Logement ancien 2022/2023
Les notaires constatent un ralentissement du marché immobilier
Alors que le nombre de transactions est resté très élevé, le bilan annuel immobilier des Notaires de France fait état d’une lente décrue du volume des ventes de logements anciens et de l’offre de biens à vendre, ces derniers mois. Le niveau des prix dans l’ancien est resté soutenu en 2022, pour les appartements, et encore plus pour les maisons.
Après presque deux années de fièvre immobilière, dont un pic historique en septembre 2021, les volumes de ventes « ont entamé une lente décrue, laissant présager une fin d’année légèrement sous la barre de 1,1 million de ventes, ce qui reste exceptionnellement haut », a expliqué Édouard Grimond, notaire à Lille et porte-parole du Conseil supérieur du notariat (CSN), lors de la présentation du bilan annuel immobilier 2022 à la presse, mi-décembre 2022.
Atterrissage après des années hors normes
Passées la crise financière de 2008 et celle de la dette de 2012, « le seuil des 850 000 ventes nous semblait à tous être le rythme de croisière du marché immobilier, mais il n’a cessé de croître depuis 2014, porté par les taux d’intérêt », a-t-il poursuivi. « L’atterrissage que nous connaissons aujourd’hui ne peut être que la conséquence d’années hors normes et d’une forme de retour à la normale d’un marché qui aura connu une fluidité extraordinaire. » Les notaires ont observé une décélération des ventes en septembre et octobre 2022, accompagnée de délais de vente plus longs, et une diminution de l’offre de biens à vendre et du nombre d’avant-contrats, qui sont autant de signes « d’un ralentissement un peu plus prononcé de l’activité immobilière dans les mois à venir ».
Un risque de blocage du marché lié à la difficulté à obtenir un prêt
Plusieurs facteurs contribuent au ralentissement actuel de l’activité immobilière en France : le contexte géopolitique et économique particulier de 2022, source « d’instabilité et d’incertitudes », la hausse de l’inflation « à un niveau inédit depuis 1985 », la hausse des prix de l’énergie « qui affecte le pouvoir d’achat des Français », mais aussi les recommandations contraignantes du Haut Conseil de stabilité financière sur les taux d’usure, qui « excluent un nombre grandissant de personnes du marché immobilier, et notamment les ménages modestes et les primo-accédants ». Les notaires constatent ainsi une nette augmentation du nombre des refus de prêts. Les possibilités d’obtenir un prêt immobilier se réduisent de plus en plus, « avec le risque réel d’entraîner un blocage du marché immobilier dans les prochains mois », a averti Édouard Grimond.
L’ancien résiste
Mais « les fondamentaux du marché immobilier de l’ancien » restent solides. Il est « alimenté par les utilisateurs, loin de toute bulle immobilière » et certains facteurs restent porteurs : les taux d’intérêt réels, qui « n’ont jamais été aussi bas depuis les années 1970, ce qui reste incitatif pour une partie des acquéreurs » et la garantie du taux fixe, « un garde-fou nécessaire » et « un point fort du marché immobilier français ». Sans oublier que « dans des temps incertains, la pierre demeure plus que jamais une valeur refuge ».
Un volume qui reste élevé, des niveaux de prix soutenus
En dépit de la décélération enregistrée ces derniers mois, le volume des ventes reste très élevé avec 1,13 millions de transactions réalisées en France au cours des 12 derniers mois. En ce qui concerne les appartements anciens, « l’Île-de-France résiste un peu mieux que le reste du territoire », a précisé Frédéric Violeau, notaire à Caen et chargé des statistiques immobilières nationales au sein du CSN. Le prix moyen des appartements a enregistré une hausse de 4% sur un an, soit un niveau soutenu, « avec un tassement en Île-de-France ». Celui des maisons anciennes a enregistré une forte hausse de 8,2% sur un an, « qui devrait se poursuivre en province et en Île-de-France ».
