Saint-Martin-du-Tilleul : La french filature, un fil de lin "made in France"
Natup, le groupe coopératif, poursuit sa stratégie de développement des débouchés de la culture du lin. Elle a lancé une filature à Saint-Martin-du-Tilleul.
C’est fait ! Ce 18 février, à Saint-Martin-du-Tilleul (Eure), La French filature, portée par le groupe coopératif Natup, a produit son premier fil de lin issu d’une filière entièrement française. Un événement qui n’était pas arrivé dans l’Hexagone depuis plus de deux décennies. « C’était le seul chaînon manquant. La chaîne de valeur est désormais maîtrisée de bout en bout garantissant une traçabilité complète et une optimisation de l’impact environnemental du produit fini », remarque Karim Behlouli, directeur général de NatUp Fibres.
Le projet a nécessité 4,4 millions d’euros, financés par le groupe coopératif à hauteur de 2,4 millions d’euros et par l’Etat et la Région Normandie pour un total d’un million chacun, dont 500 000 euros en avance remboursable, dans le cadre d’un programme des investissements d’avenir "filières". L’atelier de filature vient ainsi compléter les activités déjà présentes sur le site : le peignage et la préparation de ruban. Un investissement qui s’inscrit dans une stratégie d’élargissement des débouchés dans le textile, mais aussi dans les matériaux composites au travers de la filiale Eco-Technilin, basé à Valliquerville.
Objectif : 250 tonnes de fil par an
« Notre objectif est de produire 250 tonnes de ce fil par an, souligne Karim Behlouli. Pour cela, nous avons formé les 27 personnes travaillant déjà sur le site » A l’avenir, une trentaine d’embauche sont envisagées. Entre la formation du ruban et le filage, une seule étape est délocalisée dans les Hauts-de-France : le blanchissement, qui permet d’affiner la fibre en supprimant les ciments pectiques. « Nous n’avons pas trouvé de blanchisseurs en Normandie » constate Karim Behlouli.
Les mèches reviennent mouillées, ce qui accentue la finesse des fils. « Nous avions des filatures en Pologne dont nous sommes séparés », explique Jean-Charles Deschamps, président de Natup. Celles-ci travaillant en semi-mouillé donnant « une qualité de fil plus grossière avec une rentabilité qui n’était pas au rendez-vous. C’est beaucoup plus difficile de valoriser le "made in Europe" ou le "made in Pologne" » qu’une production française.
Pour assurer la qualité des process, un laboratoire de caractérisation, sur place, à la French Filature, contrôlera, notamment, la couleur et la résistance mécanique des rubans, la résistance des fils. Une fois achetés, les fils seront ensuite tissés ou tricotés. Enfin, les tissus passeront par la teinture et l’apprêt, avant d’être utilisés dans l’habillement et le linge de maison.
La qualité
« Nos clients directs sont des tisseurs et des tricoteurs. Potentiellement, leur donneur d’ordre pour la filature, ce sont des marques de luxe, ainsi que tous les acteurs locaux intéressés par la traçabilité et le 100 % "made in France" », résume Karim Behlouli. Le responsable ne se dit pas inquiet pour les débouchés des tisseurs et tricoteurs, lesquels sont une centaine et se remettent au lin. « Mais il y a peu de teinturiers et d’apprêteurs capables de faire du lin. Heureusement, nous avons notre teinturier, Lemaitre-Demeester (tisseur de lin, situé à Halluin, Natup est entré au capital de la société, ndlr). Ce sera un maillon à regarder de près pour des investissements futurs. »
La french filature comporte également une plateforme collaborative d’échange qui réunit tous les acteurs de la filière afin de répondre au mieux aux attentes des marques de textile en termes de traçabilité, d’analyse du cycle de vie du produit… « C’est un projet filière », rebondit Jean-Charles Deschamps qui insiste sur la nécessité de créer une dynamique autour d’une production française et de la valoriser, dans le futur, à l’étranger. « On ne réussira qu’à partir du moment où l’on sait faire une superbe qualité ».
Autre sujet d’importance, « si on veut changer de cap et produire vingt ou cent fois la capacité actuelle, il faudra robotiser et cela n’existe pas aujourd’hui », analyse Karim Behlouli,. En effet, le filage est gourmand en main d’œuvre et donc coûteux. « L’objectif est que les grands spécialistes de la robotisation se penchent sur le sujet ». Un pari audacieux pour Natup qui regroupe 7 000 agriculteurs, dont 5 000 adhérents de Normandie, Picardie, Ile-de-France et Eure-et-Loir.
Pour Aletheia Press, Laetitia Brémont