Les plans d’aide sectoriels à la peine face à la crise
Pour venir en aide aux secteurs les plus touchés par le confinement, le gouvernement multiplie les mesures financières, ce qui donne le sentiment de parer au plus pressé, sans vision globale…
A la mi-juin, le gouvernement français en est déjà à son troisième projet de loi de Finances rectificative (PLFR) en trois mois. Il s’agit, à chaque fois, de débloquer des fonds pour venir en aide aux secteurs sinistrés par le confinement : aéronautique, automobile, édition, bâtiment, tourisme, hôtellerie-restauration… Mais ces plans, pour indispensables qu’ils soient, se révèlent d’ores et déjà d’un montant trop faible face à l’ampleur de la crise économique qui succède à la crise sanitaire. Quant au plan de relance global de l’économie, il se laisse désirer et devrait être présenté à la fin de l’été. Et au niveau européen, le plan de relance de 750 milliards d’euros laisse toujours planer de nombreuses zones d’ombre…
Des aides sectorielles après les mesures d’urgence
Après près de deux mois de confinement strict, l’activité et la consommation des ménages ont reculé d’environ 35 % en France. Pour éviter un désastre économique, le gouvernement fut alors contraint d’annoncer des mesures d’urgence en faveur des entreprises : délais pour les échéances sociales et fiscales, report du paiement des loyers et factures, fonds de solidarité, prêt garanti par l’État, rééchelonnement des crédits bancaires, plan de soutien aux entreprises françaises exportatrices…La plus médiatisée fut à l’évidence le chômage partiel, qui aura concerné plus de 10 millions de salariés fin avril !
En outre, le gouvernement a détaillé des plans d’aide sectoriels, qui laissent la fâcheuse impression de parer au plus pressé, sans vision globale. Ainsi, le 14 mai, le Premier ministre, Edouard Philippe, annonçait une aide au secteur du tourisme, au sens large, à hauteur de 18 milliards d’euros, composée essentiellement d’un prolongement du chômage partiel jusqu’en septembre 2020 et du fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année, d’exonération de cotisations sociales pour les TPE et les PME, et d’annulation des loyers et redevances d’occupation du domaine public. Le 26 mai, le président de la République lui-même annonçait un plan de soutien de 8 milliards d’euros à la filière automobile, qui a connu une baisse moyenne d’activité de plus 80 %, afin de rendre l’industrie plus compétitive et décarbonée. Le 5 juin, le gouvernement détaillait un plan de soutien aux entreprises technologiques, constitué d’un fonds pour soutenir les entreprises développant des technologies d’avenir souveraines, de prêts et d’aides, afin d’accompagner le lancement et le développement de ces entreprises. Quatre jours plus tard, il présentait celui destiné à la filière aéronautique, afin de rendre la flotte aérienne plus écologique, consolider la filière et renforcer ses investissements, dans le but d’améliorer sa compétitivité. Et le 10 juin, il avançait des mesures de soutien au BTP et aux acteurs de la filière du livre.
Les prêts garantis par l’État
Le 16 mars dernier, le président de la République affirmait que l’État garantirait 300 milliards d’euros de prêts aux entreprises, afin de soulager leur trésorerie impactée par l’épidémie. Dès lors, jusqu’au 31 décembre prochain, toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur forme juridique, pourront demander à leur banque un prêt garanti par l’État (PGE) pour soutenir leur trésorerie à hauteur maximum de trois mois de chiffre d’affaires, ou deux années de masse salariale pour les entreprises nouvelles ou innovantes. Les conditions de remboursement seront très souples, avec un moratoire total la première année et la possibilité d’un amortissement allongé.
Hélas, toutes ces mesures de soutien ne sont souvent qu’un cautère sur une jambe de bois et, en tout état de cause, ne satisfont que partiellement les professionnels de ces secteurs. En effet, s’il est indispensable de soutenir l’offre, la crise économique qui s’annonce frappera aussi de plein fouet la demande, en raison du chômage et de la perte de pouvoir d’achat. Les montants engagés seront donc, de toute évidence, insuffisants si la demande décroche, d’autant que l’activité économique avait ralenti en France dès le second semestre de l’année 2018, comme au sein de l’ensemble de la zone euro du reste.
Le pire serait de se retrouver, dans quelques mois, avec des entreprises toujours aussi mal en point qu’avant la crise, mais surendettées, ce que les économistes appellent des «entreprises zombies». Autrement dit, il faudrait que ces mesures de trésorerie — insuffisantes, si elles ne sont pas complétées par un soutien en fonds propres — concernent en priorité des secteurs porteurs et en phase avec les contraintes environnementales, où se développerons les gains de productivité et les emplois de demain.
Raphaël DIDIER