L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions en matière de droit du travail.
Sanction disciplinaire : mise à pied
Ayant constaté que la lettre de mise à pied disciplinaire reprochait au salarié d’avoir produit, dans le cadre de l’instance prud’homale, des documents internes falsifiés, ainsi que de faux témoignages obtenus par abus de sa position hiérarchique et de ne pas s’être «retiré du contentieux en cours », la cour d’appel a fait ressortir que la seule référence dans la lettre de notification de la sanction à une procédure contentieuse engagée par le salarié était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice, et justifiait l’annulation de la mise à pied. (Cass soc., 27 mai 2020, pourvoi n° 18-20439)
Licenciement économique : motif
Dès lors que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur de réorganiser l’activité commerciale de l’entreprise et qu’il n’était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, le licenciement qui s’en est suivi était sans cause réelle et sérieuse. (Cass soc., 27 mai 2020, pourvoi n° 18-19605)
Licenciement économique : CSP
Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), l’employeur doit en énoncer le motif économique, soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu de lui adresser, lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par le Code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du CSP, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. (Cass soc., 27 mai 2020, pourvoi n°18-20153)
Convention collective : interprétation
Si l’interprétation donnée par une commission paritaire conventionnelle du texte d’une convention collective n’a pas de portée obligatoire pour le juge, ce dernier peut, après analyse du texte, faire sienne l’interprétation de la commission. (Cass soc., 27 mai 2020, pourvoi n°19-10886).
Contrat de travail : preuve
L’existence d’un contrat de travail nécessite la réunion de trois éléments : l’exécution d’une prestation, donnant lieu à rémunération, dans le cadre d’un lien de subordination. Ce dernier élément est la condition déterminante de l’existence d’un contrat de travail : il est caractérisé par l’exécution d’un travail, sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En présence d’un contrat de travail apparent, c’est à l’employeur qui invoque le caractère fictif du contrat ou son absence d’exécution d’en rapporter la preuve. (Lyon, 27 mai 2020, n° 18/00082)
Clause de mobilité : validité
Pour être valable, une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. La mutation d’un salarié, en présence d’une clause de mobilité stipulée dans son contrat de travail, est licite et s’analyse en un changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir d’administration et de direction de l’employeur. Toutefois, la mise en oeuvre d’une clause de mobilité doit être dictée par l’intérêt de l’entreprise, elle ne doit donner lieu ni à un abus de droit ni à un détournement de pouvoir de la part de l’employeur et doit intervenir dans des circonstances exclusives de toute précipitation. En outre, en application de l’article L.1121-1 du Code du travail, elle doit être justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, si elle porte atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale. (Lyon, 27 mai 2020, n° 18/00055)
Maladie : indemnités journalières
L’exercice par l’assuré en arrêt maladie d’une activité non autorisée faisant disparaître l’une des conditions d’attribution ou de maintien des indemnités journalières, la caisse est en droit de réclamer la restitution de ces indemnités, depuis la date du manquement. (Cass. 2e civ., 28 mai 2020, pourvoi n°19-12962)
La pénalité financière infligée à un assuré qui exerce une activité non autorisée pendant un arrêt maladie n’est pas subordonnée à l’intention frauduleuse de l’intéressé. (Cass. 2e civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 19-14010).
François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale