Les petites entreprises sont-elles des acheteuses responsables ?
Les petites entreprises s’intéressent à la démarche des achats responsables. Certaines commencent à cartographier et évaluer leurs propres fournisseurs, d’après une étude commandité par le Médiateur des entreprises.
L’enjeu n’est pas réservé aux multinationales, tenues de s’assurer que leurs fournisseurs de l’autre bout du monde ne font pas travailler des enfants… Près de 40 % des PME s’intéressent aux problématiques de l’achat responsable, d’après le récent «Baromètre TPE/PME d’auto-évaluation au Label Relations fournisseurs et achats responsables», publié par le Médiateur des entreprises et Provigis, spécialiste de la numérisation de la relation client/fournisseur. Le 15 septembre, à Paris, Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, et Rémi Lentheric, directeur de Provigis, présentaient les résultats de l’étude, réalisée juste avant le début de la crise sanitaire.
«Très bonne surprise», pour Pierre Pelouzet, 39% des répondants ont déclaré être intéressés par le label Relations fournisseurs et achats responsables, qui distingue les entreprises «ayant fait la preuve de relations durables et équilibrées avec leurs fournisseurs». Le label a été créé en 2012, dans le prolongement de la charte Relations fournisseurs responsables. Ces dispositifs s’inscrivent dans la stratégie du Médiateur des entreprises, qui encourage les entreprises à adopter des comportements plus collaboratifs entre elles. Pour l’essentiel, les 51 entreprises actuellement labellisées sont de grande taille, comme Allianz France, EDF ou Orange. Mais à présent, ce sont les PME et TPE que le Médiateur souhaite sensibiliser à la démarche. Et le terrain semble plutôt propice. D’après le baromètre, près des deux tiers des TPE et PME considèrent les achats responsables comme des valeurs communes à partager avec leur écosystème. Le score est nettement supérieur chez les PME (71%) que pour les TPE (63%). A l’autre extrême, 3% seulement des PME n’identifient pas cette démarche, et 5% des TPE. On peut voir dans ces chiffres la diffusion des exigences posées par la politique d’achat de grands groupes auprès de leur fournisseurs, d’après Rémi Lentheric.
Mais qu’est-ce qu’un achat responsable ? En la matière, PME et TPE ne désignent pas toujours les mêmes priorités. Néanmoins, pour les deux, c’est le respect des délais de paiement qui arrive en tête, pour 56% des PME et 63% des TPE. Ces dernières sont particulièrement sensibles à l’équilibre des dispositions contractuelles dans la relation client/ fournisseur : 59% d’entre elles le juge prioritaire, contre contre 29% seulement des PME. «Une PME qui dispose d’un conseiller juridique dans l’entreprise se sentira mieux armée pour discuter un contrat avec un client important», note Pierre Pelouzet. A contrario, les deux catégories d’entreprises placent sur le même niveau l’importance de la lutte contre la corruption, (37% environ) et l’intégration de critères de sélection liés à la proximité géographique (32%).
Les trois quart des PME cartographient des fournisseurs
Autre sujet exploré par le sondage, le niveau de sophistication des dispositifs mis en œuvre par les PME et les TPE en matière de promotion des achats responsables et de suivi des fournisseurs. «La situation est assez hétérogène», constate Rémi Lentheric. PME et TPE apportent des réponses différentes, avec des démarches plus ou moins abouties. Celles-ci vont de la mise en place d’une cartographie des fournisseurs, à leur suivi et leur évaluation effective, et jusqu’à l’adoption d’une politique qui tient compte de ces résultats. Mais déjà, d’un point de vue organisationnel, PME et TPE abordent le sujet de manière diverse. Chez 35% des PME, la direction générale est sponsor de la démarche, contre 29% chez les secondes. Spécificité, 13% des PME ont constitué un groupe de travail, une pratique ultra-minoritaire chez les TPE.
Au niveau des outils opérationnels mis en place, 74% des PME et 61% des TPE disposent déjà d’une «forme de cartographie minimale», note Rémi Lentheric. Il peut s’agir d’un référentiel à jour de la totalité des fournisseurs, ou simplement de ceux actifs, ou encore stratégiques. Seulement 13% des PME ne disposent d’aucun référentiel (et 26% des TPE). La démarche d’évaluation et de suivi des fournisseurs proprement dite est plus rare : 68% des PME l’ont adoptée pour tout ou partie de leurs fournisseurs, contre la moitié des TPE. Seule une minorité des entreprises réalise celle-ci de manière exhaustive (26% des PME et 8% des TPE). A contrario, le nombre de petites entreprises qui ne s’adonnent pas du tout à l’évaluation s’avère important : c’est le cas de 46% des TPE et de 24% des PME. Reste que le nombre potentiellement limité de fournisseurs d’une TPE peut rendre «disproportionné» la mise en place d’un tel dispositif, note Françoise Odolant, responsable du pôle «acheteurs, charte et label» à la Médiation des entreprises. Parmi ces entreprises qui ont mis en place une démarche de suivi de leurs fournisseurs, 48% des PME et 33% des TPE ont communiqué pour informer fournisseurs et opérationnels. «Il existe un manque de maturité pour aller jusqu’à ce niveau de maîtrise de cet atout», analyse Rémi Lentheric.
Dernier point, enfin, celui de l’usage fait de l’évaluation des fournisseurs. Il demeure plutôt limité, puisque 44% des TPE n’en font aucune utilisation, et 26% des PME. Lorsque les entreprises tiennent compte de ces informations, c’est principalement comme critère de sélection dans le référencement de leurs fournisseurs. Et si ‘évaluation d’un fournisseur est jugée insuffisante, l’entreprise n’en tire pas forcément de décision d’action : 31% des PME n’ont pas édicté de règle particulière pour cette circonstance, ou «ne sait pas», un score qui grimpe à 34% chez les TPE. Toutefois, une évaluation insuffisante devient un motif potentiel d’interruption des relations commerciales pour 27% des PME et 29% des TPE.
Anne DAUBREE