Les petites villes affichent des ambitions nouvelles
Propulsées sur le devant de la scène par le rééquilibrage territorial boosté par la pandémie, les petites villes demandent à ce que leur voix et leurs besoins – médicaux, notamment - soient mieux pris en compte. Dans le cadre des élections présidentielles, l'APVF, Association des petites villes de France, a présenté son « Manifeste ».
« Nous souhaitons que le prochain quinquennat soit l'occasion de retrouvailles entre collectivités locales et État », a déclaré Christophe Bouillon, président de l'APVF, Association des petites villes de France, le 1er mars dernier, à Paris, lors d'une conférence de presse. C'était à l'occasion de la présentation du « Manifeste » de l'association, laquelle regroupe 1 200 villes de 2 500 à 25 000 habitants. En France, ces communes concentrent environ 40% de la population (2020).
Dans le cadre des élections présidentielles, l'APVF a exprimé des propositions pour améliorer le sort de ces territoires qui, à plusieurs titres, connaissent un moment singulier de leur histoire. Leur population augmente, fruit d'une attractivité accrue aux yeux des Français, encore accentuée par la pandémie. Pour autant, ces villes connaissent des difficultés structurelles importantes, à commencer par le manque de médecins. Autre particularité, elles hébergent une partie importante de l'industrie, enjeu majeur actuel. Sur cette base, l'APVF émet des propositions sur quatre thèmes majeurs : l'amélioration de la vie dans ces villes, le renforcement de leur attractivité, la réussite de leur transition écologique et les moyens nécessaires pour mener à bien l'ensemble de ces projets.
Tout d'abord, « nos communes sont très attractives », constate Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage (Drôme) et vice-présidente de l'APVF. Depuis 2013 déjà, leur population augmente. Et d'après l'association, en octobre dernier, les deux tiers des Français habitant dans un autre territoire déclaraient qu'ils pourraient s'installer dans une petite ville. Mais ils pourraient déchanter... En effet, ces villes connaissent des difficultés dans plusieurs domaines, et notamment, celui du logement, de l’accueil des personnes âgées et de l'offre de soins. « Le mieux vivre dans nos communes passe par l'accès aux médecins, la prise en compte du vieillissement et un accompagnement fort sur la réhabilitation des logements », synthétise Nathalie Nieson. A ce titre, l'APVF préconise une série de mesures, à commencer par la régulation de l'installation des médecins libéraux, avec la mise en place temporaire d'un conventionnement sélectif. Objectif : au moins un médecin pour 1 000 habitants. Côté logement, elle propose d'inciter à la réhabilitation, de favoriser la mixité sociale et aussi, d'adapter les logements au vieillissement, en privilégiant, par exemple, l'habitat inclusif.
Sur le sujet des aînés, l'association demande également l'amplification du volet « bien vieillir » du programme gouvernemental « Petites villes de demain ». Autre thème développé par l'APVF, celui de l'attractivité de ces territoires, à rebours d'une politique publique jugée, depuis longtemps, focalisée sur les métropoles. Même si, reconnaît l'association, le programme « Petites villes de demain », lancé en 2020, constitue un « levier très important », selon les termes de Christophe Bouillon. A ce titre, l'APVF réclame une amélioration du dispositif avec une approche pluriannuelle des financements et un prolongement du programme au delà de 2026, l'échéance actuellement prévue.
Des trains, de la formation et une gouvernance locale...
L'enjeu de la réindustrialisation, propulsé au cœur des débats publics depuis la pandémie, a ajouté une nouvelle dimension au sujet de l’attractivité de ces territoires. En effet, « 70% de l' emploi industriel se situe dans les villes de moins de 20 000 habitants. Nous sommes le cœur battant de l'appareil productif français », argumente Laurence Porte, maire de Montbard (Côte-d’Or) et membre du bureau de l'APVF. L'association propose donc des mesures destinées à favoriser le développement économique, comme le fait de faire coïncider la carte de la production et celle de la formation professionnelle. Et plus largement, l'APVF en appelle à une politique d'aménagement du territoire volontariste, qui permette de « résorber les fractures ». Par exemple, un fonds national de solidarité territoriale, abondé par l’État et les métropoles, en fonction de leur richesse, pourrait soutenir les petites et moyennes villes.
Autre thème majeur : l'APVF fait de l'écologie l'un des axes centraux de ses propositions. « Si l'on veut réussir la transition, elle doit être territorialisée », pointe Christophe Bouillon. A ce titre, pour l'association, l'échelon local devrait être mieux intégré dans la gouvernance de ces enjeux. Par ailleurs, victimes des dérèglements climatiques, les petites villes sont également partie de la solution, à condition d'y mettre les moyens... D'après l'APVF, au sein des quatre domaines concernés (agriculture,industrie, transport et logement), les deux derniers nécessitent des actions fortes. L'association propose une série de mesures conçues pour concilier les impératifs de l'écologie, du développement économique et du pouvoir d'achat des citoyens. A commencer par un plan « ambitieux et concerté d'investissement dans le ferroviaire, et notamment dans les petites lignes ». Elle préconise aussi une amélioration de la politique de soutien à l'éradication des passoires thermiques, y compris publiques. « Beaucoup de communes se sont lancées dans des diagnostics thermiques de leurs bâtiments. Mais nombre d'entre elles commencent à déchanter. On s'aperçoit que les travaux sont chers et que les aides arrivent trop tard », alerte Christophe Bouillon.
Le dernier train de propositions de l'association porte sur les moyens dont devraient disposer les petites villes, sur le plan financier et de la gouvernance. Avec d'autres représentants de collectivités en France (régions, notamment), l'APVF pose un diagnostic de « recentralisation rampante », durant le quinquennat écoulé. Il faut « retrouver un véritable esprit de décentralisation », plaide Loïc Hervé, sénateur de Haute-Savoie et président délégué de l'association. Laquelle en appelle à une nouvelle loi de décentralisation, des relations financières entre l'Etat et les collectivités plus équilibrées et responsables, ainsi que la revalorisation de la fonction de maire. L' APVF propose aussi des mesures techniques ponctuelles, à l'image du transfert des déclarations d'utilité publique (DUP) des projets publics locaux et des autorisations environnementales au bloc local.