Droit
Le Conseil d’Etat protège les automobilistes verbalisés par géolocalisation
Dans une récente décision*, le Conseil d’Etat, qui estime que la verbalisation en matière de stationnement payant n’est pas toujours fiable, détaille les obligations de l’administration et aménage la procédure de contestation en faveur des automobilistes verbalisés.
Modalités du constat par géolocalisation
Si certaines communes font toujours patrouiller leurs ASVP, agents de surveillance de la voie publique, qui opèrent sur la base des classiques constats visuels, d’autres municipalités, généralement plus grandes, ont opté pour des techniques de constat plus modernes. Depuis la réforme de 2014 sur les contraventions en matière de stationnement, des techniques de constat par géolocalisation se sont petit à petit développées. Tout se fait à distance et le principe est simple : un véhicule, équipé d'un système automatisé de lecture des plaques d'immatriculation, se déplace en continu et détecte automatiquement les voitures dont le propriétaire n’aurait pas payé le stationnement. Ces voitures sont équipées d’un système de géolocalisation et prennent automatiquement des photos du véhicule en infraction, dans son environnement proche.
Dans ce cas, si la détection est automatisée, elle fait toutefois nécessairement l’objet d’une vérification humaine. Avant l'émission du Forfait de Post-Stationnement (FPS) au propriétaire du véhicule, l'agent assermenté est tenu de vérifier l'exactitude des données relevées par le système de géolocalisation par satellite ainsi que, lorsqu'il intervient à distance, les photographies prises lors du constat. Une fois ces informations vérifiées et l’infraction validée, il porte sur l'avis de paiement, les mentions prévues par les dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Parmi les mentions obligatoires à porter sur l’avis, doivent figurer « la date, l'heure et le lieu de constatation de l'absence ou de l'insuffisance de paiement immédiat de la redevance », prévoit l’article R. 2333-120-4 du CGCT.
La difficile contestation d’un FPS
Un automobiliste souhaitant contester un FPS émis à son encontre est tenu de former un Recours administratif préalable obligatoire (RAPO), dans le mois suivant la notification, auprès de la personne émettrice du FPS (commune, syndicat mixte, EPCI …). Ce recours doit évidemment comporter des arguments tendant à l’annulation du FPS. L’administration concernée a un mois pour répondre à ce RAPO, sachant que son silence vaut rejet de la demande. Dans ce cas, l’automobiliste dispose d’un nouveau délai d’un mois pour contester ce rejet, devant une juridiction spéciale : la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), renommée, au 1er janvier 2025, Tribunal du stationnement payant.
Toutefois, la contestation n’est guère aisée puisque le droit actuel accorde une présomption de fiabilité aux constats opérés par géolocalisation. En effet, selon l'article L. 2333-87 du CGCT, « les mentions portées sur l'avis de paiement du forfait de post-stationnement par l'agent assermenté font foi jusqu'à preuve contraire ».
Mais le Conseil d’Etat note, dans sa décision du 18 novembre dernier, que « lorsque la mention relative à la localisation précise du véhicule, portée par l'agent assermenté, résulte de l'usage d'un dispositif de géolocalisation, elle est susceptible d'être affectée d'un risque d'erreur ». Partant de ce constat qu’un réel risque d’erreur existe, il en tire deux conclusions. Premièrement, le Conseil d’Etat indique qu'il appartient aux autorités compétentes de le prévenir « en imposant, notamment en cas de recours, à un tiers contractant, le respect des exigences les plus élevées en matière de fiabilité de la géolocalisation et de diligences de l'agent assermenté ». Deuxièmement, et plus intéressant pour les automobilistes, la Haute juridiction estime que ce risque « impose également qu'une contestation sur ce point puisse être utilement soulevée au stade du recours administratif préalable obligatoire puis, le cas échéant, devant la Commission du contentieux du stationnement payant ».
Les nouvelles garanties offertes par le Conseil d’Etat
Afin de rétablir une forme d’équilibre et pour permettre aux automobilistes de contester utilement un FPS, le Conseil d’Etat note qu’en cas de constat par géolocalisation, il appartient aux autorités saisies d’un recours de « vérifier que les photographies prises lors du constat sont de nature à confirmer les mentions portées sur l'avis de paiement ». La conséquence de l’absence de preuve de l’infraction est logique : l’administration est dans l’obligation de « faire droit à tout recours assorti d'une argumentation suffisamment étayée, notamment en cas de stationnement du véhicule en limite de zone tarifaire ».
En revanche, en cas de rejet du recours préalable et lorsque l’automobiliste saisit la CCSP, la Haute juridiction reconnaît la position délicate de ce dernier : il souhaite contester, mais se trouve dans l’impossibilité de rapporter la preuve de l’absence d’infraction. Dans ce cas, le Conseil indique que lorsque la défense n’est pas « assortie de photographies de nature à confirmer le constat établi sur la base de la géolocalisation, la commission du contentieux du stationnement payant se prononce au regard de l'ensemble des éléments produits par les parties. En l'absence de production en défense, elle peut, en application des dispositions, citées ci-dessus, de l'article R. 2333-120-44 du code général des collectivités territoriales, constater l'acquiescement du défendeur aux faits exposés dans la requête ».
*CE, 18 novembre 2024, n°472912.