Le XXIe siècle sera sportif ou ne sera pas

Crédit Photo : Anne DAUBREE,  «On assiste à une massification de la pratique du sport», constate Alain Tourdjman, directeur des études de l'Observatoire économique du groupe BPCE.
Crédit Photo : Anne DAUBREE, «On assiste à une massification de la pratique du sport», constate Alain Tourdjman, directeur des études de l'Observatoire économique du groupe BPCE.

61% des Français qui pratiquent une activité sportive régulière, 364 000 bénévoles dans les associations, un chiffre d’affaires de plus de 77 milliards pour les entreprises…Tendance sociétale majeure, le sport constitue un marché en plein essor, mais aussi un enjeu territorial fort, d’après une étude du groupe bancaire BPCE.

«On assiste à une massification de la pratique du sport», constate Alain Tourdjman, directeur des études de l’Observatoire économique du groupe BPCE. Le 28 février, à Paris, il présentait la première édition de l’étude «La filière sport prend ses marques». Celle ci, croisant les données du groupe bancaire à celles de diverses sources, dresse un tableau très complet des pratiques sportives des Français, de l’écosystème associatif et économique  dans lequel elles s’inscrivent, et de leur dimension territoriale, forte et variée.

Tout d’abord, les adeptes du sport sont de plus en plus nombreux en France. Ils sont 61% à déclarer pratiquer une activité physique régulière en 2019, soit sept points de plus qu’en 2012. Cela représente environ 32,5 millions de personnes ! Le phénomène est lié à plusieurs tendances sociétales, comme la recherche de l’épanouissement personnel, du contact avec la nature et  la préoccupation du bien vieillir. Autant de dynamiques qui engendrent «de nouvelles pratiques», note Alain Tourdjman. Par exemple, les seniors et les femmes sont de plus en plus nombreux à s’adonner à une activité sportive : le nombre de sportifs de plus de 65 ans a crû de 13% entre 2009 et 2015. On constate aussi «une tendance à l’individualisation des pratiques». En fait, 69% des Français concernés par le sport le pratiquent en totale autonomie, en allant courir dans un parc ou en faisant  des longueurs à la  piscine. Leurs motivations ? Santé, détente et amusement, très loin devant la performance et la compétition…. Ils sont 24% à choisir de passer par une association, pour pratiquer par exemple le basket ou le handball. Quant à ceux qui optent pour une structure privé, comme une salle  de sport , ils ne sont pour l’instant que 8%, mais cette pratique est en forte augmentation. D’après l’étude, ces sportifs recherchent une offre flexible et personnalisée, que peinent à offrir les structures associatives. Dernière tendance, enfin,  la consommation du «sport spectacle», qui consiste à assister à de grands événements, le plus souvent, via des médias.

Concentration des salles de sport

Ces pratiques se déploient dans  un vaste et complexe écosystème, qui comprend  entreprises et associations. «En France, le tissu associatif est très dense. Il s’agit d’ un univers très fragmenté. Beaucoup d’associations sont de très petites taille», précise  Alain Tourdjman. Concrètement, on en dénombre quelque 360 000, soit 24% du total des associations en France. Leur budget total s’élève à 13,1 milliards d’euros, et elles représentent 115 000 emplois. Mais elles comptent aussi sur 364 000 bénévoles ! L’essentiel de leur budget vient de leurs adhérents. Leurs cotisations représentent 70% des ressources, les fonds publics comptent pour  22% et le mécénat 8%. Côté entreprises, si leur nombre  peut considérablement  varier, selon le périmètre choisi, l’étude retient l’hypothèse moyenne d’environ 112 000. Comme les autres en France, le secteur est très fragmenté, avec 85 000 entreprises qui ne comptent pas de salarié. Au total, toutefois, ces sociétés concentrent  330 000 emplois pour un chiffre d’affaires de 77,7 milliards d’euros. Fait majeur, les dix dernières années, le nombre d’entreprises a doublé. «Cette dynamique démographique très puissante montre le développement de cette offre marchande en matière de sport», commente  Alain Tourdjman. La fabrication et de la distribution sont des marchés matures. En revanche, parmi les évolutions, «on assiste à un phénomène de concentration des salles de sport. Il s’agit d’une transformation très rapide» : en dix ans, le nombre de ces structures a été multiplié par quatre. Aujourd’hui, les  indépendants disparaissent au profit de chaînes comme Neoness, Keep cool ou Basic Fit, arrivé en France en 2013 et qui compte à présent plus de 200 salles.

 Le défi public d’une demande fluctuante

Enjeu économique de taille, le sport constitue également un sujet structurant pour les territoires. «La densité d’associations sportives est très forte sur le territoire national avec une moyenne de 10 associations par commune. Et elle est particulière forte là où la densité de population est faible  (…). Le  sport représente un vecteur d’animation sociale et économique  pour les collectivités sur de nombreux territoires », constate Alain Tourdjman.

Les équipements sportifs, gérés par les collectivités locales, sont au cœur de cette problématique, puisque 86% des associations les utilisent. Concrètement, la carte des départements les plus ruraux et de ceux qui disposent d’une densité plus importante d’équipements sportifs  se superposent assez largement. C’est ainsi que se dessine un schéma national où les habitants des grandes métropoles régionales pratiquent plutôt un sport via une structure privée ou seuls, tandis que les associations jouent un rôle majeur dans les communes rurales.

Toutefois, hors des grandes métropoles, la géographie du sport est loin d’être uniforme. Certains territoires l’incluent dans le cadre d’une valorisation de leur offre touristique, notamment sur le littoral, en Vendée ou dans l’Hérault, par exemple. D’autres, comme l’Indre et le Cher, permettent une pratique assidue de leurs habitants grâce aux investissements  en équipements réalisés par les collectivités. Mais dans d’autres encore, dans le Nord ou en Moselle, par exemple, ces investissements peinent à être assurés. Plus globalement, «il existe un sujet qui émerge sur l’adaptation des infrastructures», pointe Alain Tourdjman. Au delà de la capacité même à investir, en effet, surgit une autre difficulté pour une collectivité :  faire correspondre le temps long de ces projets à une demande toujours plus diversifiée et fluctuante. Un défi qui concerne aussi le fonctionnement du secteur associatif …

 Les clusters se multiplient

La France compte une trentaine de clusters ou incubateurs dont les thématiques tournent autour du sport. La moitié environ de ces structures ont été créées après  2015. Exemples : à Liévin (Hauts-de-France), Vivalley se consacre au thème très porteur «sport, santé et bien- être », F2N, la filière Nautique Normande, qui siège à Caen.

L’économie du sport en chiffres

360 000 associations, 112 000 entreprises, près de 91 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Anne DAUBREE