Lutte anti-corruption : les contrôles opérés par l’AFA
Les mesures de la loi «Sapin II» marquent une profonde mutation en matière de lutte contre la corruption. L’AFA, Agence Française Anti-corruption, veille au respect et à l’efficacité des dispositifs de prévention et de détection à mettre en place.
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Loi Sapin II », confie à l’AFA, le contrôle du respect de la mise en œuvre d’un programme anticorruption que doivent adopter les sociétés et les établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros.
L’organisme est également chargé du contrôle des procédures de prévention et de détection des atteintes à la probité au sein des administrations, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte, et des associations et fondations reconnues d’utilité publique.
L’objet du contrôle
L’AFA est chargée de contrôler le respect de l’obligation de conformité pour les personnes morales, consistant à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence.
Il s’agit, pour l’entreprise, de respecter l’obligation prévue à l’article 17 de la loi Sapin II qui porte, non seulement, sur la mise en place du dispositif exigé de prévention et de détection de la corruption et du trafic d’influence, mais également sur la qualité de celui-ci.
La finalité principale de ce contrôle est de s’assurer que le risque d’exposition ou de transgression dans les entités concernées soit le plus faible possible. L’AFA doit ainsi contrôler la qualité et l’efficacité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place.
Les pouvoirs d’enquête conférés à l’AFA, lors du contrôle
La sous-direction du contrôle peut mettre en œuvre tant des contrôles sur pièces que des contrôles sur place. Le contrôle sur place doit en principe être précédé d’un contrôle sur pièces, mais il peut être dérogé à cette règle en cas de circonstances particulières. L’absence de définition du concept de «circonstances particulières» est néanmoins à regretter.
En pratique, les contrôles sur pièces s’organisent ainsi : les dirigeants sont informés, par lettre recommandée avec accusé de réception, du contrôle dont ils font l’objet. La lettre indique l’objet, le périmètre ainsi que la durée du contrôle. Dans ce cadre, les agents de l’AFA se font communiquer, sur leur demande, tout document professionnel, ainsi que tout renseignement utile.
Pour le contrôle sur place, les dirigeants sont informés de la date du premier rendez-vous sur place, de la teneur et de la durée prévisionnelle du contrôle. Dans le cadre de ce contrôle, les agents de l’AFA peuvent s’entretenir avec toute personne dont le concours paraît nécessaire, afin de vérifier l’exactitude des informations transmises. Pour autant, rien n’est dit sur le cadre dans lequel de tels entretiens sont menés, ni les garanties accordées aux personnes auditionnées.
Enfin, il est demandé aux dirigeants de l’entité contrôlée de désigner à l’AFA une personne pour les représenter, lors de l’ensemble des opérations de contrôle, et répondre aux courriers et pièces de procédure adressées par l’Agence. Ce représentant peut se faire assister par une personne de son choix.
Les garanties accordées aux entreprises
Il convient, à titre liminaire, de souligner que l’AFA ne dispose pas, en principe, d’un véritable pouvoir d’enquête. Les agents ne pourront pas mener des interrogatoires ou user de pouvoir de contrainte, à l’instar d’une mesure de garde à vue. En outre, les contrôles ne peuvent être mis en œuvre qu’à heures ouvrables et uniquement dans les locaux professionnels de l’entreprise.
Les entreprises peuvent se faire assister par une personne de leur choix lors de ces contrôles.
Une fois le contrôle réalisé, l’entreprise pourra présenter des observations dans un délai de deux mois, en cas de manquements constatés. Par ailleurs, les dirigeants de l’entité contrôlée disposent de la possibilité de présenter oralement leurs observations devant l’AFA.
Les suites du contrôle
A l’issue du contrôle, l’AFA dresse un rapport écrit comportant des observations sur le dispositif de prévention et de lutte contre la corruption de l’entreprise. Le cas échéant, elle pourra formuler des recommandations.
En cas de manquements constatés au respect des mesures et procédures de l’article 17 de la loi Sapin II, et après avoir mis en demeure la personne concernée de lui présenter ses observations écrites dans un délai de deux mois, le directeur de l’Agence peut lui délivrer un avertissement.
Il peut aussi saisir la Commission des sanctions afin :
– qu’il soit enjoint à l’entité contrôlée d’adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption et de trafic d’influence;
– que soit prononcée une sanction pécuniaire. Cette dernière pourra ainsi ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision.
L’AFA peut, enfin, aviser le procureur de la République compétent des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses missions.
Thibaud LEMAITRE, avocat au barreau de Lille