Label anti-gaspillage : les enseignes dans les starting-blocks ?
La France détruit 10 millions de tonnes de nourriture par an. Dans sa politique de lutte contre le gaspillage, le gouvernement vient d’annoncer un nouvel outil : un label national anti-gaspi (alimentaire) pour la distribution. Selon Phenix, start-up spécialisée dans la réduction du gaspillage, l’outil pourrait se révéler efficace plus pour des raisons de « cost killing » que de réputation.
Quels services propose Phénix, entreprise certifiée ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale), engagée dans la lutte contre le gaspillage depuis 2014?
Nous luttons contre le gaspillage en évitant que les invendus ne deviennent des déchets. A ses débuts, Phénix proposait un seul service : intermédiaire du don auprès de la grande distribution. En effet, nous avions constaté que le fonctionnement de l’aide alimentaire n’était pas optimal. Ceux qui voulaient donner avaient des difficultés à le faire et les associations ne recevaient pas suffisamment de dons. Aujourd’hui nous gérons cette démarche pour divers acteurs économiques, restaurateurs, grossistes, producteurs...Et nous proposons aussi d’autres services aux entreprises, dont la gestion de la vente « date courte » en magasin, qui permet de commercialiser des produits proches de la DLC, date limite de consommation, avec des réductions de prix. Côté consommateurs, notre application, comparable à celle de Too Good To Go, leur permet de récupérer des produits à petits prix auprès de commerçants de proximité ou de la grande distribution. Des producteurs l’adoptent aussi, comme Danone ou l’entreprise de confiserie Lutti : nous avons ainsi vendu 5 000 paniers de bonbons, dans le Nord de la France.
A votre avis, quels sont les leviers les plus efficaces pour inciter les acteurs de la distribution à réduire le gaspillage alimentaire ?
Pour l’essentiel, ce sont les incitations fiscales qui fonctionnent le mieux. En la matière, la France a été pionnière : dès 1988, la loi Coluche, qui a été consolidée depuis, prévoyait une déduction d’impôt de 60 % de la valeur d’achat d’un produit alimentaire, en cas de don. Par ailleurs, le fait que les distributeurs paient pour la gestion des déchets qu’ils génèrent est également très incitatif, d’autant qu’à ce coût s’ajoutent des obligations en matière de tri. Nous avons basé le modèle économique de Phenix sur le principe du « cost killing » : nous prenons une commission de 15 % sur les réductions de coûts que nous parvenons à générer en utilisant ces leviers. Ces dernières années, le coût de la gestion des déchets a beaucoup augmenté pour les entreprises. Phénix propose une prestation de dons pour des animaux concernant des produits non éligibles au don traditionnel, et qui permet d’éviter la production de déchets. Elle est de plus en plus demandée…
Quel va être l’impact du label « anti-gaspi » conçu par le gouvernement pour la GMS (grande et moyenne surface), les grossistes, les métiers de bouche, et pour lequel vous proposez une prestation d’accompagnement ?
Très certainement, les distributeurs vont s’appuyer sur ce label pour montrer à leurs clients qu’ils s’engagent dans la lutte contre le gaspillage. Toutefois, à mon avis, l’enjeu principal est ailleurs pour les magasins, comme pour les enseignes. Pour ces dernières, si l’on prend l’exemple d’une qui compte 2 000 magasins, le label constitue un outil pour comprendre et mesurer ce qui s’y passe, échanger des bonnes pratiques, s’engager efficacement. Les enseignes ont tout intérêt à ce que les magasins ne gaspillent pas et paient moins de factures liées aux déchets... Au niveau des magasins, j’ai plutôt l’impression que les patrons vont demander le label en reconnaissance de l’engagement de leurs collaborateurs. Lorsqu’ils réalisent des actions anti-gaspi, ils y trouvent beaucoup de sens ! Mais tout va se jouer dans les trois à quatre mois qui viennent : si l’un des distributeurs intégrés, comme Franprix ou Monoprix, décide de se lancer en faisant labelliser une centaine de magasins, les autres enseignes vont suivre...