«La montagne dispose de nombreux atouts, autres que le ski »
Lourdement impactées par la pandémie, les stations de ski attendent la réouverture des remontées mécaniques, prévue le 7 janvier prochain. La crise rend d’autant plus urgente l’évolution déjà initiée par le secteur, vers une diversification des activités, l’été compris.
Quelle fréquentation attendez-vous à Noël et quel a été jusqu’à présent l’impact de la pandémie sur l’économie des stations de ski ?
Nous avons été confinés dès le 15 mars 2019. Cela a empêché la saison du printemps de se tenir et on estime que le manque à gagner se situe entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros pour les stations. Celles de haute altitude, comme Tignes ou Val Thorens, ont été particulièrement pénalisées, car elles restent ouvertes plus longtemps. Aujourd’hui, nous sommes prêts à accueillir les visiteurs pour Noël, dans le respect des mesures sanitaires. Les stations s’organisent pour proposer d’autres services que le ski alpin, comme le ski de fond, le ski tracté à cheval, le patin à glace, ou le parapente…Et aussi, les joies simples de la neige, qui participent à la magie de Noël. Nous ne savons pas encore comment cela va se passer, mais nous pensons que beaucoup de lits vont être occupés en dépit du fait que les étrangers, qui représentent 28% de la clientèle, ne seront pas là. L’impact de la concurrence des stations étrangères devrait rester marginal. Dans les Pyrénées, elle peut toucher des stations limitrophes de l’Espagne. Côté Suisse, leur monnaie rend les stations très coûteuses. De plus, le regain de l’épidémie pourrait remettre en cause leur ouverture.
Les remontées mécaniques devraient rouvrir le 7 janvier. Cela suffira-t-il à sauver la saison ?
Si la date du 7 janvier est maintenue, c’est la saison de tous les possibles… Cette date permet de relancer la machine. Les clients skieurs devraient avoir une grande appétence pour la montagne : ils ont été privés de leur sport au printemps et à Noël. Même s’il ne s’agit pas d’une période de vacances scolaires, nous pensons qu’il devrait y avoir un engouement pour le ski dès janvier. Pour les vacances d’hiver, nous pouvons compter sur l’envie de skier des Français, mais aussi, après toutes ces semaines de confinement, sur le fait qu’ils ont besoin de grands espaces. Et nous misons aussi sur le printemps, une saison que nous développons déjà depuis six ans, et qui va jouer un rôle capital. Toutefois, la saison va être difficile, économiquement et socialement. L’arrêt des remontées mécaniques constitue un coup dur, car le ski demeure la locomotive de l’activité en montagne. C’est lui qui permet le financement des investissements. Et l’économie des stations, qui représentent un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros, par an, et environ 120 000 emplois directs, est déjà fragilisée par les aléas climatiques.
La crise va-t-elle accélérer la transformation de l’activité des stations de ski, déjà initiée ?
Cet été, au sortir du confinement, la fréquentation des hébergements à la montagne a progressé de 4,7%, et nous avons vu affluer 30% de clientèle nouvelle. Au printemps, nous avions mené une campagne de communication sur les principales chaînes de télévision sur le thème « La montagne, tout naturellement ». En effet, elle dispose de nombreux atouts autres que le ski. Nous faisons la promotion des quatre saisons. Aujourd’hui, les investissements se tournent vers des activités qui vivent toute l’année, comme les luges monorail, ou les espaces de détente et de relaxation. Cela a commencé dès l’hiver 1990, où les premiers flocons ne sont arrivés qu’en février… Depuis, les stations ont commencé à développer de nombreuses autres activités. On en compte, actuellement, une soixantaine, pour le jour et la nuit. Originellement axées sur le sport, elles se sont diversifiées autour du loisir et du plaisir, et, depuis une dizaine d’années, du bien-être et de la remise en forme : les stations disposent de spas, on peut y faire de la sophrologie ou du yoga, dont l’altitude décuple les sensations. Par ailleurs, la montagne répond à la tendance actuelle d’un tourisme durable, de proximité… C’est une voie lente, de moyen et long terme, mais nous sommes au début de quelque chose de nouveau.
Anne DAUBREE