Entreprises
Le secteur du nettoyage pâtit du ralentissement de l'économie
Les professionnels de la propreté s'efforcent d'améliorer l'attractivité de leurs métiers pour embaucher des jeunes. Mais leur croissance s'érode : ces entreprises à faible marge souffrent du ralentissement de l'économie.
Le sujet avait été directement évoqué par Gabriel Attal, à l'occasion de son discours de politique générale : au sein de l’État, les personnels d'entretien doivent pouvoir « travailler aux mêmes horaires que tout le monde : aux horaires de bureau ». Le 3 avril, à Paris, la FEP, Fédération des Entreprises de propreté, d'hygiène et services associés, lors d'une conférence de presse consacrée à la proposition de 24 « solutions (...) pour la simplification de la norme, de la vie des entreprises et des salariés », revenait sur le message du Premier ministre. A ce sujet « nous avons proposé à Matignon qu'à chaque marché public qui s'ouvre, nous réalisions une étude de faisabilité. Doivent y contribuer le client, l'entreprise de propreté concernée et les agents en service déjà présents », explique Philippe Jouanny, président de la FEP. D'après celle-ci, 7% seulement des marchés publics publiés mentionnent pour l'instant le travail en continu ou dans la journée. Inclure dans le Code de la commande publique, la systématisation de ces études fait partie des 24 « solutions » avancées par la FEP.
D'autres encore visent à « simplifier la vie des salariés ». Comme leur prise en compte dans les plans de mobilité des entreprises clientes ou un accès prioritaire au logement social. En toile de fond de ces propositions, en 2024, l'attractivité des métiers fait figure d'enjeu majeur pour le secteur de la propreté. « Nous connaissons des difficultés », reconnaît Patricia Charrier-Izel, directrice générale de la FEP. En cause : un important taux de seniors qui rendrait le secteur peu appétant aux yeux des jeunes - les huit CFA ne sont pas remplis. Autre difficulté, « il existe une technicité du métier qui n'est pas reconnue », poursuit Patricia Charrier-Izel, évoquant les spécialités comme l'intervention dans les milieux du nucléaire ou hospitalier. Afin de rendre ses métiers plus attractifs, la FEP lance la Semaine des métiers de la profession, du 3 au 8 juin 2024, ainsi qu'une campagne de communication grand public, y compris sur Instagram, Tik tok... Car plus de six dirigeants sur 10 du secteur envisagent de recruter, selon une enquête Xerfi Specific pour le Monde de la propreté (premier trimestre 2023). « Nous figurons parmi les métiers qui recrutent le plus », souligne Patricia Charrier-Izel. Le secteur comptabilise 600 000 emplois, dont plus de 115 000 nets créés en dix ans. Toutefois, si en 2022, les effectifs ont continué à augmenter (+ 1,2%, par rapport à 2021), c'est moins vite que durant les années pré-Covid (+ 3%).
Télétravail, usines à l'arrêt néfastes au nettoyage
De fait, les chiffres encore positifs ne doivent pas masquer les fragilités d'un secteur à faible marge qui subit actuellement le ralentissement de l'économie, met en garde la FEP. En 2022, la croissance du secteur a été de 2,7% pour atteindre 17,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il s'agit de l'un des plus bas chiffres de progression des dix dernières années. « Pour la première fois, des entreprises, des TPE, en particulier, ont déposé le bilan », explique Philippe Jouanny. « Avec l'économie qui se contracte, certains commanditaires réduisent leur demande », complète Patricia Charrier-Izel. Les bureaux représentent 36% de l'activité du secteur. Or, « le télétravail impacte très fortement l'activité dans les grandes métropoles. Les entreprises ont diminué leur surface m2... Et les bureaux étant vides le vendredi, nous n'intervenons plus ce jour là. Tout cela engendre une diminution des prestations », illustre Philippe Jouanny, qui s'inquiète des conséquences éventuelles de la semaine de 4 jours... Dans les immeubles (30% de l'activité), le nettoyage fait les frais- du moins en partie- des arbitrages des syndics qui doivent compenser avec les factures énergétiques gonflées. Les acheteurs publics (25%) sont priés de faire des économies...
Autre difficulté, des usines qui ferment leur locaux deux jours par semaine pour faire des économies d'énergie renonçant ainsi à une prestation de ménage.Quant aux sociétés de nettoyage qui effectuent les remises en état après travaux, elles pâtissent de la mise à l'arrêt de la promotion immobilière. A contrario, certaines activités comme la santé ou les Ehpad sont en croissance. Mais pour le reste, l'économie qui se rétracte impacte des entreprises à marge traditionnellement faible (moins de 3% avant le Covid), et qui a encore diminué. Les coûts – de main d’œuvre, essentiellement- ont augmenté plus vite que ceux de vente. D'après l'enquête Xerfi, sept entreprises sur 10 reportent moins de 10% de la hausse des coûts qu'elles subissent dans le prix de leurs prestations.