Conjoncture

PME et ETI : le ralentissement de fond

Les conséquences économiques des soubresauts politiques ne sauraient masquer le fait que l'activité des PME et ETI était déjà en train de ralentir, sur fond de concurrence internationale accrue et de demande insuffisante, montrent deux études publiées par Bpifrance le Lab.

© Adobe Stock
© Adobe Stock

Ralentissement. Lors d'une conférence de presse en ligne , le 11 juillet , Bpifrance le Lab, le centre de recherches de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a présenté deux enquêtes « ETI 2024 » et « TPE/ PME du semestre1 2024 ». Réalisées avant l'annonce de la dissolution de l'Assemblée Nationale, elles ne prennent donc pas en compte les bouleversements qui l'ont suivie. En revanche, elles mettent en lumière un ralentissement de l'activité économique déjà en œuvre, lié à d'autres facteurs qui pèsent lourd (demande faible, compétition internationale accrue...). Globalement, la tendance au ralentissement est partagée par les PME/TPE et les ETI constatent les études (en dépit de leur temporalité différente).

« Les ETI prévoient un ralentissement de la croissance de leur chiffre d'affaires en 2024 », explique Sabrina El Kasmi, responsable du pôle conjoncture à Bpifrance le Lab. Le solde d'opinion relatif à l’évolution du chiffre d’affaires ( différence entre la part d'entreprises qui s'attendent à une hausse et celles qui anticipent une baisse) diminue, pour atteindre 30. Il rejoint la moyenne observée sur 2011-2023. Et la tendance est particulièrement marquée pour l'industrie / construction (−18 pts à +16, contre +31 pour la moyenne de long terme). Du côté des PME et TPE aussi, le solde d’opinion relatif à l'évolution du chiffre d'affaires est en baisse : à +2, il perd six points en six mois et 10 points sur un an, pour s'établir nettement sous sa moyenne de long terme (+14).

Autre enseignement de l'étude, quelle que soit la taille des entreprise, les freins à la croissance identifiés sont similaires. Pour les ETI, « ces freins changent de nature. Les contraintes de production sont en baisse », pointe Sabrina El Kasmi. Les difficultés de recrutement restent en tête des freins identifiés, mais elles diminuent nettement chez les ETI, citées par 57 % d’entre elles, après 75% en 2023. Même tendance chez les PME : ces problèmes restent généralisés, puisqu’ils continuent de concerner 78% des dirigeants, mais de manière moins aiguë : 34% des dirigeants rencontrent « d'importantes » difficultés de recrutement, contre 42% il y a un an. Les coûts de production pèsent moins : 39% des ETI sont concernées, soit 17 points de moins qu'en 2023. Et 29% des PME et TPE rencontrent des problèmes d'approvisionnement significatifs, contre 49% en 2022.

En revanche, « les perspectives de la demande se dégradent », poursuit Sabrina El Kasmi : 42% des chefs d'entreprises (ETI) citent ce facteur (+11 points sur un an). Par ailleurs, les parts de marché des ETI semblent de plus en plus contestées : 40% se disent affectées par la montée d’une pression concurrentielle (+14 points sur un an). Les carnets de commande des PME restent dans l'ensemble peu garnis.

Investissements en baisse

Les études ont également porté sur la situation financière des entreprises et leurs perspectives d'investissements. Côté trésorerie, après le pic de 2021 lié aux aides d'Etat, la situation pour les ETI s'est progressivement dégradée : en 2024, le solde d’opinion relatif à la situation de trésorerie pour l'année en cours s'établit à -8 , quasi stable

par rapport à 2023 (-7), mais à un niveau inférieur de cinq points à sa moyenne

historique. Chez les PME, le solde d'opinion sur l'évolution de la trésorerie se situe à -10, stable sur un an, et au dessus de la moyenne de long terme (−14). Les craintes de non remboursement du PGE, prêt garanti par l’État, restent stables (4%).

Dans ce contexte, les perspectives d'investissements s'avèrent limitées : le coût du crédit reste élevé, même s'il a diminué et la demande attendue est peu encourageante. En 2024, 43 % de TPE/PME prévoient de réaliser des investissements, contre 45 % en 2023 et 50 %, en moyenne, depuis 2002. Chez les ETI aussi, l'étude conclut à un ralentissement de l'investissement en 2024. L’indicateur concerné perd 8 points et atteint +10, soit un niveau de 10 points inférieur à la moyenne de long terme. Les investissement « verts », ne sont pas épargnés par cette tendance générale . « En 2024, on peut s'attendre à un ralentissement de ces investissements notamment chez les PME et les TPE », prévient Thomas Laboureau, macroéconomiste chez Bpifrance. Les ETI, qui réalisent traditionnellement plus d'investissements verts que les PME, sont 32% à prévoir de les augmenter en 2024, et 4% seulement à envisager une baisse. En revanche, 13% seulement des PME et TPE prévoient d'augmenter ces investissements cette année, contre 14% qui opteraient pour une baisse. Cette inflexion pourrait être temporaire : au delà de 2024, 29 % des TPE-PME comptent poursuivre leurs investissements verts, un chiffre qui monte à 63% chez les ETI. En termes de types d'investissements réalisés, les ETI se tournent d'abord vers l'achat d'équipements de production, le renouvellement du parc automobile et la rénovation énergétique des bâtiments. Les plus petites entreprises se concentrent essentiellement sur le deuxième sujet. Dans ce cadre, « il reste un potentiel d'électrification », pointe Thomas Laboureau. Pour l'instant, les véhicules électriques ne représentent que 4% du parc des PME et des TPE. En cause : une autonomie jugée insuffisante ( 56%), un prix d'achat ou de location vu comme excessif ( 46%) et le manque de disponibilité des bornes de recharge ( 24%).


Les ETI abordent l'IA avec prudence

Selon Bpifrance le Lab, les ETI sont deux fois plus nombreuses (31%) à avoir adopté l'intelligence artificielle que les PME et TPE. Mais les deux catégories d'entreprises l'emploient rarement au quotidien : 3% des PME et 5% des ETI. Trois usages prédominent : recherche, collecte et analyse de données ; génération de contenus écrits et traduction. Chez les ETI, les freins principaux à l'utilisation sont le fait de ne pas lui trouver un usage ( 71%), un manque d'expertise en interne ( 39%) et la crainte d'un mauvais usage (17%).