprises et administrations disposent déjà de plusieurs leviers juridiques pour réduire la consommation d’énergie. En matière d’éclairage public, par exemple, les maires peuvent jouer un rôle important.
Une réglementation largement inexistante
L’article 3 de l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses dispose que : « les émissions de lumière artificielle des installations d'éclairage extérieur et des éclairages intérieurs émis vers l'extérieur sont conçues de manière à prévenir, limiter et réduire les nuisances lumineuses, notamment les troubles excessifs aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne ». Toutefois, en dehors de cette disposition qui fonde des prescriptions techniques en matière de puissance et d’intensité des lampadaires, il n’existe, pour le moment, aucune réglementation nationale, générale et structurée sur l’éclairage public
Bien sûr, l’arrêté du 27 décembre 2018 prends le soin d’imposer certaines prescriptions. Mais ces prescriptions sont limitées à des éclairages publics bien particuliers. Ainsi, selon l’article 2 de cet arrêté, les éclairages de mise en lumière du patrimoine et des parcs et jardins sont allumés « au plus tôt au coucher du soleil » et éteints « au plus tard à 1 heure du matin ou, s'agissant des parcs et jardins, au plus tard une heure après leur fermeture ». De même, concernant les parcs de stationnement annexés à un lieu ou zone d'activité, ils sont allumés « au plus tôt au coucher du soleil » et éteints « deux heures après la cessation de l'activité ». Ces éclairages peuvent toutefois être rallumés à 7 heures du matin au plus tôt, ou une heure avant le début de l'activité, si celle-ci s'exerce plus tôt.
Un large pouvoir du maire en la matière
Si la réglementation nationale n’existe pas, c’est donc du côté de principes juridiques plus généraux que se trouve la réponse. D’un point de vue de la compétence, l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT ) dispose que « la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend (…) l'éclairage (…) ». C’est donc très clairement au maire qu’il appartient, sur la base de son pouvoir de police administrative général, de réglementer l’usage de l’éclairage public.
L’article 41 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 (mise en œuvre du Grenelle de l’environnement) lui fournit d’ailleurs une base légale optimale : « les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne feront l'objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation ».
La motivation de l’arrêté municipal pourra refléter l’absence de nécessité d’éclairage public lors de l’amplitude horaire choisie, la nécessité de lutter contre la pollution lumineuse ou celle de réduire la consommation d’énergie.
Comme toute mesure de police, celle-ci est prise par le maire sans délégation du Conseil municipal. Toutefois, pour être légale, une telle mesure doit être proportionnée au but recherché. Une interdiction générale et absolue ne pourrait être admise, ne serait-ce que parce qu’une coupure généralisée de l’éclairage serait accidentogène.
Ainsi, dans son arrêté le maire prendra le soin de définir quels lampadaires ou, le cas échéant, dans quelles voies l’éclairage public devra sera éteint. De plus, l’amplitude horaire d’une telle extinction devra précisément être définie dans l’arrêté. De nombreuses communes choisissent l’amplitude horaire 23h30-5h30.
Des capteurs permettant d’activer l’éclairage public au passage d’une voiture peuvent utilement être installés et permettent certainement de trouver le bon équilibre entre préservation de la sécurité et sobriété énergétique.