Les Français à la fois plus confiants en Internet et plus conscients des risques
Les résultats du dernier Baromètre de la confiance des Français dans le numérique font apparaître un constat assez paradoxal : ils font de plus en plus confiance à Internet alors qu’ils sont également de plus en plus lucides sur les risques auxquels ils s’exposent en ligne.
« 46% des Français interrogés déclarent avoir confiance en Internet, soit le niveau le haut enregistré depuis 2015, alors que les escroqueries en ligne sont perçues comme de plus en plus fréquentes par une large majorité des Français ». C’est, selon la directrice du département Corporate chez Harris Interactive, Delphine Martelli-Banégas, un des enseignements les plus remarquables de la 10e édition du Baromètre de la confiance des Français dans le numérique, réalisé par l’institut de sondage pour l’Association de l’économie du numérique (ACSEL).
Hausse concomitante des sentiments de confiance et d’insécurité
71% des personnes interrogées pensent que les escroqueries en ligne sont de plus en plus fréquentes, et 45 % ont déclaré en avoir été victimes. Les Français ont « le sentiment de n’être ni très formés ni très informés » et « se sentent de moins en moins bien protégés, quel que soit la nature des risques pris en compte », a-t-elle poursuivi, lors de la présentation des résultats du baromètre, le 17 février dernier au ministère de l’Économie. Or, en dépit de cette prise de conscience des risques encourus, « seule une minorité des personnes interrogées déclarent mettre en place des actions particulières pour se protéger ».
Paradoxalement, cette aggravation du sentiment d’insécurité s’accompagne d’une hausse de la confiance en Internet. Une situation qui peut être « portée par le développement d’usages qui procurent de réels bénéfices aux usagers », tels que l’e-banking, l’e-commerce et l’e-administratif, ou encore l’e-santé, qui enregistrent tous un fort développement. En revanche, les réseaux sociaux contribuent peu à cette hausse globale de la confiance en Internet, et l’usage des données de géolocalisation et de reconnaissance faciale à des fins commerciales font l’objet d’une forte défiance. L’identité numérique certifiée est un des principaux leviers de nature à accroître la confiance des internautes. Le recours au système d’identification et d’authentification FranceConnect est d’ailleurs en nette augmentation. Alors que ces outils sont relativement nouveaux, plus de la moitié des Français sondés les jugent déjà rassurants.
Les 15-24 ans, à l’avant-garde des usages numériques de demain ?
Une nouvelle tendance est également apparue dans la 10e édition du baromètre. « Ce qui est nouveau cette année, c’est l’évolution des comportements des jeunes, qui se détache de celui de l’ensemble de la population française », a expliqué Delphine Martelli-Banégas. Les évolutions du rapport au numérique chez les 15-24 ans préfigurent-ils les usages de demain ? Il est trop tôt pour le dire, mais « beaucoup de questionnements traversent cette génération, sur les modes de vie, les modes de consommation, les modes de travail… »
En ce qui concerne les usages numériques, les résultats du baromètre attestent d’un recul de l’e-commerce depuis la fin de la crise sanitaire. Un phénomène qui touche l’ensemble des Français, mais qui est nettement plus prononcé chez les jeunes. Ces derniers sont également plus méfiants que la moyenne sur la capacité des réseaux sociaux à protéger leurs données personnelles et à réguler les contenus en ligne – et ce, alors que c’est une génération qui a grandi avec les réseaux sociaux et les utilisent davantage que les autres.
Les 15-24 ans sont par ailleurs très moteurs en matière de nouveaux usages numériques, tels que l’achat et la vente sur les réseaux sociaux (42% des jeunes contre 31% de l’ensemble des Français), l’abonnement à des comptes d’influenceurs (70% vs 35%) et l’usage des cryptomonnaies (43% des jeunes sont prêts à investir en crypto et 44% à réaliser des paiements en crypto, contre 27% et 26% pour la moyenne des Français). Ils ont également une appétence plus forte pour le metaverse que leurs aînés (57% enclins à l’utiliser contre 35%) et pour les NFT (15% déclarent être prêts à les utiliser). Enfin, les moins de 35 ans ont davantage confiance en l’intelligence artificielle que la moyenne des Français (65% vs 54%).
L’écosystème français aujourd’hui « plus robuste et plus résilient »
Interrogé, à l’occasion de la présentation du baromètre, sur sa vision de l’écosystème du numérique en France, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, a rappelé que « 2022 a été une année de tous les records pour la French Tech » et que « la France est devenue le premier acteur de la Green Tech ». Et « même si les nuages d’incertitude s’accumulent dans le ciel de la tech », l’écosystème français est aujourd’hui « plus robuste et plus résilient », et il a d’ailleurs « mieux résisté en France qu’ailleurs » aux dernières crises. Les licornes françaises « nous ont aidé à relever le défi de la vaccination » et « nous aident à relever le défi climatique », et « j’aimerais que d’autres atteignent cette taille-là », d’autant plus que plusieurs des 29 licornes françaises sont installées en régions « où elles participent à la revitalisation de certains territoires ».
Formation, souveraineté, inclusion et cybersécurité : les grands défis du numérique
Un des premiers défis auxquels est confronté l’écosystème français du numérique est « la question des talents, la formation et l’aiguillage vers les métiers qui recrutent », a poursuivi le ministre, dont les services travaillent à la réalisation d’une cartographie des formations et des besoins des entreprises « pour identifier les besoins non pourvus ». Autre défi majeur : la souveraineté dans le numérique, une question qui s’est révélée cruciale dans un contexte de tensions géopolitiques.
La fracture numérique est également un des grands enjeux pour l’écosystème. En parallèle au déploiement de conseillers numériques France Services sur tout le territoire, le ministre s’apprête à démarrer « un tour de France de la fracture numérique » : « nous allons essayer d’élaborer une politique pour que tout le monde soit embarqué dans le monde numérique d’aujourd’hui ». Reste le défi de la cybersécurité. Sur ce terrain, le premier enjeu est « la prise de conscience collective des risques et l’adoption de règles d’hygiène numérique par tous ». Dès la rentrée prochaine, tous les élèves de 6e vont suivre un module de sensibilisation aux risques en ligne. Et le gouvernement travaille actuellement à un filtre anti-arnaques, un dispositif permettant d’identifier et de bloquer « les petites arnaques du quotidien ».
« Je ne suis pas une data », la campagne de l’UFC-Que choisir
L’association de défense des consommateurs l’UFC-Que choisir a lancé le 25 janvier une campagne de sensibilisation à la protection des données personnelles sur Internet. Celle-ci s’appuie sur le site www.jenesuispasunedata.fr qui explicite quels sont et comment fonctionnent les droits d’accès, de modification et de suppression de ses données, ainsi que le droit obtenir des informations sur l’utilisation de ses données. Via cette plateforme, l’association cherche à sensibiliser les internautes au très grand nombre de traces numériques qu’ils laissent sur Internet et fournit des conseils pour « reprendre la main » et tenter d’en réduire la quantité. Parmi les solutions proposées figure un outil permettant de récupérer et d’analyser les fichiers comprenant ses données collectées par les principaux réseaux sociaux et plateformes de services (Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn, Uber, Takeout, Tinder, TikTok, Netflix…).