L’entreprise Gobilab passe des gourdes aux visières de protection
L’entreprise de fabrication française de bouteilles réutilisables écoresponsables, à mi-chemin entre la gourde et la bouteille en plastique, a déjà équipé 8 000 entreprises, depuis 2011. Pour faire face à la crise, elle s’est diversifiée et lancée dans la production de visières de protection. Retour d’expérience.
Face à la pénurie d’équipements de protection réutilisables et made in France, Gobilab et Microplast ont choisi de concevoir et fabriquer des visières de protection ergonomiques. «Il y a des possibilités de seconde vague, des besoins de protection nouvelles pour les métiers d’accueil. Cela risque de devenir un standard dans certains commerces et lieux accueillant du public», justifie Xavier Moisant, CEO de Gobilab. A l’origine de l’entreprise de 20 collaborateurs, des «gourdes écolo personnelles» vendues entre 15 et 20 euros, avec des tarifs dégressifs pour les entreprises et les collectivités.
Mises au point par Florence Baitinger, Samuel Degrémont et Xavier Moisant, trois amis «ecolo-geek» passionnés d’Internet, de mobilisation citoyenne et de développement durable, les ventes ont démarré en juin 2011 et se sont multipliées par l’effet la Cop21, en 2015. « Nous avons équipé les dizaines de milliers de participants à la conférence. Ca a été un vrai accélérateur», se souvient Xavier Moisant.
Un nouveau tournant
Avec la crise sanitaire, l’entreprise prend un nouveau tournant. De la rencontre de David Anger, dg de Microplast, le partenaire industriel de Gobilab situé dans le Val de Marne, avec Anthony Seddiki, l’un des fabricants, responsables du mouvement citoyen d’entraide pour la fabrication de visières de protection Visière solidaire, naît l’idée de fabriquer des visières de protection à grande échelle. Si la création de visières à partir d’imprimantes 3D prend beaucoup de temps, la technique de l’injection plastique avec des moules et une presse permet de produire des milliers de bandeaux par jour. «Le rapport de vitesse varie de 1 à 20 entre la production à partir d’imprimantes 3D et à partir de notre usine», explique Xavier Moisant. L’entreprise, qui a fini de fabriquer les moules, vient de sortir les premières visières, pour en fabriquer des dizaines de milliers chaque mois. A terme, elle projette de poursuivre cette fabrication, qui représentera au moins 40 % de son chiffre d’affaires sur mai et juin, avec des visières vendues entre 6 et 8 euros aux entreprises, institutions culturelles et publiques.
Reprise de l’activité et négociations en stand-by
Mais pas question pour l’entreprise de laisser tomber son activité principale : d’autant que depuis trois semaines, elle a renoué avec les commandes. « Nos Gobi sont portées par les nouvelles réglementations de réduction des déchets. Les entreprises et les collectivités anticipent le retour d’activité et le retour au bureau. Ils veulent du matériel neuf et se mettent aux normes, suite à l’interdiction du plastique jetable depuis le 1er janvier 2020 et la mise en place de fontaines à eau dans les lieux publics, à partir de mars 2021», explique Xavier Moisant. Même si de nombreuses négociations avec des conseils départementaux et régionaux restent encore en stand-by. Avec la crise, l’entreprise a dû mettre de côté les nouveaux produits qu’elle devait commencer à commercialiser en mars : un modèle en verre en partenariat avec Verallia, ancienne filiale du groupe français Saint-Gobain, un modèle «Street», plus urbain, moins cher et plus léger que le modèle original. «Nous avons été arrêtés dans notre élan, ayant dû fermer l’usine qui devait fournir ces nouveaux modèles, car elle est située dans l’Est de la France entre Nancy et Strasbourg». L’entreprise devait également sortir des kits de couverts personnalisés qui utilisent des chutes de production de matériel. Mais avec la crise, elle n’a pas réussi à faire valider le produit au client final.
Malgré ces aléas, le cofondateur table sur 100% de croissance cette année au vu de l’intensité du rythme de mai et juin. L’entreprise, qui avait réalisé 2,7 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, est sur des montagnes russes avec la crise : elle a réalisé le meilleur mois de mars depuis sa création, malgré les 15 jours de confinement, suivi du pire mois d’avril depuis 2011. « Le mois de mai est le meilleur mois de mai depuis la création de l’entreprise et on compte sur un très bon mois de juin », confie Xavier Moisant. L’entreprise, qui réalise historiquement 50% de son chiffre d’affaires entre septembre et décembre avec les fêtes de Noël, les salons et les divers événements de fin d’année, avoue néanmoins que cette période reste incertaine au vu « des circonstances que l’on ne maîtrise pas ».
Une démarche RSE engagée
La RSE fait partie intégrante de la raison d’être de Gobilab. Celle-ci se traduit à plusieurs niveaux. D’abord par une fabrication entièrement éco-conçue et développée dans un objectif de réduction des déchets. Ensuite par la conception d’un produit qui apporte un vrai bénéfice environnemental grâce à la mesure de son impact environnemental tout au long du processus de production jusqu’au lancement : la gourde est fabriquée par injection plastique et tous les résidus sont récupérés durant la production. Certains plastiques utilisés sont «biosourcés», c’est-à-dire d’origine totalement ou partiellement renouvelables. Au niveau social aussi, l’entreprise a fait le choix d’une production 100% Made in France et de faire travailler les mêmes partenaires locaux, depuis 2014, et notamment des Esat (Etablissement et service d’aide par le travail) pour assembler ses produits. Enfin, elle reverse 1% de son chiffre d’affaires à l’association européenne Surfrider. Dans la même optique, elle reversera 1% des ventes de visières au réseau Visières solidaires, voisin de l’usine, qui a distribué gratuitement depuis le début de la crise 550 000 visières aux personnels soignants et travailleurs des secteurs indispensables à l’économie. « On veut créer un cercle vertueux dans lequel les ventes aux entreprises contribuent à financer les dons aux services publics », conclut Xavier Moisant.
Charlotte de SAINTIGNON