« Les juges consulaires ont tous les moyens pour sauver les entreprises »
À l’occasion du congrès national des tribunaux de commerce, les 2 et 3 décembre à Nancy, la Conférence générale des juges consulaires de France présentera son nouveau Livret Prévention. Entretien avec Sonia Arrouas, présidente de l’institution.
Un Livret Prévention sera présenté à l’occasion de votre congrès national à Nancy, les 2 et 3 décembre. Quel est son objectif ?
C’est un nouvel outil
pour faire prendre conscience aux chefs d’entreprise de la
nécessité fondamentale de pousser la porte de nos tribunaux avant
qu’il ne soit trop tard. La prévention des difficultés des
entreprises est dans l’ADN des juges consulaires bénévoles que
nous sommes. À travers ce livret, que nous avons souhaité ludique
voire humoristique, nous espérons déclencher des démarches
spontanées de la part des dirigeants d’entreprises pour s’engager,
de leur propre chef, dans cette démarche de prévention.
En juin dernier, le gouvernement a mis en place un vaste plan de sortie de crise avec un important volet concernant cette prévention des difficultés des entreprises dont la création d’un mandat ad hoc simplifié. Des retours sont-ils déjà enregistrés ?
C’est encore trop tôt
pour en tirer de réelles conclusions ! Les différentes aides
étatiques mises en place au plus fort de la crise sanitaire, à
l’image des PGE (Prêts Garantis par l’État) ou encore les
reports de charges sociales et fiscales ont permis de maintenir à
flot bon nombre d’entreprises et d’éviter une situation
catastrophique. Les aides de l’État sont une chose mais derrière
s’il n’y a pas une gestion de la part des chefs d’entreprise
cela ne sert à rien. Il leur est nécessaire d’anticiper et les
mesures aujourd’hui mises en œuvre le permettent. Les juges
consulaires ont tous les moyens pour épauler et sauver les
entreprises.
Reste toujours à convaincre les chefs d’entreprise à franchir la porte des tribunaux d’une façon spontanée ?
C’est sur ce sujet que
nous nous mobilisons depuis de nombreuses années ! La
prévention des difficultés est un dispositif qui fonctionne. 80%
des procédures de prévention réussissent. À l’inverse, la même
proportion d’entreprises qui entrent en procédure collective
terminent en liquidation judiciaire. Dans le climat que nous
connaissons aujourd’hui, il existe une véritable fenêtre de tir
pour la prévention. Il n’est pas trop tard !
Après l’arrêt du «quoi qu’il en coûte» et la suspension progressive des aides étatiques, beaucoup d’observateurs annonçaient un véritable tsunami des défaillances d’entreprises. Cette vague de défaillances aura-t-elle lieu ?
Je ne crois pas au
tsunami des défaillances d’entreprises que certains annoncent !
Nous nous attendons à une remontée crescendo et progressive
notamment après l’échéance de l’élection présidentielle. Les
activités en matière de procédure collective reprennent à un
rythme très lent et nous ne sommes pas inquiets pour faire face à
une accélération prochaine de l’activité. Les juges consulaires
sauront faire face.
À l’occasion de votre congrès national, une table ronde à l’intitulé un brin provocateur : «Faut-il supprimer le Code de commerce ?» est annoncée. Pourquoi ce thème ?
C’est notamment pour
faire prendre conscience que l’image de la justice commerciale ne
se limite pas aux jugements rendus lors des procédures collectives.
L’objectif est de démontrer que les juges consulaires se bougent
et donnent de leur temps et de leur énergie sans compter. Il est
indispensable qu’ils soient réellement reconnus. C’est une vraie
réflexion de fond sur notre société.
Quels sont les principaux messages que vous allez faire passer face à vos pairs ?
La prévention, encore et
toujours mais également la nécessité de continuer à se former
(les juges consulaires bénéficient d’une formation obligatoire,
initiale et continue dispensée dans le cadre de l’École nationale
de la magistrature : NDLR). La déontologie est également
primordiale pour les juges dans la période actuelle.
Propos recueillis par
Emmanuel VARRIER