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Les cadres accros au télétravail

Une nouvelle étude, dévoilée par l'Apec le 12 mars, confirme de nouveau l'importance du télétravail pour les cadres. Alors que depuis quelques mois, de plus en plus d’entreprises semblent vouloir le remettre en cause et contraignent leurs salariés à revenir au bureau, l’étude démontre que le travail à distance devient un réel levier de rétention des talents.

© Adobe Stock
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Un cadre sur deux (45%) envisagerait de démissionner en cas de suppression du télétravail. Une proportion qui monte à 57 % chez les moins de 35 ans. Le télétravail régulier est « désormais bien installé dans l'organisation du travail des cadres », selon une étude de l'Association pour l’emploi des cadres (Apec), réalisée auprès de quelque 3 000 cadres. « Les cadres ne feront plus marche arrière ! », affirme ainsi le président du Conseil d’administration de l’Apec, Pierre Damiani, dans un post publié sur LinkedIn. Quatre ans après la crise sanitaire, le travail hybride est devenu la norme pour la plupart des entreprises : 67 % des cadres travaillent au moins un jour par semaine à distance, dont un quart plus de deux jours par semaine. En termes de fréquence, un cadre sur deux souhaiterait augmenter son quota hebdomadaire de jours de télétravail. Pour plus de la moitié de ceux interrogés, une entreprise qui n’en propose pas serait rédhibitoire. L’enquête démontre aussi que sept cadres sur 10 seraient « mécontents » si leur entreprise diminuait le nombre de jours de télétravail auxquels ils ont droit. Un chiffre qui grimpe à près de 82 % en cas de suppression totale. Pour eux, le télétravail n’est plus une option, mais est devenu un véritable acquis. Ces derniers résultats révèlent une évolution significative dans la perception du télétravail par les cadres, devenu dorénavant un élément essentiel de leur équilibre vie professionnelle/ vie privée.

« Ne pas tendre le bâton pour se faire battre »

Reste cependant de nombreux points de vigilance qu’il faut prendre en compte. Au premier rang desquels le manque d’interactions avec les collègues de travail, voire un sentiment d’isolement, note Pierre Damiani. Et pour les nouveaux salariés, une plus grande difficulté à s’intégrer dans l’entreprise et à apprendre auprès de ses pairs. Pierre Damiani cite également « les frontières qui se brouillent entre les sphères pro et perso » et invite les managers à « se montrer prudents quant à la charge de travail de leurs équipes malgré la distance ». Le 12e baromètre OpinionWay du cabinet spécialisé dans la promotion de la Qualité de Vie au Travail (QVT) et la prévention des Risques Psychosociaux (RPS) Empreinte Humaine, réalisé fin 2023 indique ainsi que si le télétravail supprime les temps de transport, il augmente dans le même temps, pour la moitié des télétravailleurs, la charge de travail. Néanmoins, pour les télétravailleurs, les bénéfices du travail à distance –meilleure efficacité et meilleur équilibre de vie, notamment– « l’emportent sur la contrainte. Ils prennent sur eux pour éviter de tendre le bâton pour se faire battre », signale Christophe Nguyen, fondateur du cabinet Empreinte Humaine et psychologue du travail.

Alors que de nombreux accords de télétravail arrivent à échéance et que les entreprises françaises commencent à réévaluer leurs politiques de travail à distance, elles remettent en question la pratique « car elles s’aperçoivent qu’elles perdent une forme de dynamisme ». La récente levée de boucliers des employés de l’éditeur allemand de logiciels SAP montre la crainte des salariés d’un retour forcé au bureau. Ainsi, ce sont plus de 5 000 employés du géant allemand qui ont signé une pétition pour faire part de leur mécontentement par rapport à la nouvelle politique de retour au bureau de l'entreprise, allant jusqu’à menacer de chercher un autre employeur plutôt que de revenir. Pour Christophe Nguyen, le télétravail a « bon dos ». Pour lui, « Ce n’est pas seulement le télétravail qui amène les gens à revoir leur rapport au travail ».

« Le télétravail ne se décrète pas juste avec un accord ou par un nombre de jours »

Si le télétravail est à la fois une source de protection et de satisfaction, il présente néanmoins des risques pour l’entreprise. Au premier rang desquels, un moindre attachement des salariés qui s’engagent moins, ainsi que moins de relations sociales, donc moins d’interactions riches avec le collectif. « L’un des premiers écueils tient aux communications qui sont plus directes et plus pauvres ». Se pose également la question de l’intégration des nouveaux collaborateurs. Des problématiques qui « pèsent beaucoup sur les managers et représentent une charge supplémentaire de coordination et de création de temps sociaux et de rencontres, admet Christophe Nguyen. De fait, ce sont eux qui sont le plus en difficulté aujourd’hui ». Dans son étude menée auprès de ses 61 100 employés américains, Microsoft a montré les répercussions négatives du télétravail sur la communication et la collaboration entre les différentes équipes. « L’étude montre qu’en télétravail s’opère moins de créativité et moins de nouvelles rencontres –si les télétravailleurs continuent d’avoir des interactions avec les équipes très proches, ils en ont moins en dehors de ce cercle, ce qui peut interroger sur la coopération au sein de l’entreprise », résume Christophe Nguyen.

Pour lui, il faut que les modalités du télétravail soient réfléchies, choisies et adaptées à l’activité de l’entreprise. « Le télétravail ne se décrète pas juste avec un accord ou avec un nombre de jours. Il faut dialoguer sur le meilleur des deux mondes pour que le télétravail, qui est aujourd’hui perçu comme un nouveau droit, au même titre que les congés ou les RTT, ne soit pas seulement pensé en fonction des besoins des personnes, mais sur plus d’efficacité grâce à la flexibilité ». Parmi les bonnes pratiques à adopter, il plaide pour monitorer la charge et l’intensité de travail et pour que le bureau devienne le lieu des feedbacks et le centre de gravité pour le développement des collaborateurs, créer un collectif, faciliter les interactions et vivre des expériences collectives.

Charlotte DE SAINTIGNON