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Le secteur du cuir, boosté par l'export

Avec 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur les huit premiers mois, 2023 devrait être une plutôt belle année pour le secteur du cuir, même s'il subit le contexte inflationniste, selon le Conseil national du cuir. L'essentiel de son activité est portée par l'export tandis que le marché intérieur se restreint.

Franck Boehly, président du Conseil national du cuir
Franck Boehly, président du Conseil national du cuir

C'est une double rareté : ce secteur là passe aux travers de la crise, et ce, grâce à l'export. Le 28 novembre, lors d'une conférence de presse, à Paris, le Conseil national du cuir (CNC) dévoilait les tendances du secteur. Et elles sont plutôt positives. Pourtant, comme les autres, il subit les conséquences d'un contexte encore inflationniste, en dépit de la décélération de la hausse des prix qui s'est amorcée. L'inflation ? Une « double peine » pour les entreprises du cuir, souligne Franck Boehly, président du Conseil national du cuir. Côté offre, la hausse des prix parcourt les maillons successifs de la filière, y provoquant des effets négatifs différenciés en fonction des spécificités des activités.

En amont, chez les éleveurs, la hausse des prix a impacté la consommation de viande des Français qui ont réduit leurs achats, renforçant une tendance lourde déjà existante : la réduction du cheptel de bovins. « Nous perdons 100 000 têtes par an. (...) L'équilibre économique des éleveurs n'est pas assuré et cela va impacter notre secteur. En effet, ces animaux sont élevés pour la viande ou le lait. Il va donc y avoir une baisse de disponibilité des peaux », prévient Franck Boehly. Dans la filière, viennent ensuite abattoirs, professionnels de la collecte de la peau, tanneries, mégisseries... « Ces entreprises sont confrontées à des hausses de charges énormes, car elles sont relativement énergivores », dévoile Franck Boehly. La flambée des prix de l'électricité ou de l'eau ont été fortement ressenties par ces sociétés.

A l'étape suivante, le secteur de la production a donc récupéré une matière première dont le prix a augmenté. Moins concernés par les problématiques des coûts énergétiques, «ces professionnels sont confrontés à l'augmentation des salaires. En effet, il s'agit d'activités industrielles qui emploient une main d'oeuvre nombreuse et souvent proche du Smic, lequel est indexé sur l'inflation », décrit Franck Boehly. A l'arrivée, le secteur de la distribution se voit donc proposer des produits plus chers. « Ils parviennent à répercuter plus ou moins ces hausses, mais pas celles de leurs salaires, et encore moins celles de leurs loyers indexés sur l'indice des loyers commerciaux (ILC), lequel augmente de manière décorrélée de l'évolution de l'économie », poursuit le président du CNC.

Côté demande aussi, l'inflation a des conséquences importantes sur le secteur du cuir. En effet, les achats des ménages en matière d'équipement à la personne souffrent traditionnellement d'un arbitrage défavorable en période de crise. Fin 2023, ce secteur n'a pas retrouvé son niveau de 2019, contrairement à de nombreux autres. Résultat, le marché domestique du cuir, déjà à la peine, se restreint encore en 2023. D’août 2022 à fin juillet 2023, selon Kantar, les ventes de vêtements, chaussures et accessoires en cuir ont chuté en France de 5,9% en volume, à 63 millions d’articles, et de 2,9% en valeur par rapport à l’année précédente. Et les perspectives d'avenir ne sont pas meilleures. : « nous allons débuter l'année 2024 sans élan, avec un niveau de consommation forcement relativement faible », souligne Franck Boehly.

Luxe et export, une nécessité

A rebours de ce contexte national morose, l'export offre des « bonnes nouvelles ». Ce marché devrait atteindre 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour les huit premiers mois de 2023 ( sur un total de 25 générés par la filière!), après une croissance de 11%. Celle-ci est essentiellement portée par la maroquinerie (+10%) et la chaussure (+15%). L' excédent commercial, lui, devrait atteindre 5,5 milliards d'euros, contre 4,4 l'an dernier.

La meilleure performance de l'année : la Chine, avec une croissance de 12% . Elle représente environ 13% des exportations françaises ( 2,4 milliards d’euros). Les Etats-Unis, eux, pèsent pour 14% des exportations ( 2,5 milliards d'euros). La baisse de 2% de cette année succède à deux années de croissance exceptionnelles. Et cette tendance négative concerne surtout les matières premières et les articles de maroquinerie (-9% pour les deux). En revanche, les ventes de chaussures ont augmenté de 8%.

Par ailleurs, l'essentiel de l'export du cuir reste tourné vers l'Europe : elle représente 7,5 milliards d'euros environ (41% des exportations) et a connu une croissance de 9% cette année. Mais avec des évolutions différenciées selon les segments. Si maroquinerie et chaussure sont à la hausse, les matières premières sont en repli. « L'Italie a beaucoup diminué ses achats », commente Franck Boehly. Et enfin, le Moyen-Orient, encore modeste, avec 613 millions d'euros en 2022, apparaît comme le marché de l'avenir. Les ventes y ont augmenté de 8% cette année (avec une envolée exceptionnelle pour les chaussures, de l'ordre de 34%). Et le CNC prévoit un doublement du marché d'ici 2030.


Le secret de ces trajectoires ? « Nous dominons le marché mondial du luxe qui est extrêmement porteur. La France est identifiée comme ayant le meilleur savoir-faire au monde », dévoile Franck Boehly. D'après les prévisions de Nicolas Boulanger, consultant spécialisé dans le luxe, ce secteur devrait connaître une croissance de 8% par an, dans les cinq ans à venir, ce qui augure bien de l'évolution de la filière cuir, très fortement soutenue par ces univers. Sur le territoire, ces succès commerciaux ont des traductions tangibles. « Toutes les grandes maisons ne cessent d'investir dans des ateliers, principalement en France. Ce sont des locomotives (…). Comme nous prévoyons que le luxe continue de croître, nous sommes raisonnablement optimistes pour les années qui viennent. Notre filière continue à exporter, à se développer » conclut Franck Boehly.


Réparer : une niche vertueuse

Actuellement, le secteur de la réparation de la mode et du luxe pèse 1 milliard d'euros, dont

608 millions d'euros pour la chaussure et la maroquinerie. Il concerne 2 650 entreprises et environ le double d'emplois. Ce marché devrait croître de 7% les huit prochaines années, pour atteindre 1,6 milliard d'euros en 2030 ( dont un milliard pour la chaussure et maroquinerie ), selon diverses sources compilées par le Conseil national du cuir.