Les techniques de recrutement évoluent… doucement

HelloWork, plateforme d’emploi et de recrutement, a analysé les pratiques des recruteurs et les attentes des candidats depuis 2010*. Focus sur les dernières tendances et pistes à explorer pour les métiers en tension.

(c) adobestock
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Les outils préférés des recruteurs en 2024 ? Les plateformes de recrutement et sites d’offres d’emploi (92%), les réseaux sociaux (79%) et les candidatures spontanées (72%) forment le trio de tête. Les jobboards restent donc l’outil le plus utilisé par les professionnels des RH. Tandis que les réseaux sociaux font leur apparition à la seconde place des outils les plus employés (ils étaient à la 6e place en 2010). François Leverger, directeur général d’HelloWork, voit ces derniers comme un « espace complémentaire » aux jobboards, permettant « des discussions, des échanges et des prises de parole, du côté des entreprises comme du côté des candidats ». A l’inverse, les services publics de l’emploi sortent du trio de tête côté recruteurs, mais pas côté candidats.

La lettre de motivation, has been ?

Alors qu’à l’étranger, le recrutement sans CV prend de plus en plus de place, en France, il fait une timide percée, mais reste marginal. La grande majorité des recruteurs (90,4%) y ont « rarement » recours, voire « jamais » pour embaucher. Le CV reste donc toujours le sésame dans les process de recrutement de l’Hexagone. A contrario, la lettre ou le mail de motivation sont en net recul. Ainsi, en 2024, 71% des recruteurs la considèrent comme « peu » ou « pas importante », contre 46% en 2017. Pour Karine Trioullier, Talent architect et fondatrice de l’entreprise de conseil en gestion des talents Tida Bisa, « la lettre de motivation telle qu’elle est va disparaître », « elle est dans tous les cas trop coûteuse en temps et en ressources ». Ce qu’elle explique aisément par les usages de l’écrit des générations à venir. « Elle ne correspond plus aux nouvelles générations, qui ne sont pas nées en écrivant des lettres, mais plutôt des formats de 140 caractères. Ils ont l’esprit de synthèse, ils vont droit au but, ils ont un rapport à l’écrit et à la communication qui est complètement différent de leurs aînés ». Lui reprochant d’être finalement « un peu comme la bande annonce d’un film plein de promesses, mais ça reste très déclaratif », Karine Trioullier note que de toute évidence, la lettre de motivation va être amenée à évoluer : « ça doit être plus court, pourquoi pas du format vidéo. En tous cas pas une longue missive ». « Pourquoi pas en répondant à des questions clés, « pour aller chercher des éléments de savoir-être », poursuit-elle.

Haro sur les expériences, place aux compétences

Karine Trioullier va même plus loin en évoquant « l’open hiring », soit le recrutement ouvert à tous « pour les métiers qui nécessitent un savoir-être, mais pas forcément beaucoup de qualifications ». « Au-delà de se libérer de la lettre de motivation, on oublie les diplômes et on met les candidats en situation », explique-t-elle. Exit les entretiens d’embauche et la sélection des candidats. L’open hiring consiste ainsi à évincer ses expériences au profit de ses capacités. « On limite le coût du recrutement pour investir sur la formation, poursuit-elle. « On pose des questions au candidat en lien avec son futur quotidien : ‘Est-ce que vous pouvez porter un poids de 50 kilos ?’, rester assis(e) plus de 5 heures ?’, ‘Est-ce que ça vous va d’être en contact avec le public ?’ »… Si on posait des questions inhérentes au job, sur des caractéristiques qui peuvent avoir un impact sur la motivation, on ferait un tri intéressant parmi les candidats, juge-t-elle. Si la personne embarque, elle embarque en connaissance de cause ». Une piste à explorer pour les métiers en tension, estime-t-elle.

Quoiqu’il en soit, le futur du recrutement passe pour la Talent architect par « une personnalisation des méthodes » et une diversification des approches. Néanmoins, l’entretien de motivation, et surtout la rencontre physique entre candidat et recruteur, reste toujours de mise, malgré la généralisation des entretiens à distance. Benoît Serre, Partner & Director HR People Strategy du BCG (Boston Consulting group) et vice-président délégué de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines), insiste sur la nécessité de cette rencontre physique, « un passage nécessaire, en particulier en dernière étape du processus de recrutement ». Même si l’entretien à distance s’est généralisé, avec 56% des recruteurs qui confient l’utiliser « souvent » dans leurs recrutements en 2024, contre 25% en 2017. « Le recrutement hybride va perdurer, car il facilite les process et permet d’avoir accès à un plus large vivier de candidats » commente-t-il.

* Enquête réalisée en 2023 auprès de 2 690 candidats et 157 professionnels des ressources humaines comparée aux résultats de 12 enquêtes qui analysent la relation entre les candidats et les recruteurs depuis 2010.