Conjoncture

Les consommateurs invités à contribuer à la croissance

Dans un contexte politique agité, l’Insee a publié, le 9 juillet, sa note de conjoncture pour le trimestre à venir. Alors que le taux d’épargne reste élevé, la consommation ne demande que quelques signes de confiance pour être relancée. L’effet JO demeure limité et temporaire.

Olivier RAZEMON pour DSI  Sur un marché lillois  Au ralenti depuis six mois, la consommation  des ménages « accélérerait d’ici la fin de l’année, portée par l’amélioration du pouvoir d’achat », selon l’Insee.
Olivier RAZEMON pour DSI Sur un marché lillois Au ralenti depuis six mois, la consommation des ménages « accélérerait d’ici la fin de l’année, portée par l’amélioration du pouvoir d’achat », selon l’Insee.

Evidemment, il y a un aléa. Gros comme un éléphant au milieu de la pièce. L’Insee a l’habitude de soumettre ses prévisions économiques aux incertitudes économiques, politiques, voire climatiques. La note de conjoncture publiée le 9 juillet ne fait pas exception. Et l’aléa, on s’en doute, porte sur « la situation politique en France ». Les conjoncturistes ont certes eu le temps, avant la publication, de prendre connaissance des résultats des élections législatives, le dimanche 7 juillet. Mais s’ils savent que ce n’est pas l’extrême droite qui gouvernera, ils ignorent, et pour cause, l’orientation précise du prochain gouvernement. « Outre la politique budgétaire », différente si c’est la gauche, le centre ou la droite qui domine, « le contexte politique nouveau est susceptible de modifier les comportements », assure l’Insee, qui en est réduit à s’aventurer sur le terrain psychologique. Pour les ménages, « les précédents épisodes électoraux majeurs se sont souvent traduits par une hausse, temporaire, de l’optimisme », indiquent prudemment les conjoncturistes. Du côté des entreprises, en revanche « une hausse de l’incertitude est susceptible de générer une forme d’attentisme, en particulier sur les décisions d’investissement ».

Ceci mis à part, « la zone euro sort de l’ornière ». L’activité est certes demeurée « étale » en 2023, à 0,6% de croissance, mais s’est reprise début 2024, grâce au commerce extérieur plus qu’à la demande des consommateurs. En France, le climat des affaires, calculé par des sondages auprès de dirigeants économiques, « se maintient un peu en deçà de sa moyenne de longue période ». Et l’inflation, sujet de préoccupation majeur, recule désormais. Elle s’établit à 2,1% en juin, contre 4,5% l’an dernier, à la même date. En outre, « la composition de l’inflation a beaucoup changé », relève l’Insee. Les prix des produits alimentaires et manufacturés se stabilisent, mais la hausse des prix résulte maintenant des services. « Dans ce secteur, les entreprises répercutent à leurs clients la hausse passée de leurs coûts salariaux », précise la note. Toutefois, « les hausses restent modérées » et, c’est essentiel pour l’Insee, elles n’alimentent pas l’inflation en retour, ce que les économistes appellent « une boucle prix-salaires ».

L’épargne à un niveau élevé

Dans cet environnement stabilisé, les ménages devraient maintenir leurs revenus. Outre la progression modeste des salaires, les conjoncturistes rappellent « la revalorisation des prestations » en début d’année, mais aussi « des revenus de la propriété encore dynamiques ». Tout ceci devrait bénéficier au pouvoir d’achat, qui « augmenterait de 0,9 % en 2024, après 0,3 % en 2023 et une baisse de 0,3 % en 2022 ». L’Insee en déduit une faible progression de la consommation, qu’il imagine en accélération d’ici la fin de l’année. Mais, signe que les consommateurs se méfient toujours, « le taux d’épargne se stabiliserait à un niveau élevé en fin d’année, environ deux à trois points au-dessus de celui observé en 2019 » (à 17,1%). Une variation somme toute mesurée, compte tenu des événements qui ont bousculé les perspectives des épargnants depuis cinq ans : pandémie, invasion de l’Ukraine, attaques du Hamas, guerre à Gaza, sans même compter la récente séquence électorale.

Les autres indicateurs de l’économie naviguent également entre reprise et attentisme. En 2024, le commerce extérieur devrait apporter « une contribution positive », notamment en raison des « livraisons aéronautiques et navales ». L’investissement, en revanche, « s’est nettement replié depuis fin 2023 ». Le durcissement des conditions de financement pèse sur les investissements des entreprises. Leurs marges, certes « plus élevées qu’en 2019 », sont « absorbées par la hausse des frais financiers ». L’Insee ne manque pas de relever « la volatilité sur les marchés financiers depuis le 9 juin », date de la dissolution surprise. Quant aux ménages, ils exprimaient au printemps « des intentions d’achat de logement » interprété par l’Insee comme un frémissement de reprise.

Sur le front de l’emploi, les conjoncturistes parient pour 2024 sur 185 000 embauches supplémentaires, « un rythme proche de celui de l’an passé ». Cela reste toutefois inférieur à la progression de la population active, 230 000 personnes de plus. Le taux de chômage, à 7,5% au début de l’année, « augmenterait un peu, à 7,6% » d’ici décembre.

C’est dans ce contexte agité que se déroulent les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris. L’Insee consacre une note spécifique à l’« effet JOP » sur la croissance, estimé à 0,3%. Il a été prouvé que les grands événements collectifs stimulent l’activité. « En amont, les dépenses d’investissement bénéficient au secteur de la construction ; durant la compétition, l’affluence de visiteurs engendre une augmentation de la demande dans les secteurs des services, notamment ceux liés au tourisme », rappellent les conjoncturistes. En 2012, alors que Londres accueillait les Jeux olympiques, « le Royaume-Uni avait connu au troisième trimestre une croissance du PIB de 1% », auxquels les Jeux « auraient contribué à hauteur de 0,2 à 0,4 point selon les sources disponibles », précise l’Insee.

En France, il n’y a plus grand-chose à attendre de la construction des infrastructures : elle s’est terminée au printemps, et la candidature de Paris s’était engagée à privilégier l’usage de bâtiments existants. En revanche, « la vente des billets et des droits de diffusion audiovisuelle soutiendrait la croissance à hauteur de 0,25 point au troisième trimestre 2024 », indique la note de l’institut de statistique. Mais gare au revers : « Ce soutien serait ponctuel et disparaîtrait en fin d’année, entraînant un net coup de frein de l’activité au quatrième trimestre ». A ce moment-là, l’aléa portant sur la situation politique sera peut-être levé...