Les patrons de TPE n’ont pas confiance dans le gouvernement
Inquiets pour leur activité et la situation économique, les patrons de TPE ne font pas confiance à l’action du gouvernement. Dans la crise sociale liée à la réforme des retraites, ils vont jusqu’à soutenir l’action des grévistes. Une première historique, d’après le baromètre Fiducial des TPE.
Un jour, peut-être, dans les livres d’histoire, en parlera-t-on comme d’un signal d’un changement radical. Le 6 avril, Fiducial présentait son baromètre des TPE, lors d’une rencontre organisée par l’AJPME, Association des journalistes spécialisés dans les PME, à Paris. L’étude, une large enquête de conjoncture trimestrielle, a été réalisée par l'Ifop auprès de 1 001 dirigeants de TPE (moins de 20 salariés), entre le 27 février et le 15 mars 2023.
Parmi les sujets traités figure le regard que portent les patrons de TPE sur l’actualité liée à la réforme des retraites. La situation que révèle l’enquête s’avère « exceptionnelle », analyse Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’Ifop. En effet, la position des patrons de TPE s’aligne sur celle de la majorité des Français. Le fait est inédit par rapport aux précédentes crises sociales (hors celle des gilets jaunes) qui ont jeté des millions de manifestants dans la rue : en 1995, l’opposition au plan Juppé et en 2010, celle à la réforme des retraites d’Eric Woerth, alors ministre du Travail. Concernant cette dernière, les patrons de TPE étaient favorables à la réforme et critiques vis-à-vis des mouvements sociaux. La situation est aujourd’hui inverse : 62% des patrons de TPE n’approuvent pas la réforme des retraites du gouvernement d’Emmanuel Macron. Plus encore, parmi eux, 43% n’y sont pas favorables du tout. A rebours, à peine plus d’un dirigeant de TPE sur trois y est favorable. Fait exceptionnel, ce score est très proche de la mesure réalisée sur l’ensemble des Français mi-mars (32%) et d’à peine dix points supérieur à celui des salariés (25%).
Autre constat de l’étude, plus de la moitié des patrons de TPE soutiennent ou expriment de la sympathie pour le mouvement de grève. Là aussi, leur attitude est alignée avec celle des Français, qui sont 58 % dans ce cas. L’étude montre même que les petits patrons sont moins nombreux à être opposés ou hostiles (20%) aux grévistes que les Français dans leur ensemble (24% en janvier) !
Une méfiance toujours plus grande
Le regard des patrons de TPE sur la crise née de la réforme des retraites s’inscrit dans le cadre plus large d’une crise de confiance vis-à-vis des mesures économiques du gouvernement. « Les jugements deviennent de plus en plus radicaux », commente Frédéric Dabi. Le baromètre réalisé par l’Ifop montre que, sur le long terme, cette confiance suit traditionnellement une tendance assez constante : haute en début de mandat présidentiel, elle décline ensuite. Seule exception, François Hollande avait été jugé peu fiable dès son arrivée au pouvoir. Nicolas Sarkozy avait lui débuté son mandat avec 65 % de patrons de TPE confiants et Emmanuel Macron, 54 %. Son score actuel ? 34 % (ce qui reste plus élevé que celui record, de 12 % obtenu par François Hollande, en 2016).
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, de nombreux signes montrent la défiance des patrons de TPE. Ils sont 40 % à considérer que leurs préoccupations ne sont pas du tout prises en compte. Et près de la moité d’entre eux estiment que les mesures gouvernementales contre l’inflation auront un impact négatif pour leur entreprise. Dans ce contexte, les trois quarts des dirigeants de TPE affichent une vision sombre de la situation économique du pays, en augmentation de 29 points par rapport à 2017. « Ce pessimisme est écrasant, rarement vu », commente Frédéric Dabi. Et la situation ne devrait pas s’améliorer : les trois quarts des patrons anticipent un durcissement des contestations sociales actuelles et ils sont 65 % à redouter des répercussions négatives sur leur activité et sur l’économie. Plus globalement, toutefois, c’est l’inflation qui constitue leur premier sujet de préoccupation. Pour 72 % d’entre eux, les postes de dépenses qui ont le plus augmenté ces six derniers mois sont l’énergie, suivie des matières premières et fournitures (69%), des assurances (17%) et des salaires (16%).
Des perspectives d’embauche malgré tout
Coût économique attendu des manifestations, conséquences du ralentissement économique, inflation… les dirigeants de TPE s’inquiètent aussi pour leur propre activité montre l’étude : 52 % d’entre eux sont pessimistes et ce taux augmente à mesure que la taille de l’entreprise diminue, soit 58 % des patrons sans salariés. Par ailleurs, ceux des secteurs de l’action sociale, du commerce et des services aux particuliers sont également plus défaitistes que les autres. Néanmoins, sur le long terme, « l’optimisme est rarement majoritaire », tempère Frédéric Dabi. Par ailleurs, face à la crise, « les dirigeants des TPE ne restent pas inertes », ajoute-t-il. En ce qui concerne l’inflation, 66 % d’entre eux déclarent avoir répercuté la hausse de leurs coûts sur leurs clients. Cette tendance est particulièrement marquée pour les secteurs du BTP (84%), de l’hôtellerie (76%) et de l’industrie (74%).
Par ailleurs la plupart (68%) des patrons de TPE ont réduit leur dépenses, et la moitié, leurs investissements. En revanche, ils sont 7 % seulement à avoir supprimé des postes depuis le début de l'année, ou à envisager de le faire en 2023. « Nous constatons un décalage entre un climat extrêmement pessimiste et les perspectives d’embauche », pointe Frédéric Dabi. En effet, sur le premier trimestre 2023, 15 % des TPE ont embauché ou affirment vouloir recruter. Cela représente un différentiel positif de 8 points entre les embauches et les suppressions de postes. Au niveau des embauches, les TPE de l'hôtellerie (22%) et les services aux particuliers ( 19%) viennent en tête. A l’inverse, l’industrie et le BTP sont plus en retrait. Et par taille d’entreprise, ce sont surtout celles qui comptent plus de 10 salariés qui sont les plus motivées. Reste que, comme les autres entreprises, les TPE subissent les tensions du marché du travail. En moyenne, les postes vacants dans ces entreprises le sont depuis 4,4 mois. Et 44 % des employeurs ont ressenti des pressions plus importantes que l’année passée de la part de leurs salariés au sujet des augmentations de salaire.
Dernier constat de l’étude : 44 % des patrons de TPE déclarent rencontrer des difficultés financières. Parmi elles, une sur quatre n’exclut pas de devoir déposer le bilan ou arrêter son activité.
L’âge idéal de la retraite ? 62,4 ans !
A titre personnel, les dirigeants de TPE souhaiteraient partir « idéalement » à la retraite à 62,4 ans, en moyenne. Par ailleurs, 60 % d’entre eux ne connaissent pas le montant de la pension qu’ils toucheront.