Emploi : les personnes en situation de handicap inquiètes de l’avenir
A l’occasion de la 26e édition de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), du 14 au 20 novembre, dédiée cette année à la thématique du plein emploi, l’Agefiph, acteur emploi et handicap, s’est interrogé sur la perception des Français sur le handicap et des personnes en situation de handicap sur leur situation professionnelle. Revue des principaux enseignements de cette enquête, menée par l’Ifop.
L’enquête de l’Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph)* révèle « un fort niveau d’inquiétude pour les prochains mois des personnes en situation de handicap » (PSH), relève Frédéric Dabi. Son principal enseignement ? La grande vulnérabilité ressentie vis-à-vis de leur situation professionnelle. Une crainte que le directeur général de l'Ifop qualifie de « protéiforme », concernant à la fois les réformes à venir et leur propre emploi.
Ainsi, 87% des PSH se disent inquiètes des réformes à venir (retraite, assurance chômage), « craignant de perdre leurs acquis sociaux », ou font état d’appréhensions plus individuelles, comme celle d’être en difficulté du fait de la situation économique (86%) ou de leur état de santé (72%), ou encore de voir leurs conditions de travail se dégrader (68%). Ainsi, deux tiers redoutent de perdre leur emploi ou de ne pas en trouver. « C’est un public qui est plus fragilisé », commente Frédéric Dabi. Dans un contexte inédit de retour de l’inflation, la plus grande préoccupation des Français comme des PSH reste le pouvoir d’achat. De manière générale, ces dernières ont une plus grande sensibilité et appétence pour tous les sujets liés à aux inégalités sociales (32% vs 20%), aux discriminations (18% vs 7%) et à la question du chômage (19% vs 10%), tandis qu’elles s’intéressent moins aux enjeux régaliens ou aux enjeux de société.
60% des recruteurs pensent embaucher des personnes en situation de handicap
Un pessimisme qui se lit aussi à travers la réponse à l’atteinte possible du plein emploi à l'horizon 2027. La majorité des PSH (76%) répondent par la négative, tandis que seulement 65% du grand public et des recruteurs pensent la même chose. Sur la question du plein emploi pour les PSH en particulier, le chiffre dégringole, avec seulement 18% estimant que c’est possible pour elles à horizon 2027 et 23% du grand public.
De manière générale, 70% des PSH estiment d’ailleurs que la société actuelle ne se donne pas suffisamment les moyens de les intégrer dans la société (soit 21 points de plus que le grand public). Néanmoins, avec le contexte particulier sur le marché de l’emploi, 60 % pensent que les difficultés de recrutement vont pousser les entreprises à se tourner vers elles. 35% des PSH demandeurs d’emploi se déclarent ainsi « optimistes » quant à la possibilité de trouver ou retrouver un emploi dans les trois prochains mois. Soit, même si « le pessimisme reste majoritaire, une hausse de 7% par rapport à avril 2021 en lien avec la situation de l’emploi », souligne Frédéric Dabi.
Idem côté recruteurs, avec 64 % d’entre eux qui pensent que les difficultés de recrutement vont pousser les entreprises à se tourner vers les PSH, dont 30% « très certainement », à condition d’être accompagnées. Ce qu’a confirmé le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, affirmant que « les entreprises se tournaient dorénavant vers des publics qu’elles n’envisageaient pas auparavant, par appréhension ou par facilité, donnant la priorité à des personnes qui ne nécessitaient pas d’accompagnement ». Pour le ministre, il s’agit plus d’une « appréhension de ne pas savoir faire que d’une discrimination, ce qui nécessite d’inciter les entreprises et de communiquer ». Un effort d’accompagnement qui sera nécessairement « parfois plus coûteux », avec « un coût marginal de la personne accompagnée à l’emploi qui va augmenter ». En ce sens, le ministre a annoncé que « le chantier France Travail et les réflexions dans la perspective de la Conférence nationale du Handicap du printemps 2023 permettront d’aboutir à la proposition de mesures nouvelles pour favoriser l’accès et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap ».
De l’incitation fiscale à la sanction
Interrogées sur les mesures prioritaires pour atteindre le plein emploi des personnes en situation de handicap, les recruteurs mettent justement en avant la formation des managers et des collaborateurs dans les entreprises à l’accueil de ces personnes (31%), le renforcement des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi et dans l’emploi, ainsi que la mise en place d’incitations fiscales ou de primes à l’embauche (34%) pour encourager les entreprises à les recruter. De leur côté, les PSH privilégient des outils plus punitifs, comme le renforcement des « sanctions » contre les entreprises qui ne respectent pas l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (29%). Et, comme les RH, avancent la formation des managers et collaborateurs. Le principal facteur qui pourrait inciter les recruteurs à embaucher une PSH restant néanmoins « l’accès à des profils correspondant davantage à leurs besoins », pour la moitié d’entre eux. Le versement d’une prime à l’embauche n’étant cité que de manière très marginale (7%).
Les principaux freins perçus par les PSH lors de la recherche d'emploi sont directement liés à leur situation personnelle ou à leur handicap : 56% indiquent ainsi que leur handicap limite fortement le nombre de postes qu’elles peuvent occuper, un quart qu’elles n’ont pas suffisamment d’expérience professionnelle et un autre quart qu’elles ne sont pas suffisamment diplômées. Les PSH en poste, semblent globalement satisfaites de leur situation professionnelle et seraient ainsi moins enclines à changer de poste ou à démissionner que la population générale et plus nombreuses à se déclarer satisfaites de leur activité professionnelle actuelle (74% vs. 72%). Ces salariés se disent davantage motivés (+ 8 points), même s’ils se déclarent « plus fatigués, plus inquiets et moins sereins » que l’ensemble des salariés interrogés. « Il semble qu’une fois les difficultés d’accès à un poste dépassées, les personnes en situation de handicap sont attachées à leur situation, épanouies dans l’exercice de leur métier et motivées », commente Frédéric Dabi.
* Enquête Ifop pour l’Agefiph « Le plein emploi des personnes en situation de handicap est-il possible ? » réalisée entre le 21 septembre et le 4 octobre 2022, auprès de 8 393 personnes en situation de handicap, 1 004 personnes, 1 002 salariés et 402 dirigeants responsables RH d’entreprises et recruteurs.
Charlotte DE SAINTIGNON