Les préfets en première ligne face au Covid-19
Parmi les acteurs de l’État engagés dans la lutte contre le Covid-19, les préfets tiennent un rôle central : ils sont les bras armés du gouvernement dans les départements. Éclairage.
C’est après les troubles de l’époque révolutionnaire, que la fonction de préfet a été instaurée, en 1800, par Napoléon Bonaparte. Le but était alors de contrôler et d’unifier le territoire grâce à une administration forte. Depuis cette époque, force est de constater que l’institution n’a pas beaucoup changée, dans son principe. Il existe aujourd’hui un préfet par département. Le préfet de Région est le préfet du département dans lequel se situe le chef lieu de la région. Il a autorité sur les préfets de département.
Au titre de l’article 72 de la Constitution, le préfet est « le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement ». Il a « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Face à l’épidémie de Covid-19, le préfet est une institution clef de voûte de l’action de l’Etat dans les départements.
Premièrement, il est chargé de la mise en œuvre des mesures décidées par le gouvernement. Pour l’aider dans sa tache, le préfet a sous son autorité tous les services déconcentrés de l’Etat. A titre d’exemple, la Direction départementale de la Sécurité publique (DDSP) rassemble les effectifs de la police nationale et met en œuvre les contrôles des attestations dérogatoires de sortie, mises en place depuis le début du confinement. L’unité Départementale de la Direccte met en œuvre les directives des ministères du Travail et de l’Economie relatives à la politique de l’emploi pendant la période d’urgence sanitaire. Le préfet est donc la «courroie de transmission» des directives gouvernementales. Il met en œuvre et coordonne tous ces services de l’État.
Ajoutons que le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 créer un «droit de dérogation» pour les préfets. Issu d’une précédente expérimentation, ce décret leur permet de déroger aux normes réglementaires, lorsqu’ils prennent des décisions individuelles. Ces dérogations peuvent intervenir dans de très nombreux domaines. Toutefois, elles doivent :
– être justifiées par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
– avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
– et être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France.
L’arrêté portant décision individuelle qui déroge à la réglementation nationale devra être publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. En outre, il devra être spécialement motivé au regard des conditions précitées.
Moduler les interdictions
Deuxièmement, le préfet est détenteur du pouvoir de police administrative. A ce titre, et afin de protéger la santé publique, il peut, lorsque les circonstances locales l’exigent, limiter les libertés publiques comme la liberté de circulation, la liberté de réunion ou la liberté de commerce et d’industrie. Dans cette période de confinement, on a ainsi vu certains préfets prendre des arrêtés visant à interdire ou limiter les locations de logements à l’approche du week-end de pâques. Également, le préfet de l’Aisne interdire la consommation d’alcool dans le département pour prévenir les violences intrafamiliales, ou encore, celui de Guyane imposer un confinement strict (sans dérogation) dans un quartier considéré comme «foyer épidémique» du virus.
La justification de ce pouvoir est fort simple : les réalités géographiques, sociologiques ou économiques sont bien différentes d’un département à l’autre. Il est ainsi nécessaire de « moduler » les interdictions en fonction de ces réalités.
On raconte que lorsqu’il reçu les premiers préfets avant leur affectation en 1800, Napoléon Bonaparte leur aurait déclaré : « Faites que la France date son bonheur de l’établissement des préfets ». 220 ans plus tard, il est difficile de l’affirmer ! Toutefois, cette crise sanitaire révèle le rôle central des préfets… dans un État toujours aussi centralisateur.
A noter
Les Agences régionales de santé, qui ont pour mission principale de mettre en œuvre au niveau régional la politique de santé définie par le gouvernement, sont des établissements publics administratifs. Ils sont placés sous la tutelle directe du ministre de la Santé et non pas des préfets de Région. De même, les hôpitaux publics dont les statuts peuvent être divers, sont aussi des établissements publics administratifs. Ils sont dirigés par un directeur, nommé par le ministre de la Santé. Les hôpitaux publics ne sont liés qu’à l’ARS et au ministère de la Santé.
Nicolas TAQUET, juriste