Emploi

Recrutement : CréaWatt Group, une PME qui mise sur la réinsertion professionnelle

CréaWatt Group, entreprise d’une centaine de salariés qui conçoit et fabrique des panneaux solaires innovants, compte dans ses effectifs 50% de détenus incarcérés à la prison de Saran et recrute tous les profils de candidats.

« Nous avons monté des ateliers de fabrication et d’assemblage dans une prison pour assembler nos matières premières », explique Jean-Noël Gaine, qui a fondé en 2020 CréaWatt Group. La PME, basée à Amilly(Loiret), près de Montargis, conçoit et fabrique des panneaux solaires innovants – son panneau est six fois plus léger qu’un panneau traditionnel–. Sur quelque 100 salariés, elle compte 54 détenus hommes et femmes en contrat à durée indéterminée (CDI). Un choix que ce chef d’entreprise, forgé par de fortes convictions personnelles a fait en toute connaissance de cause. « C’est dans mes gênes, j’ai toujours baigné là-dedans, explique le chef d’entreprise. Mes parents étaient famille d’accueil pour les enfants en difficulté qui avaient été tabassés, violés ou violentés », raconte-t-il.

L’entrepreneur a lui aussi souhaité faire du social pour « faire avancer les choses à ma petite échelle », en profitant d’une opportunité qui s’est présentée à lui, des alvéoles –ces ateliers de 200 m² au sein des prisons– disponibles à la prison de Saran, près d’Orléans. « Je connaissais le contexte de ces ateliers protégés dans le milieu carcéral ». Aujourd’hui, l’entreprise compte cinq ateliers dans la prison de Saran. « A raison d’une dizaine de détenus par atelier, nous faisons travailler 54 personnes sur place ». Faire de la réinsertion s’avère finalement moins compliqué dans une prison que dans une entreprise. « C’est même assez simple de monter des ateliers en prison », assure-t-il. Même s’il faut les installer et les équiper.

Staff d’encadrants

« Je ne fais pas ça pour l’argent », confie-t-il. S’il consent payer moins cher les détenus, derrière, c’est tout une intendance et un encadrement qu’il doit mettre en place. « Cela représente beaucoup de contraintes. Nous avons des encadrants qui sont dans les ateliers pour vérifier et surveiller leur travail et pour faire l’entretien et la maintenance des machines », explique le chef d’entreprise. Jean-Noël Gaine compte ainsi sur son staff d’encadrants qui sont eux aussi impliqués dans la cause de la réinsertion. Ces derniers assurent également la formation aux opérations et aux machines des détenus, à raison de 15 jours à trois semaines. Même si ce ne sont pas « des opérations compliquées à faire », assure-t-il. Pour que cela fonctionne par la suite, il a également instauré un système de tutorat : « les nouveaux ont des tuteurs qui ont plus d’ancienneté ».

En milieu hyper sécurisé

Même s’il concède avoir eu des a priori lorsqu’il a installé le premier atelier, au sein de la prison de Saran, le chef d’entreprise assure ne pas rencontrer de difficultés majeures dans l’exercice. « Ce n’est pas compliqué. Etant dans le milieu carcéral, tout est hyper sécurisé ». Quant aux éventuelles émeutes, « elles ne se passent pas dans les ateliers, mais dans les salles communes ». En outre, « nous leur donnons une seconde chance », les détenus savent la saisir et l’honorer « et ne jouent pas avec le feu. Ils savent qu’ils ne vont pas avoir deux chances consécutives. Tout le monde se tient à carreau ».

Objectif : la réinsertion par le travail. « Nous leur imposons des cadences, des horaires de travail. Mais je pense que c’est plus facile en commençant dans le milieu carcéral ». Une fois sortis de prison, les détenus sont réintégrés sur la production, au siège de l’entreprise, à Amilly. Concrètement, des CDI tripartites sont signés, entre l’entreprise, le détenu et la maison d’arrêt. « Nous avons établi des contrats de travail qui permettent aux détenus de ne plus être une charge pour leur famille en payant leur cantinage –cantine, abonnement télévisé…–, de payer les parties civiles, voire de subvenir aux besoins de leur famille ».

Demande supérieure à l’offre

Outre les 54 détenus embauchés en CDI, CréaWatt Group recrute également des adultes reconnus en situation de handicap, des personnes en difficulté d’insertion ou sortis du système scolaire et des jeunes entre 18 et 25 ans déscolarisés. « On a même eu des SDF, indique Jean-Noël Gaine. Tout ce que les gens ne veulent pas, nous on récupère, sourit-il. On donne sa chance à tout le monde ». L’entreprise recrute ainsi par le biais des missions locales, –ces centres dédiés à l’accompagnement des jeunes déscolarisés de 18 à 25 ans–, ou d’associations locales comme Demain45, un collectif de 13 structures d’insertion par l’activité économique (IAE) loirétaines engagées qui souhaitent renforcer l’accompagnement vers l’emploi durable des salariés en parcours d’insertion.

Grâce à ces recrutements de profils atypiques, le chef d’entreprise ne connaît pas les mêmes problématiques de recrutement que ses confrères. « On a beaucoup de candidats qui voudraient travailler. Nous avons plus de demandes que d’offres disponibles ». Et ce, même si l’entreprise projette d’atteindre les 300 personnes en production, pour 2025.

Charlotte DE SAINTIGNON