Rats et moustiques tigres ne connaissent pas la crise
Les professionnels de la lutte contre les nuisibles alertent sur la menace qu'ils représentent pour la santé, l'économie et l'image des villes. Pour eux, les pouvoirs publics ne prennent pas suffisamment en compte ce phénomène, croissant.
La pandémie n'a pas freiné la prolifération des nuisibles... Le 16 juin, lors d'une conférence de presse en ligne, c'est ce que révélait la Chambre syndicale 3D (Désinsectisation, dératisation, désinfection). Cette structure professionnelle représente 80% du marché, lequel est constitué quelque 1 200 entreprises, dont 90% de TPE. Elle en appelle à une meilleure reconnaissance des enjeux que constituent les nuisibles par les politiques publiques.
En 2020, la pandémie n'a pas amélioré une situation que la chambre syndicale 3D juge « inquiétante ». L'an dernier, « nous avons assisté à des bizarreries », commente Stéphane Bras, porte-parole de la Chambre syndicale 3D. Par exemple, les punaises de lit n'ont pas trouvé un terrain très favorable dans les lieux qu'elles recherchent habituellement, comme les hôtels, désertés. Mais les professionnels ont été souvent appelés à la rescousse dans les milieux privés. Quant aux rongeurs, privés des ressources des restes de pique-nique dans les parcs et des poubelles des villes, ils se sont rabattus sur les espaces communs des copropriétés, les cours des immeubles…
Mais au delà de la situation exceptionnelle de 2020, les nuisibles prolifèrent en France, d'après la chambre syndicale 3D. En particulier, « nous sommes soumis à une forte pression d'insectes invasifs, comme le frelon asiatique ou le moustique tigre. Et d'autres progressent, qui arrivent tous les ans sur le territoire. Avec le réchauffement climatique, des espèces qui auparavant n'arrivaient pas à s'implanter, y parviennent. Par exemple, le moustique tigre est maintenant capable de s'adapter jusqu'à la Hollande. L'ensemble de notre territoire peut être sous pression », explique Stéphane Bras. Les moustiques tigres s'adaptent d'autant mieux que les hivers sont de moins en moins rigoureux ; depuis une dizaine d'année, les professionnels sont de plus en plus sollicités sur ce sujet. Et ces nouvelles menaces apparaissent dans un contexte déjà compliqué par l'évolution des modalités de la lutte contre les nuisibles.
Les moyens de la prévention
« Nous ne sommes plus les killers comme il y a trente ans », commente Patrick Gravey, président de la chambre syndicale 3D qui évoque une « lutte raisonnée ». En effet, la législation a obligé la profession à modifier ses méthodes pour tenir compte des problématiques environnementales, notamment en réduisant l'utilisation des biocides. Alors, pour obtenir des résultats efficaces, ce changement de paradigme impose un tournant vers une politique de prévention, argumente la chambre 3D. Ainsi, par exemple, dans la construction, il s'agit de faire le choix de matériaux qui permettent d'isoler correctement les locaux des intrusions des rongeurs. Or, « le pouvoir public agit toujours après la crise », regrette Stéphane Bras. « Il faut nous donner les moyens de notre action », préconise Patrick Gravey. L'Etat pourrait notamment imposer plus de contrôles préventifs dans les copropriétés.
Mais c'est l'ensemble des lieux de vie publics et privés, et de production qui sont concernés par la menace des nuisibles : écoles, espaces publics dans les villes, maisons de retraite, appartements, sites industriels, zones agricoles et de stockage... Les risques ? Les punaises de lit chez les particuliers, un moucheron dans un dentifrice, ou même, dans l'élevage, des chevaux qui risquent de se casser une jambe en s'appuyant sur un sol mité par les campagnols, lesquels prolifèrent actuellement... « Il y a de grands défis à relever. C'est à la fois un enjeu économique, de santé, et d'image », relève Stéphane Bras. « Nous sommes très inquiets de la tournure que prennent les événements », souligne Patrick Gravey. La Chambre syndicale 3D, qui regrette de ne pas voir son expertise suffisamment mise à contribution par les pouvoirs publics, en appelle à une logique « interministérielle » : le sujet des nuisibles concerne, en effet, l'agriculture, la santé, la culture, l'éducation, l'économie... et même l'armée, qui, d'après Patrick Gravey, a récemment consulté la chambre 3D, à propos de ses bases à l'étranger...