Prolifération des objets connectés à Internet : faut-il les redouter ?
Pourquoi les objets connectés à internet (ou IoT) se rendent-ils indispensables ? Dans quels domaines d’activité ? Faut-il s’en inquiéter ? Certains analystes craignent une évolution vers l’Internet des… comportements…Eclairage.
Les objets connectés à Internet (ou IoT, Internet of things) envahissent notre univers, professionnel et privé. L’un des « syndromes » visibles, pour de nombreux français, aura été le compteur Linky d’Enedis (ex ERDF), permettant de relever nos consommations d’électricité. Il a même suscité le véto de certaines collectivités. La communication n’a pas été très avisée, il est vrai, tant sur l’éventualité d’un contrôle de la vie privée des personnes que sur la crainte (très exagérée) de rayonnements électromagnétiques.
Dans la pratique, nous acceptons les objets connectés partout ou presque pour tous les services qu’ils rendent. Les montres connectées s’avèrent utiles pour la pratique du sport chez beaucoup de personnes : outre le pouls cardiaque, elles alertent sur le niveau de stress, sur la température du corps. Par une estimation des calories dépensées, elles incitent à la pratique d’exercices physiques.
Il en est de même pour tous les équipements de la maison : station météo, commande de chauffage à distance, y compris les panneaux solaires, télésurveillance (avec l’option vidéo et la possibilité d’une analyse automatique des images pour donner l’alerte). Ajoutons-y la commande des éclairages, des volets, de la ventilation ou le pilotage de la chaîne multimédia – le tout pouvant être piloté vocalement avec des assistants robots (cf. Alexa d’Amazon, Assistant de Google, Siri Apple…).
A l’instar du Linky pour l’électricité, les objets connectés se banalisent chez les fournisseurs de services utilitaires – eau, gaz, ou encore pour prévenir de la fourniture de biens épuisés ou de l’usure de pièces. C’est la télémétrie qui se généralise, sans déplacement de personnels. En aval, le traitement de la facturation est entièrement automatisé, sans intervention humaine.
Dans le secteur de la santé, les applications sont actuellement « boostées » en raison des mesures barrières de la pandémie. Les soins à domicile sont facilités avec la possibilité de recevoir des données et contrôler des équipements à distance. Dans l’agriculture, dans l’industrie, les multiples capteurs « embarqués » sont couplés à des logiciels utilisant l’apprentissage machine. A l’image des robots d’exploration spatiale, on parle de « cyber-objets intelligents ».
Les capteurs deviennent très performants. Ainsi, la technologie dite « quantique » va permettre de mesurer de manière ultra-rapide des microparticules, au micron près, grâce, notamment, aux rayons laser. Ainsi, en ville, l’analyse de la qualité de l’air va devenir extrêmement fine. Dans l’automobile, depuis des années, des centaines de capteurs équipent les voitures de Formules 1. Les retombées se concrétisent aujourd’hui dans les programmes de véhicules autonomes, mais aussi dans les dispositifs rendant la circulation plus sûre et plus fluide.
Liaisons sans fil
Le point commun de tous ces objets connectés ? Ils sont identifiés avec une adresse IP (Internet protocole), donc localisés ou localisables via des interfaces de ‘mapping’ et/ou GPS. Miniaturisés, ils consomment toujours moins d’énergie (avec des piles-batteries d’une durée de cinq ou 10 ans) et utilisent des canaux radio à bas débit avec le protocole LoRa ou le réseau Sigfox (d’origine française), mais aussi bien le GSM (2G et 3 G), la 4G et bientôt la 5G – qui disposera de canaux spécifiques. Les données sont généralement minimalistes, transmises à des intervalles de temps très divers (par seconde ou par jour). En revanche, comme ces capteurs peuvent être installés à des millions d’exemplaires, la quantité totale de données recueillies est vite colossale. D’où la nécessité de faire un premier tri ou consolidation à un niveau local (‘edge’, périphérie) pour ne remonter en central, via Internet, que ce qui sera vraiment exploité, généralement sur une plateforme unique répartie sur un ‘cloud’.
Certains capteurs, comme évoqués, transmettent des images animées et du son : ils nécessitent alors du haut débit. Ceux-là, à défaut de connexion fibre optique ou ADSL de bonne qualité, tireront un grand parti de la 5G.
Vers l’internet des comportements, IoB ou suivi « comportemental » ?
A juste titre, la consolidation ou pire, le recoupement de données personnelles provenant de nombreux objets connectés pose la question de leur confidentialité. Au-delà du risque ‘big brother’, pas nouveau et inhérent à l’ère numérique, la question est celle du respect de la réglementation (cf. RGPD). Les acteurs doivent répondre de la sûreté des données sur leurs systèmes (et a fortiori ne pas en faire commerce, sauf accord explicite des personnes). Il est toujours légal et recommandé de demander d’en avoir copie – ce qui s’applique, aussi, aux compteurs Linky et autres…
Le cabinet d’études Gartner interroge sur le risque d’extension de ce qu’il appelle « l’Internet des comportements » (ou IoB, Internet of Behaviors), la possibilité de « tracer » les individus, de les visualiser. Mais l’application #tousanticovid montre aussi que ce peut être utile pour freiner une pandémie…
Pierre MANGIN