Au niveau des grandes villes, on constate un rattrapage du prix des appartements anciens en régions par rapport à Paris, avec des hausses, sur cinq ans, entre 2017 et 2022, de 59% à Rennes, 46% à Nantes, 43% à Lyon, 37% à Strasbourg, contre +19% à Paris. Après Paris, les villes dans lesquelles l’achat d’un appartement est actuellement le plus onéreux sont Lyon, Bordeaux et Nice. Concernant le prix des maisons anciennes, aucune baisse n’a été constatée dans aucune grande ville cette année, et les hausses les plus fortes ont été enregistrées à Nice, Marseille et Strasbourg. Et sur le littoral atlantique, « les prix demeurent hauts avec très peu de négociation » mais « la frénésie se calme un peu dans les communes rétro-littoral, où le marché se normalise », a ajouté Thierry Delesalle, notaire à Paris et président du dernier congrès des notaires.
La ruée des Parisiens s’est calmée, les étrangers sont de retour
La part des Franciliens parmi les acquéreurs de maisons anciennes en province s’est réduite en 2022. « Le mouvement se calme par rapport à 2021 et se concentre principalement dans les départements d’Île-de-France et limitrophes (Eure, Eure-et-Loir, Orne…) », a précisé Thierry Delesalle. En revanche, la part des étrangers, résidents et non-résidents, parmi les acquéreurs de maisons anciennes, a augmenté en 2022 : ils représentent 10% des acquéreurs de maisons anciennes en Île-de-France, 11% dans les Alpes-Maritimes, 10% en Haute-Savoie, 8% dans le Var, la Dordogne ou les Ardennes. « On peut dire que les étrangers sont revenus » sur le marché immobilier français.
Retour à « un équilibre plus classique »
Et fin 2022, « on retrouve à peu près tous les profils d’acquéreurs et de vendeurs, alors que ce n’était absolument pas le cas en 2020 et 2021, époque à laquelle certaines catégories étaient surreprésentées en raison de l’effet Covid », a conclu Thierry Delesalle. « Tous ces excès sont presque terminés, et on peut considérer aujourd’hui que l’on est revenu dans un équilibre plus classique » avec « un peu moins de tension sur les prix ». Ainsi, le marché qui était très « vendeurs » ces derniers temps est devenu très « acquéreurs ».
Dans les mois à venir, l’évolution du marché immobilier va dépendre de la facilité d’accès au crédit et du coût d’emprunt (et donc des taux de crédit rapportés au taux d’inflation), du pouvoir d’achat des Français, des coûts des travaux, de la confiance des ménages… Et donc de l’évolution du climat économique et géopolitique. S’il ne s’améliore pas, « les volumes de ventes vont continuer à baisser, avec des prix de plus en plus négociés et avec un attentisme comme on l’a vu en 2011 », a-t-il expliqué. Si la guerre en Ukraine venait à prendre fin, « le marché immobilier peut continuer à être vigoureux, parce qu’il y a encore beaucoup de Français qui ont envie de déménager ».
L’impact de l’étiquette énergie difficile à mesurer
Quel va être l’impact sur le marché immobilier ancien de l’entrée en vigueur progressive des dispositions de la loi Climat et Résilience relatives à la performance énergétique des logements ? Celles-ci prévoient, notamment, d’interdire la mise en location des logements consommant plus de 450 kWh/m2/an d'énergie finale, considérés comme indécents, à compter du 1er janvier 2023, puis ceux classés G à partir de 2025, ceux classés F en 2028.
Les notaires ont constaté cette année « une augmentation notable des ventes de biens de catégories F et G sur les derniers trimestres », a déclaré Frédéric Violeau, notaire à Caen et chargé des statistiques immobilières nationales au sein du CSN, et ces logements énergivores « représentent désormais 16% des transactions ». Mais l’impact reste difficile à mesurer, précisément en raison de la modification des règles de calcul de l’étiquette énergie, qui rend les comparaisons compliquées, et parce que « un logement performant énergétiquement a souvent été rénové de façon générale, ce qui le rend plus attractif », indépendamment de sa performance énergétique. Dans tous les cas, l’impact de l’étiquette énergie sera nécessairement « moins fort dans les zones tendues ».