Le premier voilier cargo de l'entreprise havraise Towt a été mis à l’eau
L’entreprise havraise entend développer le transport maritime de marchandises à la voile. Elle a conçu un voilier-cargo pour y parvenir.
Le 18 juillet dernier, la coque du premier voilier-cargo de l’entreprise Towt (Trans Oceanic Wind Transport) a été mise à l’eau à Giurgiu, sur le site roumain de Piriou. Les gréements seront prochainement installés à Concarneau. L’arrivée au Havre et le premier transport sont programmés en 2024. Un second bateau est en construction au Vietnam. Un événement de taille pour l’entreprise havraise fondée en 2011. À l’origine de cette aventure au long cours, Guillaume Le Grand et Diana Mesa, convaincus de la pertinence de la voile pour transporter des marchandises, en quantité et sur de longues distances. Tout d’eux ont pressenti l’enjeu majeur qu’est la décarbonation du transport maritime.
Towt commence par transporter des marchandises à son compte en utilisant des vieux gréements dont la capacité n’excède pas 60 tonnes. Café et rhum sont ainsi vendus directement sur la boutique en ligne ou auprès de cavistes. « Ce sont ainsi 70 voyages qui ont été effectués », précise Jean-Philippe Eliard, secrétaire général de Towt. Soit un million de produits qui ont transité sur 18 voiliers, pour un chiffre d’affaires généré d’un million d’euros.
Optimiser le transport
Mais dès 2016, Towt passe à la vitesse supérieure et lance l’idée d’un voilier-cargo. Un million d’euros sera ainsi investi en études de conception détaillée R&D avant de lancer la construction des deux premiers navires. Des levées de fonds, pour un total de 4,5 millions d’euros, ont également participé au développement du projet. « On compte une cinquantaine d’innovations au total », souligne Jean-Philippe Eliard. Parmi elles, l’automatisation du système d’hélice et de la manipulation des voiles avec trois ponts de chargement, deux grues de pont, deux ascenseurs, tout a été pensé pour optimiser l’embarquement et le débarquement de la cargaison.
Ces navires à propulsion principale vélique, de 81 mètres de long, ont une capacité de 1 000 tonnes de marchandises, soit 1 080 palettes au format européen. « Leur vitesse est de 10,5 nœuds, c’est moins que celle des cargos qui est de 18 nœuds. Mais comme nos trajets sont dédiés, il n’y a pas d’arrêt intermédiaire, ce qui fait gagner du temps » remarque Jean-Philippe Eliard. La traversée « Le Havre /New-York » est ainsi réalisée en 13 à 15 jours. Côté coût, s’il est logiquement légèrement supérieur, il a l’avantage d’être déconnecté du prix du baril et donc d’être stable. Towt, qui ne manque pas d’idée, a également prévu six cabines de deux personnes sur chaque voilier. « L’offre est en cours de construction et pourra prochainement être réservée auprès de nous et d’agences de voyage ».
Spiritueux, cosmétiques, café…
En ce qui concerne l’environnement, Towt remporte la partie haut la main : « Notre impact est évalué à moins d’un gramme de dioxyde de carbone par tonne de marchandise transportée par kilomètre parcouru contre 9,5 g pour les cargos ». Chaque voilier contribuera ainsi à économiser 2 400 tonnes de CO2 annuellement. Et pour certifier ces données, l’entreprise a mis en place le label Anemo qui informe clairement le consommateur sur les conditions de transport.
Si l’idée de Guillaume Le Grand et Diana Mesa a pu paraître loufoque, il y a une dizaine d’années, elle répond aujourd’hui à une véritable attente. Pour preuve, de nombreux clients ont déjà contractualisé pour des produits variés et souvent pour des volumes significatifs. Au départ de la France, embarqueront des spiritueux et des cosmétiques. Au retour, rhum et café empliront les cales. « Parmi nos clients, nous avons Pernod Ricard et Belco, » se réjouit le secrétaire général. Tous les indicateurs sont donc au vert. « Nous envisageons de commander six à sept bâtiments en fin d’année. Avec un objectif de trente voiliers cargos à l’horizon 2030 ». Le vent souffle dans les voiles de Towt qui s’engage dans une longue et belle traversée.