Services
Le secteur de la propreté, entre crise et ambitions
Écartelé entre des difficultés conjoncturelles, et celles, structurelles, qui entravent sa croissance, le secteur des entreprises de la propreté interpelle le gouvernement sur les achats publics, tout en nouant un partenariat avec Pôle Emploi.
Le grand écart. Le 4 avril à Paris, se tenait le salon Europropre, qui réunit les professionnels du nettoyage. En marge de l’événement, lors d’une conférence de presse, la FEP, Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et services associés, annonçait la signature d’une convention avec Pôle Emploi. Actuellement, les quelque 15 000 entreprises du secteur regroupent 580 000 travailleurs. Ces dix dernières années, 105 000 emplois ont été créés. Et il y a six mois, le secteur estimait ses besoins à 52 000 personnes supplémentaires. En particulier, la profession peine à recruter des jeunes. Des milliers de postes sont restés vacants sur le site emploi-proprete.com, en 2022, et les centres de formation en alternance peinent à recruter. « Nous sommes identifiés comme l’un des métiers porteurs sur les dix années à venir. (…) Toutefois, si la crise sanitaire a révélé nos métiers, nous souffrons encore d’un déficit d’image et de reconnaissance », précise Patricia Charrier-Izel, directrice générale de la FEP. Celle-ci s’efforce aussi d’encourager ses entreprises adhérentes qui n’en ont pas beaucoup l’habitude de travailler avec Pôle Emploi. Et déjà, la FEP a déjà organisé des opérations avec l’organisme public, comme la « Semaine nationale des métiers de la propreté », en juin dernier. Cela dit, cette nouvelle convention relève plutôt d’un projet « pour l’avenir », pointe Patricia Charrier-Izel. Actuellement, au vu de la conjoncture, c’est plutôt un coup de frein sur les embauches que constate la FEP. « Si cela continue, nous allons aller vers une destruction d’emplois », prévient même Philippe Jouanny, président de la FEP.
Les acheteurs publics mis en cause
En 2022 pourtant, la profession a vu augmenter légèrement son chiffre d’affaires (17,2 milliards d’euros). Mais en 2023, les marges, déjà structurellement faibles dans ce secteur à forte intensité de main d’œuvre, sont fortement impactées, d’après la FEP. Les entreprises sont prises « en étau », décrit Patricia Charrier-Izel. D’un côté, tous les coûts augmentent. Les principaux, liés à la main d’œuvre : en 2022, la profession a revalorisé les salaires de 5,55 % et une augmentation similaire est prévue pour 2023 (en deux temps). Les coûts des matériaux ont augmenté aussi. De l’autre côté, l’évolution de la demande est défavorable à plusieurs titres. « Les cahiers des charges se réduisent », note Patricia Charrier-Izel. Par exemple, le rythme d’intervention dans une usine passe de six jours sur sept à cinq sur sept.
Autre souci majeur, ces cahiers des charges ne prennent pas en compte les hausses des coûts. Et aussi, « chez tous nos clients, il y a des demandes de RSE accrues, ou d’innovations. On nous impose parfois certains types de matériels. Nous sommes de plus en plus contraints dans nos cahiers des charges », ajoute Philippe Jouanny.
Souci majeur, « l’acheteur public ne joue pas le jeu », dénonce-t-il. Cela représente environ le quart de l’activité. En 2021, une conférence sur le progrès consacrée à la valorisation de ces métiers, avait réuni la fédération, les partenaires sociaux et l’acheteur public, en présence d’Élisabeth Borne, alors ministre du Travail. « Les engagements n’ont pas été tenus », selon Philippe Jouanny. La FEP se sent flouée, estimant avoir réalisé des efforts sur les salaires, quand les acheteurs publics n’ont pas tenu leurs promesses de revalorisation des marchés. La FEP explique avoir été reçue à Matignon, le 21 janvier dernier, sur ce même sujet et attendre des nouvelles.
Réduire la pénibilité des horaires
D’après la FEP, dans la propreté, la moitié des chantiers en horaires décalés et fractionnés (matin très tôt et tard le soir) le sont à la demande du client. Mais neuf sur 10 de ceux qui ont renoncé à cette option sont contents de l’avoir fait. Côté entreprises, la quasi-totalité des adhérents de la fédération sont ou veulent aller vers des horaires en continu. L’enjeu fait partie des négociations avec les partenaires sociaux.