Le chômage des entrepreneurs repart en forte hausse
Les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à perdre leur activité. En 2022, le chômage des dirigeants s’affiche en hausse de 34,1% sur un an, se rapprochant ainsi de son niveau prépandémique. Les gérants de TPE, avec un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros, résistent plus difficilement aux nombreux aléas économiques.
La remontée des défaillances d’entreprises s’est traduite par une perte d’emploi pour 38 670 chefs d’entreprise. C’est 9 800 dirigeants de plus par rapport à 2021, suite à la liquidation judiciaire de leur entreprise. Ce constat ressort des données de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC (assurance chômage pour les indépendants et chefs d’entreprise) et la société Altares (information sur les entreprises). Cette situation s’explique par des « difficultés multifactorielles » que rencontrent les entreprises comme l’inflation, les pénuries, le remboursement des dettes liées au Covid-19 et PGE (prêts garantis par l’État), ainsi que la remontée des taux d’intérêt et des prix de l’énergie. « Les chiffres de 2022 nous alertent sur une réalité que nous connaissions déjà. Les entrepreneurs doivent faire face à un contexte économique particulièrement difficile dans lequel les fragilités se multiplient et s’alimentent », relève Anthony Streicher, président de GSC.
Les dirigeants ne sont pas touchés de la même manière. Les plus impactés par le chômage sont les 31 à 40 ans et les 51 à 60 ans, en hausse de 46,4% sur un an. La catégorie des seniors semble de nouveau la plus affectée puisque plus d’un tiers des dirigeants ayant perdu leur emploi sont âgés de 51 ans et plus (36,8%). Les mises en liquidation judiciaire ont surtout concerné de jeunes chefs d’entreprise, de 26 à 30 ans : 2 500 se sont retouvés sans emploi, soit 45% de plus qu’en 2021. L’âge médian des dirigeants pénalisés, proche de son niveau d’avant-crise, se situe à 46,3 ans, en 2022
Les petites entreprises particulièrement fragilisées
L’étude souligne que près de neuf chefs d’entreprise sur dix ayant perdu leur travail (88,9 %) dirigeaient une structure de moins de cinq salariés. Près de huit sur dix géraient une société dont le chiffre d’affaires était inférieur à 500 000 euros, tandis que 306 seulement déclaraient des ventes supérieures à 5 millions d’euros. Mais, l’augmentation du chômage des dirigeants la plus forte, à +51,1%, concerne les PME de plus de 50 salariés :198 structures impactées en 2022, contre 131 en 2021.
Les pertes d’activité ont aussi davantage touché les gérants de SARL (46,8%) et la hausse la plus nette entre les deux années a été observée chez les dirigeants de SAS (+55,5%), en lien avec la dynamique des créations d’entreprise sous ce statut juridique.
Côté métiers, avec près de 3 400 patrons inscrits au chômage en 2022, la catégorie des artisans-commerçants a été la plus affectée, en raison notamment de l’envolée des prix énergétiques. Malgré des carnets de commande bien garnis, les professionnels du bâtiment se trouvent eux aussi confrontés à de nombreux obstacles tels les problèmes d’approvisionnement, les difficultés de recrutement et la pénurie des matières premières. Ainsi, 8 607 chefs d’entreprise du secteur ont perdu leur activité l’an dernier, soit 23,4%, un chiffre en progression de 27,9% sur un an. « Les indices [économiques] sont meilleurs qu’attendus en ce début d’année, mais les dirigeants d’entreprises vont devoir composer avec des risques encore bien présents », déclare Frédéric Barth, directeur général d’Altares.
La région Hauts-de-France durement impactée
Trois secteurs, déjà fragilisés et qui souffrent de la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, ont concentré 40% des liquidations judiciaires en 2022 : le commerce, les services aux particuliers ainsi que l’hébergement, restauration et débits de boisson. Selon l’étude, les pertes d’emploi se sont ainsi accrues, par exemple, de 92,3% pour les restaurateurs, 78,1% pour les artisans de la coiffure, soins de beauté et corporels, 29% pour les commerçants garagistes.
À l’échelle territoriale, la situation la plus dégradée a été observée dans les Hauts-de-France où le nombre des patrons exposés au chômage a augmenté de 73,3%. Le département de l’Aisne a été particulièrement touché avec 317 chefs d’entreprise dans cette situation, contre 277 en 2019. Cette région fait partie de celles ayant connu une hausse supérieure à 50% des pertes d’emploi chez les dirigeants avec la Normandie (+56%) et l’Occitanie (+53,1%). L’activité économique a permis à l’Ile-de-France de limiter la hausse à 27,2%, comme la région PACA (+28,8%).
AÏcha BAGHDAD et B.L