L’entreprise et les salariés

Une Urssaf avait fait part de ses observations suite à un contrôle, par courrier du 13 octobre 2016 (réceptionnée cinq jours plus tard).
Une Urssaf avait fait part de ses observations suite à un contrôle, par courrier du 13 octobre 2016 (réceptionnée cinq jours plus tard).

Revue de récentes décisions en matière de droit du travail et de contrôle Urssaf.

Droit du travail

 Embauche

Le Code du travail n’exige pas que les éléments justificatifs invoqués par l’employeur pour sélectionner un candidat à un emploi aient été portés à la connaissance de celui-ci avant que le choix soit opéré. (Cass soc., 26 février 2020, pourvoi n°18-17885)

 Procédure abusive du salarié

Afin de condamner le salarié à verser à l’employeur des dommages-intérêts pour procédure abusive, une ordonnance avait retenu qu’il ne pouvait ignorer que l’employeur tenait à sa disposition la fiche de paie d’octobre 2017 et le chèque de salaire correspondant, que ces documents, qui sont quérables, lui avaient été transmis par l’employeur, le 19 janvier 2018, peu de temps, après l’introduction de l’action du salarié en justice. Et celui-ci avait tenu à maintenir son action qui s’apparente à un abus de procédure. Or, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol. Dans ces conditions, pour la Cour de cassation, le conseil de prud’hommes a violé l’article 32-1 du Code de procédure civile. (Cass soc., 26 février 2020, pourvoi n° 18-22790)

Licenciement : SMS , réseaux sociaux

Ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d’une coiffeuse fondé sur des textos qu’elle a échangés avec une collègue et des extraits de son compte Facebook, bien qu’ils comportent des propos ouvertement péjoratifs et insultants à l’égard du gérant du salon de coiffure, de l’entreprise ou de certains salariés. En effet, les textos, qui avaient été envoyés à un seul destinataire, à partir de la ligne téléphonique personnelle de l’intéressée, relevaient d’une conversation purement privée dont l’employeur ne pouvait faire état dans le cadre du licenciement. De même, les extraits du compte Facebook étaient des échanges privés, manifestement dans le cadre d’un groupe restreint de correspondants, auquel le gérant du salon a eu accès, non pas en allant sur le site Internet, mais à la suite de la communication, lors d’une réunion, par des salariés. (Aix-en-Provence, 14 novembre 2019, RG n° 17/18277)

Cotisations sociales : lettres d’observation

 Avant l’heure, ce n’est pas l’heure. Une Urssaf avait fait part de ses observations suite à un contrôle, par courrier du 13 octobre 2016 (réceptionnée cinq jours plus tard). La société a répondu, par courrier expédié le 15 novembre suivant, soit dans le délai prévu de 30 jours. Une mise en demeure a ensuite été envoyée, le 5 décembre, sans que l’Urssaf ne réponde aux observations du cotisant. Or, à compter du 18 octobre, la société disposait d’un délai de 30 jours, soit jusqu’au 16 novembre à minuit pour faire valoir ses observations.  Le Code de la sécurité sociale n’exige pas que la réponse aux observations de l’inspecteur soit réceptionnée dans le délai de 30 jours. Dès lors aucun échange n’a eu lieu entre le cotisant et l’inspecteur du recouvrement. Conséquence : le non-respect du principe du contradictoire entraîne la nullité du redressement. (Tribunal judiciaire de Grenoble, Pôle social, 19 décembre 2019. RG n° 17/00177)

 Quand la lettre d’observations n’en dit pas assez. En l’espèce, l’inspecteur du recouvrement, dans la lettre d’observations, ne donnait aucun exemple de calcul de régularisation, erreur par erreur, il ne fournissait pas d’annexes permettant de comprendre comment, à partir des erreurs constatées et succinctement décrites, il était parvenu à tel ou tel montant de régularisation et avait renvoyé, pour le détail de régularisation, à un document qui serait «transmis par courrier électronique». Si l’inspecteur a effectivement expliqué la méthode dans la réponse aux observations (sans que le cotisant puisse s’exprimer), les précisions qu’il a apportées dans sa réponse aux observations de la société étaient trop tardives pour rétablir le contradictoire : la société n’avait alors plus le moyen de discuter ces éléments avant réception de la mise en demeure. Dès lors, les opérations de contrôle n’ont pas été régulièrement menées. (Tribunal judiciaire de Lille, Pôle social, 3 mars 2020. RG n° 16/01075)

 Quand la lettre d’observations n’en dit toujours pas assez. Les inspecteurs du recouvrement, dans la lettre d’observations adressée à l’entreprise, après avoir rappelé les règles de calcul d’assiette de cotisations applicables aux indemnités transactionnelles de rupture, avaient simplement indiqué : «au regard de ce qui précède, des indemnités dépassent les montants exonérés. Ce point fait l’objet d’un redressement (hors CSG/CRDS celle-ci ayant déjà été payée) pour les personnes suivantes (cf feuilles de calcul jointes)… ». Cette formule laconique ne permettait pas à la société de comprendre en quoi le montant des indemnités transactionnelles de rupture accordées aux salariés visés aurait dépassé le montant exonéré. De plus, l’Urssaf ne rapportait pas la preuve de ce que les feuilles de calcul annoncées dans la lettre d’observations avaient été jointes à celle-ci. C’est donc à bon droit que le tribunal a annulé ce chef de redressement et la mise en demeure subséquente. (Paris, Pôle 6 – Chambre 12, 28 février 2020, RG n°17/09531)

Pas d’obligation pour le cotisant de répondre à la lettre d’observations. L’absence de contestation dans le délai de 30 jours suivant la délivrance de la lettre d’observations, prévu à l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, n’a pas pour effet de purger celle-ci des éventuels vices pouvant l’affecter. La société peut parfaitement contester la régularité de cette lettre après l’expiration de ce délai de 30 jours, en saisissant la Commission de recours amiable (CRA) (Paris, Pôle 6 – Chambre 12, 28 février 2020, RG n° 17/09531)

François TAQUET, avocat, spécialiste en droit du travail et protection sociale.