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Quand la semaine de 4 jours séduit les entreprises

Attractivité croissante, gains écologiques, meilleure conciliation des temps de vie personnelle et professionnelle… La semaine de 4 jours fait débat sur la scène médiatique. De nombreuses entreprises l’ont d’ores et déjà adopté et s’en félicitent. Dans son dernier webmag, l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) a mis en avant la mesure et alerté sur les précautions à prendre avant de la mettre en place et sur ses différents impacts sur les conditions de travail.

(© Adobe Stock)
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« Redonner du sens et réenchanter le travail ». C’est ce qui a motivé Abdénour Ainséba, dirigeant d’ITPartner, pour mettre en place de la semaine de 4 jours en janvier 2021 pour ses 130 collaborateurs. « Avec le Covid, les Français avaient remis en question leur rapport au travail et la place qu’ils lui accordent au quotidien. Le télétravail ne suffit pas à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ». Au-delà d’oeuvrer en faveur du bien-être des collaborateurs, la mesure s’est révélée salutaire pour l’entreprise lyonnaise de services numériques (ESN), spécialisée dans l’infogérance et la prestation de services numériques. « L’impact a été positif sur les performances de l’entreprise, sur la productivité et sur la capacité de l’entreprise à atteindre les objectifs », constate le chef d’entreprise.

Rétention des talents

Un questionnaire anonyme, administré par les élus du CSE (Comité social et économique), a par la suite révélé que 100% des collaborateurs étaient satisfaits de la mesure. Que ce soit en termes « d’attachement et de sentiment d’appartenance à l’entreprise, de volonté de bien faire, d’apprendre ou de progresser, liste-t-il. Nous sommes dans un métier de services où les collaborateurs peuvent connaître un épuisement intellectuel. Plus les collaborateurs changent de posture, plus ils seront efficaces et plus grande sera la productivité ». Outre ces impacts internes bénéfiques sur la productivité des salariés, cela a également joué sur la fidélisation des collaborateurs. Un atout considérable dans un métier qui connaît une forte pénurie de main d’œuvre. « Nous avons vu le taux de turnover chuter. Alors qu’il tourne normalement aux alentours de 25% dans nos métiers, nous sommes autour de 10%. La mise en place de la semaine de 4 jours a donc bien fonctionné sur la rétention des talents ». Résultat, l’entreprise passe moins de temps à recruter.

Abdénour Ainséba émet cependant un point de vigilance : « il ne s’agit pas de faire de la rétention forcée ». Pour lui, il faut continuer à s’assurer du bien-être des collaborateurs. En outre, il reconnaît qu’en termes d’attractivité, cela n’a pas aussi bien fonctionné que sur la rétention : « Nous n’avons ni amélioré notre visibilité ni notre attractivité. Nous étions peut-être un peu avant-gardistes fin 2020. Ce n’était pas encore un sujet ou alors un sujet trop innovant, ou du moins il n’occupait pas le même espace médiatique. Aujourd’hui encore la valorisation de ce jour off pour les nouveaux candidats est compliquée ».

Compensation du télétravail

« Suite à deux rapports publiés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne et Irlande, il y a eu un regain d’intérêt pour le réaménagement du temps de travail et un emballement médiatique en 2022, alors que le télétravail était attaqué de toutes parts, estime Suzy Canivenc, enseignante-chercheuse Mines ParisTech. La semaine de 4 jours était la compensation parfaite pour faire revenir les salariés au bureau et pour ceux qui ne pouvaient pas faire de télétravail ».

Cependant, passer à la semaine de 4 jours demande de réaménager le temps de travail, génère beaucoup de changements dans l’organisation, de la réorganisation dans les équipes et dans la manière de produire, aussi bien en interne qu’en externe. « C’est une opportunité pour revoir les fondamentaux de l’entreprise », signale Abdénour Ainséba. Pour sa part, le chef d’entreprise, qui l’a mise en place après avoir proposé la mesure au comex de l’entreprise, et après avoir échangé avec les représentants du personnel, a opté pour la réduction du temps de travail en passant à la semaine de 32 heures à salaire égal, grâce à une rotation des équipes pour conserver l’entreprise ouverte pendant les cinq jours de la semaine. « L’idée était que les collaborateurs ne soient pas tentés d’utiliser leur jour off à travailler à cause de revenus trop bas ! », pointe le chef d’entreprise. Afin de faciliter leur vie personnelle, les équipes continuent à faire les mêmes horaires qu’auparavant – 9h-18h. Ainsi, « Il n’y a pas d’impact négatif sur l’organisation sociale ou familiale des salariés », justifie le dirigeant.

Dialogue social

Souvent, la mise en place de la semaine de 4 jours n’est pas synonyme de réduction du temps de travail, mais signifie plutôt pour les salariés de faire 35 heures en quatre jours, soit 8h45 de travail quotidien, indique Suzy Canivenc. Avec comme conséquence directe « le risque d’augmenter l’intensité et le rythme de travail et donc de voir les risques psycho-sociaux s’envoler », note l’enseignante-chercheuse. Car il n’est pas question pour les entreprises d’accompagner la mesure de création d’emplois. Cela peut de fait inquiéter certains salariés : comment faire en quatre jours le travail de cinq jours ? Ce que confirme Abdénour Ainséba : « Une partie des collaborateurs n’y croyaient pas et ont préféré partir ». Car l’enjeu est bien au final « d’améliorer la qualité de vie hors travail, avec des avantages qui sont plus liés à la vie personnelle qu’à la vie professionnelle que la qualité de vie au travail », signale Suzy Canivenc. Abdénour Ainséba concède ainsi aisément que cela passe par de la chasse au temps perdu : « Cela se fait au détriment des moments de convivialité et de la pause méridienne qui est passée d’1heure 30 à 1 heure et demande aux salariés un engagement et une concentration plus importante ».

Eu égard aux impacts de la mesure, celle-ci doit être appréhendée et adaptée selon l’organisation de l’entreprise qui doit mener sa propre démarche et surtout débattre sur la question avec les collaborateurs qui restent les premiers concernés par le sujet. « Il ne s’agit pas de reléguer la mesure, tout comme le télétravail, à une formule magique que l’on pourrait copier-coller en s’économisant le temps de dialogue nécessaire », prévient Suzy Canivenc. Ce dont convient également Philippe Contassot, chargé de mission au sein de l’Aract Occitanie : « Les phases amont de préparation et de cadrage sont importantes pour partager les craintes et les enjeux et identifier les éventuelles problématiques. Il faut discuter, co-construire et faire avec. C’est le dialogue social au plus près des équipes ».

Charlotte DE SAINTIGNON