Le projet de loi "Climat et Résilience" définitivement adopté par le Parlement

C'était le 20 juillet, clap de fin à l’Assemblée nationale pour le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », définitivement adopté, après la réussite de la Commission mixte paritaire. Ce texte dense, de 311 articles, s’inspire partiellement des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Retour sur les principales modifications et leur origine.

Photo d'illustration
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On se souvient que la Convention citoyenne pour le climat, instance ad hoc composée de 150 personnes tirées au sort, avait remis au Gouvernement 149 propositions permettant d’atteindre les objectifs en matière climatique, adoptés notamment par l’accord de Paris, puis traduits dans plusieurs lois et décrets. De ces propositions, le gouvernement a choisi de n’en retenir que certaines qu’il a inscrites dans un projet de loi adopté en Conseil des ministres, le 10 février dernier.

Le projet, porté par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, est divisé en cinq chapitres centrés autour des thèmes : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, et vise à renforcer la protection judiciaire de l’environnement.

Un contexte pressant

L’adoption de ce texte intervient dans un contexte pressant. D’une part, poussée en ce sens par les institution européennes, le Gouvernement s’était fixé, par la loi du 8 novembre 2019, un objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Alors qu’il semble déjà bien en peine de l’atteindre, le 21 avril dernier, la Commission européenne a porté cet objectif à 55%, résultat qui semble encore plus hypothétique. D’autre part, par une décision du 1er juillet dernier, le Conseil d’Etat a donné à l’exécutif neuf mois pour renforcer sa politique climatique, afin de respecter les engagements prévus par l’accord de la COP 21[1].

Dans ce contexte, l’adoption de cette loi est bienvenue, même si de nombreuses voix estiment déjà que les mesures entreprises ne permettront pas d’atteindre les objectifs souhaités.

Des modifications importantes

Selon les mots de Barbara Pompili, cette loi, qui touche tous les aspects de la vie quotidienne, fait « entrer l’écologie dans la vie des Français », tant il est vrai que les modifications sont larges et importantes.

On notera, cependant, que le volet constitutionnel de la réforme, qui avait pour objectif d’organiser un grand référendum portant sur l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution, a été abandonné par le Parlement, faute d'accord entre les deux chambres. En tout état de cause, la Charte de l’environnement, adoptée par le Congrès en 2005, qui contient une large « boite à outils » (principe de précaution, principe de prévention, principe du pollueur-payeur …), a déjà valeur constitutionnelle.

Le volet « consommer » du nouveau texte s’attaque essentiellement à la publicité. Il comprend une expérimentation permettant à 15 collectivités volontaires de proposer une étiquette « oui pub », que les foyers désirant recevoir de la publicité pourront coller sur leur boîte aux lettres. A défaut d’une telle étiquette, la publicité sera interdite. De même, la publicité en faveur des énergies fossiles est tout simplement interdite. A l’horizon de 2028, cette même interdiction s’appliquera à la publicité pour les véhicules les plus polluants.

Dans un tout autre registre, est également prévu le retour de la consigne et l’obligation, pour les supermarchés, de proposer 20% de leur surface de vente dédiée au vrac.

Concernant les déplacements, le texte adopté prévoit, par exemple, l’interdiction des vols aériens lorsqu’il existe une alternative en train par une liaison directe, d’une durée de moins de 2 heures 30, assurée plusieurs fois par jour (exceptions possibles pour des trajets assurant des correspondances). En outre, les régions volontaires pourront instituer, à partir de 2024, une écotaxe pour les transports routiers de marchandises. Sont seules concernées les routes « susceptibles de supporter un report significatif de trafic », en raison d’écotaxes dans des territoires voisins, soit en priorité des régions transfrontalières. Enfin, le projet prévoit l’instauration obligatoire de ZFE, zones à faibles émissions (limitant la circulation de certains véhicules), d’ici à 2025, dans toutes les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants.

Pour ce qui est de l’alimentation, le projet contient plusieurs mesures prévoyant par exemple, pour les cantines scolaires, l’obligation de proposer un menu végétarien au moins une fois par semaine. Les cantines de l’État et des universités qui proposent déjà plusieurs menus devront, pour leur part, présenter une option végétarienne, dès le 1er janvier 2023. Les collectivités volontaires pourront expérimenter le menu végétarien quotidien. En tout état de cause, l’ensemble des restaurants collectifs publics devront proposer, à l’échéance du 1er janvier 2022, au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Cette obligation sera étendue à la restauration collective privée en 2025.

Le volet « habitat » n’est pas en reste, puisque est notamment prévu l’encadrement des loyers des « passoires thermiques » (logements classés G et F pour leur performance énergétique, en 2025 et 2028), ce qui concerne près de 5 millions de logements en France. A partir de 2025 pour les G, et de 2028 pour les F, ces logements ne seront plus classés « logement décent » et seront donc tout bonnement interdits à la location. La mesure s’appliquera aux logements classés E en 2034.

En attendant une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, Barbara Pompili a d’ores et déjà annoncé que les nombreux décrets d’application permettant de décliner concrètement toutes ces mesures étaient en cours de préparation.


[1] Voir notre article précédent : « Respect des engagements sur le climat : le Conseil d’Etat impose des mesures supplémentaires au gouvernement" (DSI 5/07/ 21)